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Egypte : Vers un recul de la violence

May Al-Maghrabi, Mardi, 29 décembre 2015

L'année 2015 a été marquée par un confinement des opérations terroristes dans le nord du Sinaï, et un recul notable des attaques sporadiques limitées au Caire et dans le Delta. Tout porte à croire qu'il y aura une régression de la violence armée en 2016.

consulat italien visé par un attentat terroriste au mois de juillet.
Le consulat italien visé par un attentat terroriste au mois de juillet. (Photo: Adel Anis)

C’est dans le nord du Sinaï que le terrorisme a concentré ses attaques en 2015, alors que Le Caire et les autres gouvernorats ont connu une régression relative des attaques limitées et sporadiques. Les affrontements se sont principalement concentrés dans le Sinaï entre l’armée et le groupe Province du Sinaï. Et pour la première fois, les attentats ont visé des juges et des diplomates. Au mois de juillet, une explosion près du Consulat italien rue Galaa au Caire fait 1 mort et 7 blessés. C’était la première fois qu’une mission diplomatique étrangère est visée par un attentat terroriste.

Le 16 mai à Al-Arich au Nord-Sinaï, 3 juges sont tués par le groupe Ansar Beit Al-Maqdès, alors qu’ils étaient dans un bus qui les transportait avec des juges et des employés du tribunal du Nord-Sinaï. L’attentat a eu lieu quelques heures seulement après la condamnation à mort du président destitué, Mohamad Morsi, ainsi que 16 dirigeants de la confrérie des Frères musulmans pour espionnage avec le Hamas et évasion de la prison de Wadi Al-Natroun lors de la révolution de 2011. Le 24 novembre, une voiture piégée explose devant un hôtel d’Al-Arich où se trouvent des juges supervisant les élections législatives. L’attaque provoque la mort de 4 policiers. Mais l’attentat le plus spectaculaire de l’année 2015 reste celui qui a causé la mort du procureur général, Hicham Barakat, le 29 juillet. Il a été revendiqué par le groupe Province du Sinaï, branche égyptienne de l’EI. Le convoi du procureur général a été visé au Caire par une voiture piégée bourrée d’explosifs.

Parallèlement, les attaques contre la police et l’armée se sont poursuivies. Le 29 janvier 2015, une attaque contre l’armée dans le Sinaï fait 30 morts. Et des barrages de sécurité sont pris pour cible à la roquette et à l’arme automatique dans les villes de Cheikh Zowayed et de Rafah. Le 1er juillet, plusieurs attaques sont menées contre des points de contrôle de l’armée à Cheikh Zowayed dans le Nord-Sinaï faisant 17 morts parmi les militaires.. En attaquant Cheikh Zowayed, les terroristes voulaient faire de cette ville leur bastion. Le plan a été mis en échec par l’armée qui a tué 100 terroristes lors d’une vaste opération détruisant une énorme quantité d’armes lourdes.

« L’année 2015 s’est caractérisée par un changement dans la nature des opérations terroristes. Celles-ci ont été plus ciblées », commente Ahmad Kamel Al-Béheiri, chercheur au Centre régional pour les études stratégiques. Le centre a recensé 437 attaques terroristes en 2015 dans 26 gouvernorats. « On remarque aussi le recours aux armes lourdes comme les missiles Graf et les RPG », ajoute Al-Béheiri. Il affirme que le recours par les terroristes à des techniques sophistiquées et des armes lourdes constitue un défi face aux efforts de lutte contre le terrorisme. « C’est un signal important qui montre que les groupes terroristes ont réussi à développer leurs capacités opérationnelles », estime le chercheur. Selon lui, cette évolution est l’une des conséquences de l’allégeance prêtée par le groupe Ansar Beit Al-Maqdès, rebaptisé Province du Sinaï, à Daech en 2014. « Grâce à sa mainmise sur les gisements pétroliers, Daech a été en mesure de financer les terroristes égyptiens, et de fournir un soutien logistique et une expertise en matière de combat et de fabrication d’explosifs ».

En dépit de cette situation, des avancées importantes ont été réalisées au niveau de la lutte contre le terrorisme grâce à un changement radical dans la stratégie militaire, note Ahmad Ban, spécialiste des groupes islamistes. « La zone-tampon le long de la frontière avec Gaza pour empêcher l’infiltration des terroristes et la mise en place d’un commandement militaire unifié, chargé exclusivement de la lutte contre le terrorisme dans le Sinaï, sont des mesures efficaces », dit-il. Et d’ajouter que des efforts supplémentaires sont encore requis pour sécuriser totalement le Sinaï. Quant à la sécurisation des frontières avec la Libye entamée il y a deux ans, elle a porté ses fruits, selon le chercheur. « L’armée a réussi à stopper l’infiltration des éléments terroristes par l’ouest et à réduire les opérations terroristes dans le Sinaï. Des dizaines de groupuscules ont été démantelées et d’énormes quantités d’armes et d’explosifs ont été saisies. Les attaques limitées qui ont eu lieu dans les gouvernorats visaient à alléger la pression qui pèse sur les terroristes dans le Sinaï », affirme Ban. Il pense que l’Etat parviendra à maîtriser le terrorisme en 2016. « On peut d’ores et déjà s’attendre à un recul des opérations terroristes en 2016 ». A l’intérieur du Sinaï, La Province du Sinaï a en effet subi des pertes importantes en hommes et en matériel, et il ne sera pas facile pour le groupe de recruter de nouveaux membres, mais cela ne signifie pas, selon Ban, que le terrorisme sera totalement éradiqué. « La situation dans le Sinaï est sous contrôle, mais le spectre de futurs attentats plane toujours sur la péninsule, et l’armée doit encore travailler pour venir à bout de ce fléau. La question qui se pose est comment éradiquer le terrorisme en évitant des pertes humaines importantes », affirme Ban. L’année 2016 sera sans doute moins meurtrière que 2015 même si la lutte antiterroriste n’est pas encore achevée.

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