Al-Ahram Hebdo : Que représentent pour vous les 6 médailles d’or obtenues aux Championnats arabe et afro-asiatique, qui se sont achevés le 19 décembre, à Charm Al-Cheikh ?
Mohamad Ihab : C’est bien de clôturer la saison avec 6 médailles d’or, et le titre de meilleur athlète de la compétition. Mais il faut savoir que les Championnats arabe et afro-asiatique n’étaient pas d’une grande importance pour moi, car mon but était de remporter des médailles d’or avec un minimum d’efforts. Je n’ai pas battu mes records personnels. Pour décrocher l’or, je me suis contenté de lever 150 kg à l’arraché et 176 kg à l’épaulé-jeté, réalisé lors de mes premiers essais. Bien sûr, chaque médaille décrochée est précieuse pour moi, mais remporter une médaille d’argent et une de bronze lors des Mondiaux dépasse de loin le fait de remporter ces 6 médailles d’or. C’est incomparable.
— Le 16 décembre dernier, l’Agence mondiale d’antidopage vous a remis la médaille d’argent à l’épaulé-jeté à la place de la médaille de bronze que vous avez obtenue, après le test positif de l’haltérophile azerbaïdjanais.
— C’est un cadeau magnifique de la part de l’Agence mondiale d’antidopage, qui a déclaré le 16 décembre les résultats des tests antidopage, effectués lors des Championnats du monde de Houston. Ils ont prouvé que l’échantillon de l’haltérophile d’Azerbaïdjan, Elkhan Aligulizada, médaillé d’argent à l’épaulé-jeté, était positif. Ainsi, l’agence a annoncé que j’étais le détenteur de la médaillé d’argent à l’épaulé-jeté avec mon lever de 201 kg, en plus de ma médaille de bronze au total, avec 363 kg.
— Quel a été plus précisément votre sentiment ?
— Ma joie était immense. Je suis très fier de ma performance. J’ai vécu les meilleurs moments de ma vie en montant sur le podium. La concurrence était très serrée. Les meilleurs haltérophiles étaient présents. Ce qui m’a beaucoup aidé aux Mondiaux, c’est que j’étais un inconnu parmi les grandes stars de la discipline. Personne ne pensait que je pouvais remporter une médaille, car je n’étais pas classé mondialement. Mais à la grande surprise de tout le monde, j’ai arraché des médailles. Lors de ces Mondiaux de Houston, j’avais le sentiment que j’étais en guerre. Et j’ai gagné la guerre, malgré la grande différence de moyens.
— Lors des Mondiaux, vous avez participé à la catégorie des 77 kg pour la première fois et vous avez soulevé 201 kg à l’épaulé-jeté pour la première fois aussi ...
— Oui. Je suis l’homme de la première fois. Après les Mondiaux 2014, lorsque j’avais obtenu 2 médailles d’argent et une de bronze en catégorie 69 kg, j’ai décidé de laisser tomber cette catégorie de poids, car mon niveau a été affecté à cause de mon régime pour la perte de poids. Résultat : j’ai perdu plus de force. Ainsi, il y a 6 mois j’ai commencé à m’entraîner pour le poids de 77 kg. Evidemment, c’était une décision courageuse qui ne manquait pas de risque mais c’était calculé. C’est la même chose pour mon essai de soulever 201 kg. J’étais obligé de prendre ce risque pour décrocher une médaille, même si je n’avais jamais soulevé ce poids durant tous mes entraînements. Heureusement, mon essai était concluant. J’ai sauté de joie après cette prouesse. C’était une grande surprise pour tout le monde.
— Comment êtes-vous parvenu à ce niveau international en si peu de temps ?
— Après avoir disputé les Mondiaux 2014, j’ai commencé ma préparation pour les Mondiaux 2015. Je me suis consacré corps et âme à cette compétition. Je n’ai participé à aucune compétition durant toute l’année. Je n’ai même pas participé aux Jeux africains, laissant tomber ainsi la grosse prime de 150 000 L.E. pour l’or, qui était à ma portée. J’ai préféré poursuivre ma préparation avec le maximum de concentration afin de réaliser mon principal but de monter sur le podium mondial. Et Dieu merci, j’ai réussi à réaliser mon objectif. Cette stratégie a bien marché puisque je n’ai pas rompu mon programme et mes adversaires ne connaissaient pas mes capacités.
— Votre parcours était plein d’embûches. En 2012, vous étiez suspendu pour dopage. Comment avez-vous vécu cela ?
— Cette partie de ma vie était la plus difficile. J’ai traversé des moments durs durant ma suspension de deux ans. En 2012, 3 mois avant les Jeux olympiques de Londres, j’avais effectué un test antidopage, malheureusement, le résultat était positif. Au début, j’ai mal vécu cela mais grâce au soutien de mon entraîneur au sein du club Fayoum, Mohamad Eweis, je suis retourné à l’entraînement en 2013. Pendant plus d’un an, je me suis entraîné seul avec mon entraîneur dans sa ville natale, Fayoum. Après avoir réalisé de bons records et un niveau convenable, j’ai intégré le club de l’Institut militaire à Ismaïliya. Avec l’entraîneur Amr Ramadan, j’ai commencé une nouvelle ère. Il m’a confié que je devrais réaliser un exploit international pour oublier le passé. Ainsi, j’ai commencé à m’entraîner d’une manière professionnelle dans le but de réaliser une prouesse. J’ai travaillé sur mes records personnels pour les améliorer grâce à un programme bien établi, tout en mettant devant moi les records mondiaux. Et pour retourner au jeu, j’étais obligé d’effectuer 3 tests antidopage auprès de la Fédération égyptienne pendant les mois de mars, avril et mai. La suspension a été levée en août 2014 car les résultats étaient négatifs. Le 3 septembre 2014, j’ai disputé ma première compétition après la suspension en participant au Championnat des entreprises. Pendant ce tournoi, j’ai battu les records des haltérophiles de la sélection nationale. Après avoir remporté la première place, j’ai intégré de nouveau la sélection nationale. Pendant un mois et demi je n’ai fait que m’entraîner. J’ai fermé mon portable et mon ordinateur. Grâce à mon obstination et ma volonté de vaincre, j’ai pu réaliser mon but en dérochant les 2 médailles d’argent et une de bronze aux Mondiaux 2014 à la grande surprise de tous.
— Comment ont été vos débuts ?
— Mon père était un champion d’haltérophilie, il m’a habitué à l’ambiance de l’entraînement depuis mon enfance puisque je l’accompagnais tous les jours. Un jour, l’entraîneur Galal Eweis m’a vu avec lui au club du Fayoum. Il a insisté pour que je m’entraîne alors que je n’avais que 8 ans. Mais au début, j’étais tiraillé entre l’haltérophilie et la lutte, une discipline que j’aimais plus à l’époque. Mais grâce à mon entraîneur Eweis, j’ai choisi l’haltérophilie. Lorsque j’ai eu 14 ans, j’ai intégré l’école des athlètes talentueux. Dès mes débuts, j’étais champion d’Egypte de mon âge. A l’âge de 16 ans, j’ai intégré la sélection égyptienne juniors avec laquelle j’ai disputé les Championnats du monde juniors en 2007. A 20 ans, j’ai disputé les Jeux panarabes en 2007. J’ai décroché 3 médailles de bronze. En 2008, j’ai commencé à récolter les médailles internationales juniors en remportant 2 médailles de bronze et une d’argent aux Mondiaux juniors, puis une médaille de bronze aux Mondiaux juniors 2009. Pendant la même période, j’ai décroché des médailles aux Championnats d’Afrique seniors.
— Aujourd’hui, quel est votre but ?
— Mon but principal, c’est monter sur le podium olympique. C’est mon rêve que je tiens à réaliser. Je ferai de mon mieux pour cela. Après avoir pris une semaine de repos, je vais commencer ma préparation pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro 2016 avec un stage à Charm Al-Cheikh. Je vais travailler sur mes records personnels, tout en étudiant les records de mes concurrents qui sont tous connus maintenant. Le plus important pour moi c’est d’effectuer un long stage de préparation avant les JO au Brésil, afin de me concentrer à 100 % à l’entraînement.
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