De notre envoyé spécial —
L’accord de Paris sur le climat, signé samedi dernier, rassemble pour la première fois toutes les nations dans une cause commune en fonction de leurs responsabilités historiques, actuelles et futures. Il est sans précédent pour lutter contre le réchauffement, mais beaucoup reste à faire.
« Je déclare l’accord de Paris pour le climat adopté », a déclaré samedi, ému, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères et président de la 21e conférence sur le climat de l’Onu (COP21), en abattant son maillet sur le pupitre au Centre de conférences du Bourget, au nord de Paris.
L’objectif principal de l’accord universel est de maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2 degrés Celsius, et de mener des efforts encore plus poussés pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux pré-industriels. La limite de 1,5 degré Celsius constitue une ligne de défense considérablement plus sûre contre les pires impacts du changement climatique. De plus, l’accord vise à renforcer la capacité à répondre aux conséquences du changement climatique.
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, des flux financiers seront mis en place, rendant ainsi possible une action plus robuste des pays en développement et des plus vulnérables, en harmonie avec leurs objectifs nationaux. Le nouvel accord établit également le principe que les plans climat nationaux à venir ne seront pas moins ambitieux que ceux qui existent déjà, ce qui signifie que ces 188 plans d’action climat fournissent un plancher ferme et le fondement d’une ambition plus élevée. Les pays soumettront des plans climat mis à jour, nommés contributions déterminées au niveau national (NDC, en anglais) tous les 5 ans, augmentant ainsi leur ambition à long terme de façon constante.
L’action climatique sera également avancée dans la période pré-2020. Les pays continueront à s’engager dans un processus portant sur les possibilités d’atténuation et mettront l’accent sur les possibilités d’adaptation. En outre, ils travailleront à définir une feuille de route claire pour atteindre les 100 milliards de dollars de financement climatique d’ici 2020. Ceci est souligné davantage par le système de transparence et de comptabilité de l’accord, qui apportera plus de clarté sur les efforts de mise en oeuvre des pays, avec une flexibilité pour les pays de capacités différentes.
Conclusion retardée
Initialement prévue vendredi, la conclusion de la COP21 a été retardée de vingt-quatre heures en raison de divergences persistantes qui n’ont été surmontées qu’après une dernière nuit de consultations, notamment sur les questions financières. L’objectif des 100 milliards de dollars par an, mobilisés d’ici 2020, pour aider les pays en développement à faire face au réchauffement climatique, fixé à Copenhague, a été sorti de l’accord proprement dit, à la demande des Etats-Unis qui en avaient fait une ligne rouge. Mais il est mentionné dans la décision adoptée en même temps que l’accord par la COP21, qui en est en quelque sorte le décret d’application. Ce montant y est considéré comme un « plancher » à partir duquel un nouvel objectif devra être défini avant 2025.
Selon des sources proches des négociations, cela a été l’un des principaux points d’accrochage dans l’ultime ligne droite. « Les Américains ont mis la pagaille toute la nuit en refusant que les 100 milliards soient dans l’accord », a déclaré l’une de ces sources à Reuters. La ministre sud-africaine de l’Environnement, Edna Molewa, dont le pays préside le G77, qui fédère 134 pays du Sud et la Chine, a estimé que ce texte n’était certes « pas parfait », mais qu’il constituait une base solide pour l’action. « Nous croyons qu’il peut marquer le tournant vers un meilleur monde », a-t-elle dit après l’adoption de l’accord.
Composante financière floue
Les pays africains ne sont pas très satisfaits de la composante financière de l’accord, un peu floue, mais ont montré de la flexibilité et se sont ralliés aux autres pays en développement pour parvenir à un accord qui tout de même contraint les pays developpés à mener la lutte contre le réchauffement climatique, a déclaré le ministre égyptien de l’Environnement et président de l’Amcen (congrès des ministres africains de l’Environnement), Khaled Fahmi, à Al-Ahram Hebdo. « Tous les mécanismes vont être définis à Marrackech, l’an prochain, lors de la COP22. Le chemin reste long », a-t-il ajouté.
Hoda Baraka, directrice des communications globales de l’ONG 350.org a, de son côté, déclaré à Al-Ahram Hebdo que « ce texte marque la fin de l’ère des combustibles fossiles. Ses objectifs ne pourront être atteints qu’à condition d’abandonner l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz. Notre mission désormais est de veiller à ce que les pays respectent leurs promesses et accélèrent leur transition vers une énergie 100 % renouvelable ». Elle ajoute : « Le texte final présente encore des lacunes considérables. Nous sommes très inquiets de l’exclusion des droits des peuples autochtones et du manque de financements pour les pertes et dommages ».
Pour le directeur exécutif de Greenpeace International, Kumi Naidoo, « l’accord de Paris n’est qu’un pas sur un long chemin, et certains de ses points sont frustants et décevants, mais c’est le progrès. Les énergies renouvelables se développent déjà beaucoup dans le monde, mais l’accord de Paris pourrait leur donner un sursaut vital ».
L’accord sera ouvert à la signature au siège de l’Onu à New York du 22 avril 2016 au 21 avril 2017. Il entrera en vigueur après sa ratification par au moins 55 signataires représentant au moins 55 % des émissions totales.
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