A Riyad, tout comme à Malikiyeh, l'opposition syrienne cherche à faire entendre sa voix.
(Photo : AP)
Des représentants politiques et militaires de l’opposition syrienne se sont réunis à Riyad, les 9 et 10 décembre, sous l’égide de l’Arabie saoudite, pour essayer de trouver une issue politique à la crise syrienne. La conférence de Riyad a donné naissance à une «
Autorité de négociations des forces de la révolution et de l’opposition syriennes ». Celle-ci est supposée représenter l’opposition lors des pourparlers avec le régime, prévus en janvier 2016.
La déclaration finale de la conférence de Riyad a stipulé comme solution politique le départ du président syrien, Bachar Al-Assad, au terme d’une phase transitoire au cours de laquelle une nouvelle Constitution sera rédigée, et des élections présidentielles organisées sous l’égide d’un gouvernement de transition.
Mais l’unité à laquelle aspiraient les responsables réunis à Riyad, majoritairement représentatifs de l’opposition islamiste, a été discréditée par la tenue presque au même moment d’une réunion parallèle d’autres factions, notamment kurdes et laïques, à Malikiyeh, dans la province de Hassakeh au nord-est de la Syrie. Cette réunion a surtout mis en avant la proposition d’une « Syrie fédérale », même avant d’exiger le départ d’Assad. La réunion a aussi formé sa propre instance destinée à représenter l’opposition. Il s’agit du Conseil démocratique syrien, regroupant 42 personnalités politiques et militaires.
« Le fait qu’il y a eu deux conférences est un signe de division. On ne peut pas dire que l’opposition est unie, surtout que le sommet de Riyad n’a inclus ni les Kurdes ni les groupes laïques », explique Walid Kazziha, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire.
Kazziha estime par contre que la conférence de Malikiyeh a rassemblé un éventail plus large de tendances politiques, dont certaines sont très actives sur le terrain. « La réunion de Riyad a également regroupé certains groupes armés, mais entre lesquels il existe de grands différends, ce qui fait que la déclaration finale de Riyad risque de rester lettre morte », dit Kazziha.
D’autres analystes se sont plutôt enthousiasmés pour la conférence de Riyad. « Les différentes parties de l’opposition syrienne se sont mises d’accord à Riyad autour d’une déclaration finale qui offre une solution politique », affirme l’analyste Salameh Kaïleh. « Or le but de la réunion de Malikiyeh est de contrecarrer les efforts de Riyad, de quoi permettre à la Russie de poursuivre la défense du régime d’Assad sous prétexte que l’opposition est fragmentée », estime de son côté l’analyste Salameh Kaïleh, qui attribue aux Kurdes des ambitions séparatistes.
Sur le terrain, les partis représentant les deux conférences contrôlent différents territoires (voir fiche). Il y aura sans doute une rivalité entre les représentants des deux conférences pour obtenir le statut d’opposition syrienne à table de négociations.
Un accord Washington-Moscou ?
A Riyad, tout comme à Malikiyeh, l'opposition syrienne cherche à faire entendre sa voix.
(Photo : AFP)
Mais ce n’est plus un conflit interne depuis que la crise syrienne a été internationalisée. Grandes puissances et acteurs régionaux exercent leur influence pour déterminer quelle opposition prendra part aux pourparlers.
Alors que les Etats-Unis ont soutenu la conférence de Riyad, disant qu’elle marquait un développement « positif et constructif » dans la reprise des négociations, la Russie et l’Iran — alliés d’Assad — n’ont pas caché leurs critiques. « Il n’est pas acceptable que des groupes terroristes se présentent sous le label d’opposition modérée et essayent de déterminer le destin de la Syrie et de la région », lance Hussein Amir Abdellahyan, délégué du ministre iranien des Affaires étrangères, en référence à certains participants au sommet de Riyad, comme Les Libres du Levant, alliés au Front Al-Nosra, la branche d’Al-Qaëda en Syrie.
Position partagée par Moscou, qui estime que toute opposition armée contre le régime est une organisation terroriste. « Nous ne pouvons pas accepter que le groupe, qui s’est réuni à Riyad parle au nom de l’opposition syrienne », affirme dans un communiqué le ministère russe des Affaires étrangères.
Les Etats-Unis, aussi bien que la Russie, sont d’accord sur la nécessité de lutter contre le groupe Etat islamique « Daech », qui sévit en Syrie. Mais les deux puissances divergent quant aux moyens de le faire.
Lors d’un sommet à Vienne le mois dernier, 17 pays, dont les Etats-Unis, l’Iran, la Russie, l’Arabie saoudite, ont mis au point une feuille de route qui prévoit, au cours d’une phase transitoire de 18 mois, la formation d’un gouvernement de transition, la rédaction d’une nouvelle Constitution et la tenue d’élection. Mais les pourparlers prévus entre le régime et l’opposition, en janvier prochain, risquent de buter sur le choix des factions qui pourront s’exprimer au nom d’une opposition aussi disparate.
« S’il n’y a pas d’accord entre les Russes et les Américains, aucune délégation du régime ou de l’opposition ne saura être formée. La route à faire reste longue », conclut le professeur Kazziha.
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