Les divergences des pays arabes quant à trouver une solution à la guerre en Syrie, comme c’est le cas pour les autres conflits régionaux, persistent toujours. Alors que les réunions internationales se multiplient ces jours-ci pour parvenir à un règlement du conflit, la Ligue arabe, en théorie première concernée, est absente.
« L’absence arabe sur le dossier Syrien, l’émergence de la Russie, la présence américaine et l’intervention de l’Iran sont le résultat d’agendas politiques propres à chaque pays arabe et c’est ce qui a affaibli la position arabe », a récemment martelé le président tunisien, Beji Caïd Essebsi.
Le dossier syrien n’a jamais été vraiment entre les mains de la Ligue arabe, mais entre celles des grandes puissances et de certaines forces régionales, qui l’instrumentalisent pour servir leurs intérêts. Les premières tentatives de la Ligue arabe pour contenir la crise se sont vite soldées par des échecs, à cause de nombreux désaccords qui persistent entre les Etats arabes.
La mission des observateurs de la Ligue arabe, dépêchée en décembre 2011, s’est également soldée par un fiasco. « L’envoi de ces observateurs sur les lieux de combats a été l’unique démarche positive prise par la Ligue concernant la crise syrienne et elle n’avait aucun précédent dans l’histoire de l’action arabe. Mais le travail de cette mission a été subitement suspendu après que certains pays arabes eurent émis leurs réserves quant à la neutralité de ses rapports », explique Sameh Rached, expert des affaires arabes au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Affaiblie, la Ligue arabe a demandé à l’Onu, en février 2012, d’envoyer des Casques bleus. « Nous avons transmis le dossier syrien à l’Organisation des Nations-Unies, car c’est la seule institution qui peut formuler des décisions et les appliquer », avait alors expliqué Nabil Al-Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe.
Cette incapacité de la Ligue remonte, selon Sameh Rached, à « l’inefficacité de la structure de la Ligue et à la nature de ses décisions, qui sont rarement prises à l’unanimité, l’empêchant ainsi de jouer un rôle décisif ». Le politologue Ahmad Youssef estime cependant que la Ligue arabe a eu une action positive lorsqu’elle jouait un rôle actif en Syrie, à tel point que Lakhdar Brahimi était le médiateur commun de l’Onu et de la Ligue.
Mais, aujourd’hui, il n’y a qu’un émissaire onusien pour animer les pourparlers et la Ligue n’a même pas été invitée aux réunions de Vienne, qui se sont déroulées en novembre dernier. Brahimi a démissionné de son poste en mai 2014, après deux années d’efforts infructueux. Il a imputé son échec à « l’obstination des protagonistes, régime et opposition, ainsi qu'à leurs soutiens respectifs dans la communauté internationale. J’ai pensé que nous pourrions aboutir mais, en raison des divisions, nous n’avons pu faire aucun progrès en trois ans », avait-il dit à l’époque.
Chaise vide
Depuis novembre 2011, le siège vide à la Ligue arabe de la Syrie reflète la divergence profonde qui divise les pays arabes, ce qui n’a pas échappé aux observateurs. En mars 2013, lors du sommet de Doha, Moaz Al-Khatib, ancien président de la Coalition nationale pour les forces de la révolution et de l’opposition Syrienne (CNS) avait pu représenter la Syrie, prononcer un discours et soulever le drapeau, dit de « la révolution », avec ses trois étoiles.
Depuis, son successeur, Ahmad Al-Jarba, n’a été autorisé qu’à prononcer un discours au sommet du Koweït, en mars 2014. Le drapeau révolutionnaire a été remplacé par le drapeau à deux étoiles, que les révolutionnaires syriens appellent celui « du régime », sous la pression de certains pays, qui menaçaient de se retirer du sommet. Les tensions entre les pays arabes étaient à leur comble, lorsqu’il a été question de laisser s’asseoir l’opposition à ce sommet.
L’Iraq, l’Algérie, Oman et le Liban ont rejeté cette idée, alors que l’Arabie saoudite, le Qatar, Bahreïn et les Emirats arabes unis étaient plutôt en faveur d’accorder le siège à l’opposition. « Laisser la chaise vide tout en gardant le drapeau syrien, contesté par l’opposition, a été une sorte de compromis entre les dirigeants arabes pour avoir un accord minimum sur la crise syrienne. C’est autour de la définition du terrorisme que les dirigeants divergent », explique Ahmad Youssef.
S’il y a un consensus pour dire que Daech et le Front Al-Nosra sont des groupes terroristes, les pays arabes divergent sur le statut qu’il faut accorder à Ahrar Al-Cham et Jaych Al-Islam.
Désaccord sur l’avenir d’Al-Assad
L’avenir du président syrien, Bachar Al-Assad, demeure au centre des désaccords. Deux positions s’affrontent. La première, à laquelle s’alignent l’Iraq, l’Algérie et le Liban, considère que le régime d’Al-Assad est un rempart face aux groupes terroristes et qu’une intervention militaire risque de détruire les institutions de l’Etat.
L’axe rival, mené par les pays du Golfe, revendique le départ d’Al-Assad comme condition préalable pour entamer une solution politique. Ce camp est accusé de financer et d’entraîner des groupes terroristes et de transformer la guerre civile en conflit confessionnel avec pour ennemi l’Iran qui soutient militairement Al-Assad. « Toutes les tentatives internationales ont échoué jusque-là, en raison de la complexité de la situation en Syrie. Cette crise ne pourra pas être résolue sans une réelle volonté politique de la part des dirigeants arabes », prévient l’actuel secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi.
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