Dans une première de l’histoire contemporaine égyptienne, père et fils sont élus au parlement. Ancien magistrat et actuel président du club Zamalek, Mortada Mansour a remporté les élections dans la circonscription de Mit Ghamr, sa ville natale du gouvernorat de Daqahliya (Delta), pour marquer un troisième mandat au parlement égyptien, après les élections de 2000 et 2005. En remportant plus de 82 000 votes, Mansour arrive deuxième, en terme de votes obtenus, derrière l’animateur Tawfiq Okacha. Tout comme ce dernier, Mortada a les yeux braqués sur la présidence du parlement et il prétend être « le plus méritant pour occuper ce siège ». Réputé par une attitude plutôt assez agressive, souvent offensive, envers ses adversaires, Mortada est aussi l’un des grands opposants de la révolution du 25 janvier 2011 et de ses acteurs. Sa popularité est actuellement à son apogée, notamment après avoir mené le club de foot Zamalek au doublé local (Championnat et Coupe) pour la première fois depuis 1988.
Ahmad a beaucoup profité de la gloire de son père et du club Zamalek pour décrocher un siège de député. Il s’est imposé dans la circonscription de Doqqi et Agouza, celle de son lieu de résidence, devant Amr Elshobaki, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Le jeune avocat (32 ans) s’est lancé dans la course aux législatives sous l’étiquette du parti « Les Egyptiens Libres » après avoir quitté Wafd, quelques semaines avant les élections. Ahmad a présenté un caractère différent de Mortada, mais tel père tel fils. En effet il apparaît dans une vidéo qui a circulé sur tous les réseaux sociaux, insultant ses concurrents aux législatives. De même, il a déclaré lors de sa campagne ne pas avoir de programme à présenter aux électeurs. « Tout candidat qui prétend avoir un programme électoral est un escroc. Ce ne sont pas les mots qui comptent le plus, mais les actes », avait-il dit.
Les Mansours sont perçus comme des représentants des sportifs égyptiens au parlement, mais ils ne sont pas seuls, car 7 autres sièges ont aussi été décrochés par des figures sportives telles que les anciens footballeurs internationaux de la sélection Taher Abou-Zeid et Zakariya Nassef, l’ancien arbitre Réda Al-Beltagui et le président du club Smouha, Farag Amer.
Abdel-Réhim Ali
Expert des mouvements islamiques et rédacteur en chef du site d’information Al-Bawaba, Abdel-Réhim Ali a été le grand vainqueur, dans la capitale, de la circonscription de Doqqi et Agouza, dite « circonscription des vedettes ». Avec 45 000 voix, il a largement dépassé la concurrence devant Ahmad Mortada Mansour, fils du président du club sportif Zamalek, Amr Elshobaki, écrivain, et Sayed Gohar, ancien membre du PND et du parlement. Ali est devenu célèbre grâce à son émission The Black Box, qui a suscité la controverse, tant morale que politique, en diffusant des enregistrements téléphoniques d’activistes politiques et de certains cadres des Frères musulmans à la veille de la révolution du 30 juin, disant qu’ils se livraient à des activités contre l’intérêt de l’Egypte. Le 19 août, après quelques mois de diffusion sur la chaîne Al-Qahéra wal Nass, l’émission de ce programme a été soudainement coupée par l’administration de la chaîne, dirigée par Tareq Nour (un publicitaire influent), alors qu’Ali critiquait l’homme d’affaires Naguib Sawirès.
Abdel-Réhim Ali entend combattre la corruption en menaçant d’ouvrir « les (boîtes noires) de tous les ministères, y compris les ministères de la Santé et du Développement local ». « Amender la Constitution » figure aussi en tête de son agenda parlementaire. Cela a même été la cause principale derrière le dépôt de sa candidature aux législatives, comme il l’indique. Selon lui, « ceux qui ne veulent pas amender la Constitution font partie de la cinquième colonne ».
Tawfiq Okacha
Avec plus de 94 000 voix, Tawfiq Okacha, le célèbre animateur télé et propriétaire de la chaîne de télévision satellite, Al-Faraeen, a récolté le plus grand nombre de votes aux législatives. Il a remporté un siège dans la circonscription de Talkha et Nabarow, son village d’origine, dans le gouvernorat de Daqahliya (Delta), lors de la deuxième phase des élections, en dépassant son concurrent le célèbre candidat du parti Wafd, Fouad Badrawy, de plus de 15 000 voix. Personnage très controversé pour ses points de vue et critiques à l’égard de la révolution du 25 janvier 2011, Okacha (48 ans) a acquis une large popularité grâce à sa simplicité et son langage familier sur le petit écran. Durant la période électorale, il a porté une djellaba et déplacé le plateau de son émission « Egypte d’aujourd’hui », dans le village de Talkha pour être au milieu de ses partisans. Une fois élu, Okcha n’a pas caché son intention de poser sa candidature pour le poste de président du parlement. « Mon score aux législatives m’a encouragé à penser au siège de président du parlement », dit-il. Suite à cette déclaration, une vague de tweets ironiques a enflammé la toile. Le hachtag « Okacha, président du parlement », est aujourd’hui le plus en vogue sur Twitter.
Ce n’est pas la première fois qu’Okacha a accès au parlement. Sous l’étiquette du PND (ex-parti de Moubarak), il a été élu député fin 2010, quelques semaines avant la révolution du 25 janvier. Il est un des fondateurs du Parti de l’Egypte nationale, qui a vu le jour après 2011.
Khaled Youssef
Khaled Youssef
Réalisateur et cinéaste de films, qui ont soulevé de grandes polémiques, Khaled Youssef est le seul artiste ayant réussi à accéder au parlement en gagnant plus 30 000 voix. Youssef, l’un des élèves du célèbre réalisateur, Youssef Chahine, est devenu le député de Kafr Chokr, à Qalyoubiya, proche du Caire, une circonscription dite « révolutionnaire », dominée depuis de longues dates par la famille de l’un des Officiers libres de la Révolution de 1952, Khaled Mohieddine.
Youssef a suivi les pas de plusieurs anciens acteurs, qui ont abandonné les plateaux pour rejoindre la vie politique et précisément le parlement. Le grand acteur Mahmoud Al-Méligui, l’actrice Amina Rizq et le musicien Mohamad Abdel-Wahab font partie de ces artistes.
Pour Khaled, c’est une victoire des révolutions de 25 janvier 2011 et du 30 juin 2013 à la fois. « Mettre en oeuvre les idéaux de deux révolutions » et « réinstaller l’éclat perdu du grand écran (ndlr : la grande époque du cinéma égyptien des années 1950 et 1960) » figurent parmi ses priorités. Membre de la commission des 50, qui a rédigé la Constitution actuelle, Youssef entend s’opposer fermement à toute tentative visant à amender la Constitution pour accroître les prérogatives du président. Pour lui, « les pouvoirs du président cités par la Constitution doivent demeurer sans changements ».
Diplômé d’ingénierie électrique de l’Université de Zagazig en 1990, Khaled a été le chef de l’Union des étudiants en 1988. C’est en 1992, qu’il a fait ses premiers pas au cinéma, en devenant un coréalisateur avec Youssef Chahine dans son film Al-Mohager. Il a ensuite exposé son talent avec des films, qui ont touché audacieusement les maux de la société : pauvreté, chômage et abus policiers. Reste à voir si, sous la coupole, il pourra réaliser ses rêves de liberté et de justice sociale.
Mahmoud Badr
Mahmoud Badr
Entouré de ses partisans, allumant des feux d’artifice et dansant sur les klaxons des voitures, Mahmoud Badr, fondateur du mouvement Tamarrod (Rébellion), qui a mené à la chute du régime des Frères musulmans, a célébré sa première entrée à l’Assemblée du peuple. Le jeune activiste (30 ans) s’est imposé dans la circonscription de Chébine Al-Koum (Delta) en étant membre de la liste électorale « Pour l’amour de l’Egypte », qui a écrasé la concurrence lors de ces législatives. Journaliste qui a travaillé dans plusieurs journaux, Sout Al-Omma, Al-Tahrir et Al-Sabah, Badr s’est mêlé à la vie politique à l’époque de Moubarak en rejoignant le mouvement Kéfaya (Assez) en 2004. Mais ce n’est qu’en 2013 où il a lancé Tamarrod, étincelle de la révolution du 30 juin, qu’il s’est imposé sur la scène. Pourtant, le mouvement a perdu de son éclat en raison de ses dissensions intérieures et n’a pu retrouver une place sur l’échiquier politique. Seuls deux des fondateurs du mouvement, outre Badr, sont élus députés, mais en tant qu’indépendants, à savoir Mohamad Abdel-Aziz et Doaa Khalifa. Pour Badr, « il est nécessaire que chaque député soit toujours au courant des problèmes de sa circonscription et soit en mesure de réaliser leurs requêtes ». A cet égard, il a déclaré avoir trouvé un accord pour que l’armée vende, dans sa circonscription, de la viande à des prix inférieurs que ceux généralement pratiqués.
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