Al-Ahram Hebdo : Le parti Al-Nour n’a remporté que 12 sièges à ces élections alors qu’en 2012 il avait 112 députés au parlement. A quoi attribuez-vous les causes de cette défaite ?
Ahmad Khalil Khairallah : Il y a eu des raisons indépendantes de notre volonté et la plus importante est qu’une campagne médiatique incitait les gens à ne pas voter pour Al-Nour et accusait ses membres d’appartenir à la confrérie des Frères musulmans ou d’être un parti religieux. C’est le résultat de la campagne de diffamation orchestrée par les médias des hommes d’affaires, membres d’autres partis politiques. Certains médias gouvernementaux et privés nous ont même qualifiés de « terroristes ». Les 12 sièges qu’a remportés Al-Nour ne reflètent pas le poids réel du parti et de sa popularité. 1,2 million d’électeurs ont voté pour Al-Nour. Pour moi, c’est un chiffre raisonnable si on le compare avec les résultats des 46 autres partis politiques participant aux législatives.
— Alexandrie est considérée, depuis longtemps, comme un fief du courant islamiste, qui y avait remporté en 2012 une victoire écrasante avec 65 % des voix. Comment expliquez-vous la défaite de votre liste en 2015 ?
— Cela a été une surprise pour nous. Nous nous attendions à un recul du nombre de nos élus, mais pas à cette échelle-là. Al-Nour était le parti le plus structuré et nous avions prévu d’arriver en tête des partis à Alexandrie pour récolter les fruits de quatre ans de travail. Mais notre liste a perdu dans la seule circonscription, où elle se présentait, celle du Delta, face à la coalition « Pour l’amour de l’Egypte », dominée par de célèbres hommes d’affaires. Cependant, Al-Nour n’a pas perdu en popularité, au contraire, nous en avons gagné beaucoup. Nous essayons, maintenant, de restaurer notre image, gagner du terrain pour de prochaines législatives.
— Comment évaluez-vous, en général, la tenue de ces élections législatives de 2015 ?
— Malheureusement, ces élections parlementaires ont été dominées par l’achat de voix. Certains hommes d’affaires, connus pour leur proximité avec l’ancien régime et le Parti National Démocrate (PND), ont mené une campagne dont le seul ressort était de déformer l’image des autres partis. Ceux-ci possèdent l’argent nécessaire et d’importants contacts. Cette campagne médiatique a plutôt incité les électeurs à se détourner des élections. Dans ce parlement, il y a beaucoup de députés qui exercent une fonction politique pour la première fois, car les partis ont cherché à attirer des vedettes et des hommes d’affaires plutôt que des personnes ayant une réelle expérience politique. Le facteur déterminant aux législatives de 2015 n’était ni la popularité ni la politique, c'était tout simplement, l’argent.
— Pouvez-vous vous allier avec le camp libéral et laïque pour former une coalition ?
— Nous n’avions pas fait de coalitions jusqu’à présent, mais Al-Nour veut être actif durant cette législature car le nombre de sièges obtenus par le parti n’est pas assez important. L’intérêt de l’Etat reste notre priorité et c’est ce qui est apparu dans nos prises de position après le 30 juin. Et ce sera le facteur qui déterminera notre participation ou non à une coalition. Rien n’est encore décidé, mais avec le début de la session parlementaire les choses vont devenir plus claires.
— Quels sont les principaux points de l’agenda législatif d’Al-Nour ?
— Tout d’abord, nous pensons qu’amender la Constitution de 2014 n’est pas prioritaire et ne sert pas à l’intérêt du pays. A mon avis, nous n’avons le temps ni de discuter de ça ni d’organiser un autre référendum. Ce n’est pas le moment d’entrer dans un nouveau conflit politique. La réalité des faits est que le pays a besoin d’argent, il faut donc mettre en place des lois qui permettent de proposer un climat attractif pour les investissements et qui encouragent le commerce. Nous pensons qu’il faut également se pencher, de manière prioritaire, sur les lois électorales et celles relatives aux médias.
— Et qu’en est-il des lois promulguées en l’absence de parlement et qui doivent être révisées ?
— Je pense que les 400 lois, qui ont été promulguées ces trois dernières années, en l’absence de parlement, doivent être examinées par les différentes commissions spécialisées pour les réviser. La commission sur l’enseignement doit discuter des lois concernant l’enseignement et l’éducation, celle de la sécurité doit réviser les lois relatives à la sécurité, et ainsi de suite. Cependant, la Constitution ne nous accorde qu’un délai de 15 jours après l’ouverture de la session parlementaire pour faire ce travail. Les lois controversées devront donc être étudiées en priorité. Je pense surtout à la loi de lutte contre le terrorisme, car ce qui se passe, aujourd’hui, dans le Sinaï me semble prioritaire.
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