La Russie interdit les vols d'Egyptair.
(Photo : AFP)
Dans une décision qui n’a pas manqué de surprendre, Moscou a interdit depuis vendredi dernier à la compagnie aérienne
Egyptair d’effectuer des vols vers la Russie.
Le ministre de l’Aviation, Hossam Kamel, a exprimé sa surprise et a appelé la Russie à reconsidérer sa décision. « Egyptair effectue des vols vers la Russie depuis plus de 50 ans sans avoir de problèmes. La compagnie respecte les normes internationales de sécurité aérienne, ce qui doit rassurer la Russie qu’on invite à reconsidérer sa décision », a déclaré le ministre.
La décision de la Russie intervient une semaine après celle de suspendre les vols des compagnies aériennes russes vers l’Egypte, à la suite du crash, le 31 octobre, de l’Airbus A321 dans le Sinaï. Depuis, la Russie continue à évacuer ses touristes sur place, estimés à 80 000, selon le ministère du Tourisme.
La piste d’un acte terroriste derrière le crash de l’avion russe est appuyée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Une conclusion difficile à tirer pour le moment, selon les autorités égyptiennes, puisque les enquêtes sont toujours en cours et l’analyse des boîtes noires n’est pas terminée. Le ministère égyptien des Affaires étrangères affirme que les Etats qui privilégient la piste terroriste n’ont pas partagé leurs informations avec l’Egypte. La branche égyptienne de l’organisation djihadiste Etat Islamique (EI) a assuré être responsable du crash dans lequel les 224 passagers et membres de l’équipage, presque tous des Russes, ont péri.
En marge du sommet du G20 en Turquie, le président russe, Vladimir Poutine, a affirmé lundi que l’enquête sur le crash de l’Airbus de la compagnie Metrojet entrait dans sa « phase finale ». « L’examen de toutes les informations dont nous disposons est actuellement en phase finale », a-t-il déclaré.
Le pourquoi de la décision russe
Toutefois, le manque de clarté sur les raisons de la décision russe donne lieu à de multiples interprétations, notamment sur son éventuelle signification politique. Surtout que les relations entre Le Caire et Moscou se sont dernièrement consolidées.
Selon le président de la commission d’enquête, l’équipe d’enquêteurs est composé d’un total de 58 personnes, dont 29 Egyptiens, 7 Russes, 6 Français, 10 conseillers techniques d’Airbus et un représentant de l’Agence européenne de la sécurité aérienne.
Hicham Halabi, ancien pilote militaire et actuel membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, estime que c’est purement pour des raisons sécuritaires que la Russie a pris provisoirement cette décision. Il souligne que l’EI vient de publier cette semaine une vidéo sur Internet, menaçant d’attaquer la Russie. « Le crash de l’avion russe a été une catastrophe d’envergure. Jusqu’à ce que les enquêtes confirment ou discréditent la piste terroriste, la Russie a raison de prendre toutes les mesures susceptibles de garantir la sécurité de ses citoyens. Surtout que le président Poutine veut prouver à son peuple que son engagement militaire en Syrie ne met pas en danger sa sécurité ».
Avis partagé par Ashraf Al-Sabbagh, journaliste à la télévision « La Russie aujourd’hui » et résidant à Moscou.
Pour Al-Sabbagh, il est important, pour comprendre la décision russe, de bien considérer un ensemble de réalités. « Tout d’abord, l’Egypte doit reconnaître qu’elle est toujours sous la coupe du terrorisme, notamment dans le Sinaï. Cela ne minimise pas les efforts déployés dans la lutte contre le terrorisme et qui ont réussi à le cerner considérablement », dit-il. Et d’ajouter : « Toutefois, il existe toujours des failles sécuritaires à combler, notamment aux aéroports. Des dangers que la Russie ne peut pas négliger après le crash de son avion, dont la cause n’a pas encore été élucidée, mais qui pourrait bien être un acte terroriste ».
« Par ailleurs, l’implication de la Russie dans la guerre contre l’EI en Syrie accroît les menaces terroristes qui la visent. Tout cela justifie sa mesure préventive, exigée par la conjoncture actuelle », poursuit encore Al-Sabbagh.
En ce qui concerne l’impact de cette décision sur les relations égypto-russes, Hussein Haridi, ancien diplomate, estime qu’elle est loin de les affecter. Selon lui, « cette décision s’inscrit dans le cadre d’un dispositif de mesures sécuritaires provisoires et non pas dans une logique politique. Comme l’Egypte, la Russie est engagée dans une guerre contre le terrorisme, et chaque pays peut comprendre les décisions de l’autre dans ce contexte ».
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