Mardi, 10 décembre 2024
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Le terrorisme prend les français en otage

Ahmed Youssef
Ecrivain-membre de l'Institut d'Egypte, Jeudi, 19 novembre 2015

Les attaques terroristes que la France a subi ce vendredi 13 novembre sont facilement assimilables à celles du 11 novembre 2001 aux Etats-Unis. Etrange année 2015 commencée par les attentats de Charlie Hebdo et achevée dans le sang de ce vendredi noir où 129 personnes ont trouvé la mort et plus de 350 blessés dont la moitié est en état critique. Bilan catastrophique qui cache, en réalité, les grandes conséquences politiques, tant intérieures qu'extérieures, sécuritaires et surtout les conséquences sur le rôle de la France, pays de Lumières et de Libertés, dans le monde d'aujourd'hui.

13 novembre

La psychose dont souffre les Français dans leur majorité, n'est que l'arbre qui cache une forêt de malaise, de questionnement et d'auto flagellation. Si le Président François Hollande a décrété l'Etat d'Urgence ( la dernière en date est celle de 1961 lors de la guerre d'Algérie) c'est que un aveu d'échec de sa politique en Syrie doit être formulée et dit sous quelque forme que ce soit, car en choisissant farouchement le camp de la rebellion armée anti-Bachar el-Assad dont on sait qu'elle est composée de djihadistes, la France savait qu'elle fournissait des armes à des pires ennemis des Lumières et des Libertés.

Si ces considérations de politiques extérieures sont essentielles pour analyser et comprendre les attaques meurtrières de ce vendredi noir, les Français, eux, sont les premiers victimes de ces attentats, non seulement par le nombre de morts et de blessés qui en sont résurlés mais aussi dans leurs vies quotidiennes où l'Etat d'urgence leur impose des contraintes de mobilité, d'approvisionnement, sans parler de cet état de psychose généralisée chez un peuple habitué aux luxes des conforts et aux facilités dans leur vie quotidienne.

Le cas de Jean Marc Bernard, employé de la Poste, est très révélateur de cette souffrance nouvelle dont subissent les Parisiens. Nous pouvons prendre le métro pour aller à son travail au Centre de Paris, car la Préfecture a fermé la moitié des stations de la ligne qu'il emprunte tous les jours, le postier fait le trajet à moitié par le bus et à moitié à pied. Jean Marc n'espère qu'une fin rapide de son calvaire quotidien et ne pense pas vraiment à la raison pour laquelle les autorités avaient fermées ces stations.

Pour Corinne de Périty, boulangère dans la région parisienne, voir sa clientèle dimunuée à moitié car certains, par manque de transport, ou peur d'attentat ont préféré se contenter de biscottes et sacrifier ainsi le fameux attachement obsessionnelle des Français à leur baguette quotidienne. Corinne croit beaucoup aux théories conspirationnistes et voit les ennemis de la France, de l'Allemagne à l'Angleterre, complotait contre elle et lorsqu'on lui dit que ces deux derniers pays sont devenus des amis, elle répond par un sourire béat : "des ennemis de dix siècles ne peuvent pas devenir amis en cinquante ans".

Ces deux exemples ne sont pas surprenants dans la mesure où chaque individu pense d'abord à son confort personnel et laisse les officines de la diplomatie aux administrateurs de la Place Beauvau et aux hauts gradés du Quai d'Orsay. "La France, dit un ancien Ambassadeur français en Egypte, a mal choisi son ennemi en Syrie". En tournant la page d'une politique interventionniste dans les conflits du Sud de la Méditerranée, la France est-elle en train de se refermer sur elle-même ?. La pliaie du terrorisme prendra du temps avant de se cicatriser mais encore et probablement quelques longues décennies avant de cicatriser celle de l'âme bléssé de ce grand pays.

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