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Crash dans le Sinaï : Thèse antithèse

Najet Belhatem, Mardi, 10 novembre 2015

Face à la thèse de l’acte terroriste pour expliquer le crash de l’avion russe dans le Sinaï, la presse égyptienne avance dans sa grande majorité la thèse du complot. Quelques écrits cependant sortent du lot.

« Les déclarations britanniques et américaines officielles, mercredi et jeudi derniers, ont engendré des pertes considérables pour l’économie égyptienne, mais nous avons réalisé ensuite que les deux pays visaient la Russie en jouant sur le terrain égyptien. Ces déclarations et l’appel au rapatriement de leurs ressortissants disent à tout citoyen lambda que le Sinaï est tombé aux mains de Daech et que les touristes risquent la séquestration et la mort, alors que les touristes russes continuent d’affluer », écrivait le rédacteur en chef du quotidien Al-Shorouk, vendredi dernier. Et d’ajouter : « Jusqu’à ce que le voile se lève sur ce crash nous sommes en droit de nous demander quel est l’intérêt de certains pays européens à imposer la théorie de l’acte terroriste. Si leurs informations étaient vraies, pourquoi alors la Russie ne l’a-t-elle pas adoptée ? ». Pratiquement, toute la presse égyptienne s’est tournée vers la théorie que l’Occident s’attaque à la Russie via l’Egypte et que les déclarations britanniques et américaines sur un probable attentat contre l’avion russe sont le fruit d’un complot bien huilé : « Nous sommes face à un plan bien ficelé, monté par les Etats-Unis et leurs alliés européens avec l’aide de l’organisation internationale de la Confrérie terroriste et de Mohamad Al-Baradei, pour assener un coup à l’Egypte. Ils ont exploité le crash de l’avion russe pour donner l’impression que l’Etat perd le contrôle et inciter ainsi les citoyens à s’insurger contre le régime. Mais personne n’est dupe ; cette activité contre l’Egypte a été dévoilée par l’empressement britannique qui voulait mettre le président égyptien dans la gêne durant sa visite à Londres », écrit le quotidien Al-Youm Al-Sabie, qui ajoute dans cet article paru samedi : « Ces déclarations visaient également à mettre Poutine dans la gêne suite aux frappes contre Daech ».

« Punir les Egyptiens »

Dans le quotidien Al-Masry Al-Youm, l’éditorialiste Omar Hassanein va dans le même sens : « L’Egypte a contredit la volonté des pays européens et des Etats-Unis en ce qui concerne la question syrienne. Il leur fallait punir tous les Egyptiens. Ils ont devancé toutes les enquêtes et l’analyse de la boite noire et ont lancé de fausses déclarations pour saper les relations égypto-russes et terroriser les Russes qui préfèrent faire du tourisme en Egypte ». L’auteur va encore plus loin : « Y a-t-il un complot fomenté par ces pays ? Et se peut-il qu’ils soient impliqués dans ce crash ? ».

Toujours dans Al-Masry Al-Youm, le célèbre journaliste Hamdi Rizq appelle le président Sissi à tenir bon : « Si la coalition occidentale contre l’Egypte croit que l’heure est venue comme le leur font croire les Frères musulmans, et que le fruit est presque mûr pour être cueilli ou que la colère contre les politiques économiques fournit un terreau propice au retour des Frères, je lui rappelle que c’est elle-même qui a applaudi l’annulation des subventions à l’essence. Elle croyait qu’une révolution de l’essence allait brûler Sissi. Mais le peuple a avalé la pilule et elle a compris que ce peuple peut avaler de la pierre pour cet homme. Et là, cette coalition croit qu’en étouffant l’Egypte elle explosera à la face de Sissi ».

Fin de transaction et sang-froid

Toujours dans Al-Masry Al-Youm qui a été très prolifique en éditos concernant le crash de l’avion russe, le défenseur des droits de l’homme et écrivain Bahieddine Hassan va dans un tout autre sens : « Face aux vastes critiques concernant le départ du président Mohamad Morsi, le régime du président Sissi a été présenté comme le seul fondement solide de la stabilité de l’Egypte et du monde arabe aux prises avec les tempêtes de l’anarchie et du terrorisme. Le message adressé à l’Occident a été de dire : pour éviter que les feux du terrorisme en viennent à déstabiliser ses intérêts il devait se taire face aux violations des droits de l’homme en partant du fait qu’elles sont un mal nécessaire pour atteindre l’objectif. Dans cette transaction, l’acheteur a accepté le marché bon gré mal gré mais le vendeur, et bien que deux ans se soient écoulés, a échoué dans sa mission ».

Dans le quotidien Al-Watan, l’écrivain et journaliste Emad Adib en appelle à la sagesse : « Je vous en prie, il faut traiter avec le crash de l’avion russe au-dessus du Sinaï avec la plus grande retenue, sans colère et sans accuser les autres de toujours fomenter des complots contre l’Egypte. Je sais que la question est hautement sensible et touche à nos intérêts et nos sentiments patriotiques, mais (…) cela ne doit ni nous faire perdre notre sang-froid, ni influencer nos réactions face aux déclarations à Washington et en Grande-Bretagne ... ». Il ajoute : « Même si par malheur il est prouvé que l’accident est le fait d’un acte terroriste de Daech, nous ne devons pas hésiter à dévoiler la vérité et enquêter sur la sécurité dans l’aéroport de Charm Al-Cheikh afin de garantir qu’il ne se répète plus ».

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