Un accord sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale en Libye est «
imminent » et pourrait être finalisé d’ici la fin du mois, a affirmé jeudi dernier l’ambassadeur libyen auprès des Nations-Unies, Ibrahim Dabbashi, devant le Conseil de sécurité de l’Onu. Il s’agirait là d’un nouveau gouvernement, alors que l’accord précédent est tombé à l’eau. C’est sans doute la raison pour laquelle l’Onu a nommé un nouvel émissaire, le diplomate allemand Martin Kobler. Ce dernier doit reprendre dans les prochains jours les laborieux pourparlers de paix avec les différentes parties en conflit. Son prédécesseur, Bernardino Leon, était parvenu début octobre dernier, au terme de près d’une année de négociations, à arracher un accord sur un gouvernement d’union nationale aux représentants des parties en conflit présents à Skhirat (Maroc). Mais cet accord avait été rejeté par les parlements de Tripoli et de Tobrouk. «
Il était prévisible qu’il tombe à l’eau, c’est un accord vulnérable et fragile », explique Dr Sameh Rachad, chercheur au Centre d’études arabes.
« Le point faible, à mon sens, réside dans le fait que la priorité fixée par l’émissaire de l’Onu était uniquement de former un gouvernement d’union nationale sans vraiment parvenir à régler au préalable les véritables différends ni s’attaquer au fond du problème, c’est-à-dire les conflits d’intérêts entre les différentes parties, le poids des tribus, etc. », souligne le chercheur, en ajoutant que « l’accord est caractérisé par un défaut conceptuel et méthodologique : au niveau conceptuel, l’accord traite l’aspect politique du problème tout en négligeant les réalités sur le terrain. Sur le plan méthodologique, les termes de l’accord ne prennent pas en considération le réel rapport de force entre les différentes forces politiques ».
Une nomination critiquée
Reste à savoir désormais si le nouvel émissaire pourra faire quelque chose de concret. Dans son dernier rapport devant le Conseil de sécurité, M. Leon avait estimé que les jours à venir seraient « cruciaux » pour l’avenir de la Libye et a pressé toutes les parties à conclure un accord qui « épargne à leur pays et ses habitants d’autres destructions et d’autres bains de sang ». M. Leon a proposé d’élargir le conseil présidentiel libyen de six à neuf membres, assurant davantage de représentation à Benghazi, deuxième ville libyenne. Une mesure qui reste hypothétique, il n’est pas encore sûr que le nouvel homme de l’Onu suive les démarches de son prédécesseur.
Sa mission s’annonce d’emblée difficile, car certaines parties libyennes se disent sceptiques quant aux démarches de l’Onu. La nomination de l’ancien émissaire de l’Onu pour la Libye, Bernardino Leon, au poste de directeur général de l’Emirates Diplomatic Academy « est une situation des plus équivoques », s’est indigné Nouri Abou Sahmein, président du Congrès Général National (CGN, basé à Tripoli, ville contrôlée par des milices y compris islamistes), dans une lettre adressée au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon. « M. Leon s’avère être extrêmement lié à un Etat qui se présente comme un acteur principal dans le conflit », poursuit-il. Basée à Abu-Dhabi, l’Emirates Diplomatic Academy forme les futurs diplomates du pays et fait la promotion de la politique étrangère des Emirats arabes unis, qui soutiennent les autorités rivales du CGN, le parlement élu de Tobrouk. Autrement dit, il existe aujourd’hui une crise de confiance entre une certaine partie des Libyens et l’Onu. « Le moment choisi pour l’annonce de cette nomination, alors que l’on presse le peuple libyen d’entériner les propositions de ce médiateur, est un outrage à la mémoire des martyrs libyens et de leurs sacrifices », ajoute Nouri Abou Sahmein. Le président du CGN demande « à M. Ban et au Conseil de sécurité de fournir des éclaircissements sur leurs positions concernant cette nomination qui jette le doute sur la crédibilité de M. Leon en tant que chef de la mission des Nations-Unies pour la Libye (UNSMIL), mais également sur celle de la mission en général ».
Un avis qui ne diffère pas beaucoup de celui du Dr Sameh Rachad : « Le médiateur Bernardino Leon, selon moi, n’a pas fait preuve ni d’intégrité ni de neutralité. Sa priorité était simplement de parvenir à un accord, quel qu’en soit le prix. Et ce, même si c’est au détriment du fond et de l’essence de l’accord ».
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