Sur le plan interne, Erdogan opte pour une politique d’autoritarisme et de division. Objectif : Réformer la Constitution pour devenir un « super-président ».
le secrétaire général du Parti républicain du peuple (CHP), Gürsel Tekin. « Nous défendons un système parlementaire basé sur une séparation des pouvoirs », a renchéri pour sa part le porte-parole du HDP (pro-kurde). Mais tout cela n’empêchera sans doute pas le président de mettre en application ses objectifs. « Que l’opposition l’accepte ou pas, Erdogan va soumettre sa réforme à un référendum. D’habitude, ce genre de référendum est approuvé par le peuple. Il est à deux pas de son rêve. Il fera tout pour museler ses détracteurs afin de parvenir à son objectif », affirme Mohamad Abdel-Qader, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Cette analyse ne manque pas de crédibilité car l’homme fort de la Turquie n’a pas tardé à sortir ses griffes. Presse, opposition, justice, Kurdes, tous sont dans la ligne de mire de M. Erdogan. Deux responsables du magazine d’opposition Nokta ont été inculpés et écroués cette semaine pour « tentative de coup d’Etat » après avoir critiqué la victoire du président aux législatives. En outre, Erdogan a déclaré la guerre à l’imam Fethullah Gülen, son ennemi numéro un, accusé de diriger, depuis les Etats-Unis, un « Etat parallèle » pour le renverser. La police a investi les locaux d’une puissante organisation patronale proche de Gülen, et une quarantaine de personnes soupçonnées d’être proches de Gülen ont été interpellées. Cette semaine également, la police turque a brutalement réprimé par des tirs de balles en caoutchouc et de grenades lacrymogènes une manifestation d’étudiants hostiles au gouvernement à Istanbul. Des mesures dénoncées en Turquie et à l’étranger. « Désormais, Erdogan ne va jamais prêter oreille aux critiques. Le résultat des dernières législatives lui a donné carte blanche pour faire ce qu’il veut. Le score qu’il a obtenu prouve que le peuple turc veut un leader fort qui peut lui réaliser la paix, abstraction faite de ses dérives autoritaires », poursuit Abdel-Qader.
Faisant de la carte de l’insécurité son cheval de bataille pour regagner sa popularité perdue en juin dernier, le leader turc poursuit la même tactique. Brandissant le spectre du conflit kurde et celui de Daech, M. Erdogan a affirmé qu’il comptait mener « dans les prochains jours » une vaste offensive militaire contre Daech, alors que la police turque a interpellé 20 personnes soupçonnées d’appartenir à l’EI à Antalya (sud), où doit se dérouler un sommet du G20, le 15 et le 16 novembre. Quant à la question kurde, la réponse du président n’était pas moins forte. Dans son premier discours après les législatives, Erdogan a affirmé son engagement à poursuivre la lutte contre les Kurdes du PKK : « Il n’y aura pas de pause. Les opérations continueront contre l’organisation terroriste à l’intérieur et à l’extérieur de la Turquie », a insisté Erdogan. Et il est vite passé à l’acte, l’armée a procédé cette semaine à une série de frappes aériennes contre des objectifs du PKK, aussi bien dans la province frontalière turque d’Hakkari (sud-est) que dans les montagnes du nord de l’Iraq. En riposte, le PKK a rompu la trêve préélectorale et a affirmé qu’il allait répondre aux attentats du gouvernement, de quoi replonger le pays dans le cauchemar d’une guerre qui a fait plus de 45 000 morts pendant trois décennies .
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