« Jérusalem vit dans des conditions très dures et subit une politique israélienne répressive à tous les niveaux », explique Ahmed Qoreï, ex-premier ministre palestinien et actuel responsable du dossier de Jérusalem au sein de l’Autorité palestinienne. La violence, qui a surgi récemment dans les territoires occupés, est le résultat de nombreux facteurs : «
démolition de maisons palestiniennes, confiscation de terres, profanation des sites religieux et sacrés ». Selon lui, ce sont bien «
les attaques outrageantes contre la mosquée d’Al-Aqsa par des extrémistes juifs soutenus de l’armée israélienne qui ont été la première étincelle », qui a déclenché la situation actuelle.
Effectivement, c’est en septembre dernier que les forces israéliennes ont pénétré et provoqué des dégâts dans le troisième lieu saint de l’islam. Des mesures qui s’inscrivent dans une politique israélienne de judaïsation de la ville sainte, dont la partie Est est sous occupation depuis 1967. « Il y a maintenant une sorte de normalisation de l’entrée des extrémistes juifs dans l’Esplanade des mosquées. Ils ont créé une division pas seulement géographique mais dans le temps. Il y a des heures où les extrémistes juifs rentrent, et après les prières, les Palestiniens doivent quitter le lieu. Une situation face à laquelle tout Arabe ne peut rester silencieux ».
La judaïsation concerne tout le quartier musulman de la vieille ville. Celle-ci, selon Ahmed Qoreï, subit des divisions sans précédent. Israël a construit des blocs en béton et des barrières de sécurité pour séparer les différents quartiers et les fragmenter en petites parcelles. « Le quotidien des Palestiniens est donc infernal puisqu’ils doivent traverser d’innombrables check-points ».
Une politique qui vise donc, selon lui, à humilier la population palestinienne. « Les Israéliens prétendent que ce sont des mesures de sécurité, mais ce n’est absolument pas le cas. Il s’agit d’un plan pour fragmenter la partie Est de Jérusalem et l’Esplanade de la mosquée », dit-il. Qoreï donne l’exemple de la rue Al-Wad (une rue qui traverse le quartier musulman, de la porte de Damas, pour mener à l’Esplanade des mosquées) : « Les Israéliens ont divisé cette rue, ils veulent la faire comme la rue des Chohada (rue des Martyrs) à Hébron ». Cette dernière était jadis le centre économique de la ville, mais est devenue une rue fantôme depuis que les Israéliens ont fermé les magasins et scellé les portes des maisons palestiniennes pour assurer la sécurité des colons ultra-fondamentalistes présents dans la ville. « Israël, en plus de cela, tue et exécute de sang-froid les Palestiniens qui ont entre 13 et 22 ans », déplore-t-il.
Des exécutions extrajudiciaires qui sont confirmées par les rapports d’Amnesty International mais aussi par des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux et dans les médias. « Et c’est précisément toute cette répression qui a provoqué le désespoir et la frustration des Palestiniens », explique Qoreï. « Ce qui se passe est plus qu’une intifada. C’est une véritable explosion du peuple palestinien qui exprime sa colère face à l’oppression israélienne ». Ils s’expriment, d’après lui, avec les moyens à leur disposition, que ce soit par des manifestations, des jets de pierres, ou par des couteaux. Le bilan est lourd : plus d’une trentaine de Palestiniens ont été tués, et 1 700 blessés. Côté israélien, on compte 7 victimes.
Eclipsé par les autres conflits régionaux
Une situation qui est largement « ignorée par la communauté internationale », ajoute-t-il. Car depuis la détérioration de la situation dans la région, notamment en Syrie, le problème palestinien ne figure plus parmi les priorités de l’agenda international. A tort, d’après Qoreï.
Selon lui, la communauté internationale « ne cherche pas à faire respecter le droit international et la légitimité internationale ». Le résultat est sans équivoque : « Israël a tué la solution des deux Etats et renié le processus de paix ».
« Ce qui se passe aujourd’hui c’est le refus des Palestiniens de cette situation. Ils font face à la répression avec détermination. Respect donc à tous ces jeunes qui ne défendent pas la cause palestinienne mais l’honneur de toute la nation (arabe) ». Qoreï explique que même si la situation finit par s’apaiser, ça ne sera que temporaire. « Pour que tout s’arrête, il faut qu’un certain nombre de demandes, qui sont réalisables dans le contexte actuel, soient respectées. Israël doit notamment arrêter la colonisation, cesser ses provocations et la profanation des lieux saints », explique-t-il.
« Quand on a demandé à ce que des forces internationales soient présentes à Jérusalem, Israël a refusé. Il ne veut pas que le droit international et la légitimé soient respectés ». Qoreï est également conscient que les divergences avec le Hamas (organisation islamiste au pouvoir à Gaza) ne renforcent pas la position palestinienne. « Certes, il faut accélérer l’unité nationale palestinienne et mettre en place un projet national commun ». Sur le plan international, l’ex-premier ministre appelle à une action du Conseil de sécurité et de la Ligue arabe pour protéger le peuple palestinien. Il insiste : « Le problème palestinien doit être une priorité internationale ».
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