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Palestine : A défaut d’un Etat, un drapeau

Maha Salem avec agences, Mardi, 29 septembre 2015

Tandis que le drapeau palestinien doit être levé ce mercredi sur les bâtiments onusiens, les tensions restent vives en Cisjordanie et à Jérusalem, et se cristallisent une fois de plus autour d’Al-Aqsa.

Palestine : A défaut d’un Etat, un drapeau
Avec le début des fêtes juives, les violences israéliennes se multiplient. (Photo: Reuters)

Mercredi 30 septembre. Date de levée du drapeau palestinien à New York devant les bâtiments onusiens. Des centaines de dirigeants sont invités à cette cérémonie tant attendue par les Palestiniens et les Arabes. « Ce sera un jour merveilleux, un jour de fierté pour nous », déclare Riyad Mansour, représentant palestinien à l’Onu, en annonçant la date de la cérémonie. « Nous attendons des centaines de dirigeants aux côtés du président palestinien, Mahmoud Abbas, pour célébrer ce moment et participer à la cérémonie », ajoute le représentant. Pour exprimer la joie des Palestiniens, Mansour annonce que des Palestiniens prévoient de lever et d'arborer leur drapeau aux frontons de commerces, écoles et aux vitres des voitures simultanément à la cérémonie de New York et à plusieurs endroits de la planète.

Trop de bruit pour rien ? Une extase un peu exagérée ? Peut-être bien que oui. Car au-delà du symbole en soi, la levée du drapeau ne signifie en rien la création d’un Etat palestinien. « Il ne faut pas s’attendre à grand-chose. C’est tout juste une levée du drapeau, et on ne peut pas considérer cette démarche comme un pas vers la reconnaissance par l’Occident de l’Etat palestinien. On est toujours très loin de réaliser ce rêve. C’est un geste modeste pour calmer un peu la conscience mondiale qui reste émue et les bras croisés face aux violences et aux agressions israéliennes envers un peuple isolé », estime Dr Sobhi Esseila, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire.

En effet, le drapeau sera certes hissé, mais il n’en demeure pas moins que le Conseil de sécurité de l’Onu, seul organe à même de prendre des décisions contraignantes, ne fait rien. « L’Onu est paralysée et le Conseil de sécurité ne vote pas de résolutions contre les violations israéliennes commises quotidiennement contre les Palestiniens à Jérusalem et dans les territoires occupés. L’Onu tente tout simplement d’apaiser les Palestiniens et les Arabes sans mécontenter l’enfant gâté : Israël », explique Dr Sobhi Esseila.

Pourtant, même ce geste minime n’a pas fait l’unanimité. Huit pays, dont les Etats-Unis, Israël, le Canada et l’Australie, avaient voté contre la résolution, dénonçant une mesure symbolique incapable de faire avancer la paix. Répondant à cette accusation, Mansour a affirmé qu’« au contraire, le drapeau est un flambeau de la paix pour les Palestiniens. Il confirme leur volonté de devenir un Etat indépendant et d’accéder au statut de membre à part entière des Nations-Unies ».

Les Palestiniens sont conscients que l’étape n’est que symbolique. Mais vu le blocage du processus de paix et l’intransigeance israélienne, ils sont aussi conscients que c’est la seule voie qui leur reste. La Palestine est devenue en 2012 un Etat observateur non membre des Nations-Unies lors d’un vote historique à l’Assemblée générale. Fort de ce statut, l’Etat de Palestine a, depuis, intégré des agences de l’Onu et rejoint la Cour pénale internationale.

Coïncidant avec cette cérémonie, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, tiendra par ailleurs une réunion au quartette pour le Proche-Orient, où sera évoquée la résolution diplomatique du conflit israélo-palestinien. Le dernier cycle de négociations a échoué en avril 2014. Ce quartette, composé des Etats-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et de l’Onu, a été fondé en 2002 afin de jouer, sans grand succès jusqu’ici, le rôle de médiateur dans le processus de paix. « Ceci pourra peut-être pousser les deux camps à accepter de reprendre langue. Mais concrètement parlant, il y a peu d’espoir de relancer le processus de paix. Les Palestiniens ont cédé plusieurs fois et ont présenté de nombreuses concessions. On ne peut pas faire davantage de pressions sur eux. Actuellement, c’est au tour des Israéliens de céder un peu, mais ils refusent de faire la moindre concession. Au contraire, les Israéliens poursuivent leurs agressions », juge l’analyste.

Sur le terrain, une situation explosive

En effet, l’avis de l’analyste reflète la situation actuelle dans les territoires occupés. De nouveaux heurts ont éclaté dimanche dernier sur l’Esplanade des mosquées peu avant le début de la fête juive de Soukkot (Kippour, le Grand Pardon, la fête juive la plus solennelle dure une semaine) qui fait redouter aux Palestiniens une augmentation des visites de juifs sur ce site extrêmement sensible de Jérusalem. En prévision d’autres affrontements, la police israélienne a interdit jusqu’à nouvel ordre, comme elle le fait souvent dans les périodes de tension, l’accès à l’Esplanade des mosquées pour les musulmans de moins de 50 ans. « Al-Aqsa est un lieu saint, mais c’est aussi un symbole national pour les Palestiniens et tous les Arabes », a affirmé cheikh Kamal Khatib, numéro 2 du Mouvement islamique, formation islamiste arabe israélienne qui mène la mobilisation autour de l’esplanade. Son mouvement organise depuis 20 ans son rassemblement annuel sous le slogan « Al-Aqsa est en danger, mais, cette année Al-Aqsa est en très grand danger ». Al-Aqsa est la mosquée qui donne souvent son nom à l’esplanade, troisième lieu saint de l’islam. De longue date, des juifs extrémistes veulent détruire Al-Aqsa pour y construire le Troisième Temple, et ils sont maintenant soutenus par le gouvernement, l’une des coalitions les plus à droite de l’histoire de l’Etat hébreu difficilement formée par Benyamin Netanyahu, désormais entouré de ministres religieux et de nationalistes. « Nous redoutons une partition géographique ou temporelle d’Al-Aqsa », indique de son côté cheikh Kheiri Iskander, cadre du Mouvement islamique, craignant soit une division en une zone musulmane et une autre juive sur l’esplanade, soit une répartition des heures de prière entre les deux communautés. Les autorités israéliennes se défendent cependant de vouloir revenir sur le statu quo de 1967, qui autorise les juifs à visiter l’esplanade mais pas à y prier.

Si l’esplanade a été récemment secouée par les violences, les forces israéliennes se défendent par la présence des jeunes du Mouvement islamique et des jeunes jeteurs de pierre masqués qui se retranchent dans la mosquée Al-Aqsa à la veille des fêtes juives. Cela a été le cas pour le nouvel an juif il y a une dizaine de jours, et ce sera de nouveau le cas pour Soukkot, la fête des cabanes, qui a débuté dimanche 27 septembre et qui dure 8 jours. « Ce sont des prétextes inacceptables, ces jeunes manifestent pacifiquement pour rappeler à la communauté internationale qu’ils existent et qu’ils ne vont pas renoncer à leurs droits. Ils ne jettent des pierres que pour répondre aux violences et aux balles des Israéliens. Doivent-ils rester les bras croisés devant les balles de l’Etat hébreu ? », s’insurge Dr Sobhi Esseila.

Et comme prévu au moment des fêtes juives, Israël a bouclé la Cisjordanie : les points de passage vers Israël et Jérusalem resteront fermés le temps de Kippour, sauf pour les cas humanitaires. La police a aussi interdit, jusqu’à nouvel ordre, aux musulmans de moins de 50 ans l’accès à l’Esplanade des mosquées afin de réduire les risques de violences. Par « précaution » selon le concept israélien, la police israélienne a arrêté 21 Palestiniens à Jérusalem-Est et annoncé le déploiement de milliers d’hommes dans la Ville sainte à la veille du Grand Pardon juif, Yom Kippour. Alors que le nouvel an juif a donné lieu à des manifestations et des heurts sur et autour de l’ultrasensible Esplanade des mosquées dans la Vieille ville de Jérusalem, la police israélienne a indiqué que « des milliers de policiers et de garde-frontières seraient déployés à Jérusalem » .

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