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L’UE se mobilise face aux réfugiés

Hana Afifi, Lundi, 28 septembre 2015

La crise des réfugiés syriens inquiète les dirigeants européens qui craignent des répercussions sur l'intégration européenne, et une montée en puissance de l'extrême droite. D'où une série de mesures visant à stopper leur afflux.

UE
Des demandeurs d'asile se rendant à la frontière entre la Hongrie et l'Autriche. (Photo : Reuters)

« Le chaos actuel à nos frontières extérieures doit prendre fin », déclarait Donald Tusk, prési­dent du Conseil européen, lors d’une réunion extraordinaire avec les leaders européens, pour discuter de l’afflux des réfugiés syriens vers l’Europe. Divisés sur la question, les chefs d’Etat européens sont néanmoins parvenus à un accord global, même si certains points restent à définir. Les 160 000 réfugiés qui sont arrivés aux frontières de l’Europe, notamment en Italie, en Hongrie et en Grèce, seront ainsi redistribués sur l’ensemble des pays de l’UE. Il reste cependant à déterminer s’ils seront distribués en fonction d’un système de quotas, ce à quoi la République tchèque et la Slovaquie sont opposés.

L’afflux des réfugiés syriens inquiète forte­ment l’Europe qui craint les répercussions de la crise sur l’intégration européenne, déjà mise à mal par la crise financière grecque. Mais outre l’intégration européenne et les pressions écono­miques, l’afflux des réfugiés risque aussi de bénéficier à l’extrême droite. Une source de soucis pour les gouvernements européens. Marc Pierini, professeur-visiteur à l’Institut Carnegie, avait déclaré le 23 septembre que le premier danger de la crise des réfugiés syriens concerne l’accord de Schengen et la libre circulation entre les frontières. « Le traité va être attaqué par les partis d’extrême droite, surtout que ceux-ci sont en train de faire des gains en Europe », avait déclaré Pierini. Il cite comme exemple le parti grec Aube Dorée qui a fait des progrès lors des dernières élections parlementaires, surtout dans les îles qui ont témoigné de l’arrivée de réfugiés en provenance de la Turquie. Il cite aussi l’exemple de la France, où les derniers sondages ont montré un gain de popularité de l’extrême droite opposée à l’accord de Schengen. L’Europe est profondément divisée sur la question des réfugiés. Des pays, comme le Danemark, sont aussi hostiles à l’accueil des réfugiés syriens. Mais la situation est différente en Allemagne. Lors d’un sondage effectué par la chaîne publique ZDF, 66 % des sondés se disent favo­rables à l’accueil des réfugiés, rapporte le quoti­dien Le Monde. En Suède aussi, des dizaines de milliers de personnes ont approuvé les deman­deurs d’asile. Aujourd’hui, 40 000 réfugiés sont déjà répartis entre les pays européens. Ces réfu­giés cherchent surtout à être accueillis en Allemagne et en Autriche. Les 28 Etats membres de l’Union européenne étaient parvenus à un accord la semaine dernière, cette fois dans le but de limiter l’arrivée des réfugiés en renforçant le contrôle aux frontières de l’Europe.

La Commission européenne a proposé l’instal­lation de « hot-spot », des centres d’accueil et d’enregistrement en Italie et en Grèce, les points d’entrée vers l’Europe, où les réfugiés devront s’inscrire dès leur arrivée, dans une tentative de faire la différence entre les migrants écono­miques et les demandeurs d’asile provenant des lieux de conflit, surtout de Syrie. Les migrants économiques illégaux seront renvoyés dans leurs pays.

La Commission se penche aussi sur un contrôle européen et non national des frontières. De plus, l’Union européenne prévoit d’offrir un milliard d’euros de plus au Haut-Commissariat des réfugiés de l’Onu et au Programme alimen­taire mondial des Nations-Unies, pour faire face à l’afflux des réfugiés. Et l’UE a annoncé qu’elle entendait renforcer sa coopération avec les pays les plus touchés par la crise et les pays voisins qui ont reçu le plus grand nombre de réfugiés.

Les pays voisins de la Syrie, notamment le Liban, la Jordanie et la Turquie, ont en effet reçu le plus grand nombre de demandeurs d’asile depuis le début de la crise il y a quatre ans. Plus de quatre millions de personnes sont enregis­trées comme réfugiés en Jordanie, au Liban et en Turquie.

Mais la Jordanie et la Turquie n’ont pas les ressources nécessaires pour gérer un tel flux. L’Union européenne veut aussi renforcer son aide au Liban, à la Jordanie et à la Turquie, prin­cipalement pour freiner l’arrivée des réfugiés en Europe. « Le péché de l’Europe, comme le reste du monde, est d’avoir fait la sourde oreille à la souffrance des réfugiés jusqu’à ce que la situa­tion explose », dit Nisan Ahmado, activiste syrienne contactée par l’Hebdo. « La perte d’es­poir est la raison principale du flot des réfugiés en Europe. Quand les réfugiés ont commencé à fuir la Syrie, nous croyions que c’était tempo­raire, mais personne n’imaginait que le cercle vicieux de la guerre allait durer plus que la Première Guerre mondiale », ajoute Ahmado.

Au-delà de ces considérations, la crise des réfu­giés pourrait amener l’Union européenne à chan­ger davantage sa position envers le régime syrien. Rabha Allam, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, affirme que les déclarations européennes vis-à-vis du régime syrien ont changé de teneur. « Auparavant, Assad était décrit comme un crimi­nel de guerre. Aujourd’hui, les Européens disent accepter le maintien d'Assad au pouvoir pour une période transitionnelle ». Et de conclure : « Ces déclarations sont purement tactiques, pour pous­ser Assad à s’asseoir à la table des négociations et trouver enfin une issue au conflit ».

Réfugiés syriens en chiffres

Selon un rapport d’Amnesty International, depuis le début du conflit en mars 2011, plus de 4 millions de réfugiés ont fui la Syrie. Ce nombre devrait s’élever à 4,27 millions de personnes d’ici la fin de l’année selon l’Agence des Nations-Unies pour les Réfugiés (UNHCR). 95 % d’entre eux se trouvent dans 5 pays principaux : la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Iraq et l’Egypte. La Turquie est le pays qui en accueille la plus grande part, avec 1,9 million, soit près de la moitié d’entre eux. Le Liban, quant à lui, en accueille 1,2 million pour un pays qui compte 4 millions d’habitants.Selon l’UNHCR, depuis le déclenchement du conflit, quelque 123 600 Syriens ont trouvé asile en Europe (chiffre datant de juillet 2014), soit à peine 4 % des réfugiés syriens. Une augmen­tation des demandes d’asile en 2015 est toutefois notée : fin juin, 755 000 nouvelles demandes ont été formulées dans l’UE, ce qui constitue une augmentation de 65 % par rapport à l’an­née précédente. L’Allemagne serait le pays d’Europe le plus sollicité avec 37 531 demandes d’asile enregistrées entre juillet 2014 et juillet 2015.

Le parcours des réfugiés

Le flot extraordinaire de dizaines de milliers de réfu­giés continue, arrivant aux frontières européennes en Grèce et en passant ensuite par les Balkans avec l’objectif d’arriver en Allemagne ou en Autriche. Le parcours n’est pas facile.

Les réfugiés qui viennent principalement de Syrie, mais aussi d’Iraq et d’Afghanistan, se dirigent vers l’Europe en combinant tous les moyens de transport : bateaux, trains, bus, etc. Ils passent d’abord par la Grèce, dont seulement 1 200 mètres, à l’endroit où les rives sont les plus proches, la séparent de la Turquie. Atteindre l’île Samos, c’est donc arriver en Europe. A pied, les réfugiés se diri­gent vers la Serbie, puis la Hongrie, pour tenter d’at­teindre l’Autriche, et ensuite l’Allemagne ou la Scandinavie. Or, le 15 septembre, la Hongrie a fermé ses fron­tières avec la Serbie face à l’afflux de réfugiés. Environ 200 000 réfugiés étaient arri­vés en Hongrie cette année, selon le premier ministre hongrois, Viktor Orban. Les réfugiés qui se dirigeaient de la Serbie vers la Hongrie ont donc changé de route depuis pour prendre la route de la Croatie. La Croatie a aussi tenté d’arrêter le flot de réfugiés provenant de Serbie, en fermant ses frontières avec ce pays frontalier avant de décider de les rouvrir la semaine dernière. Selon le Guardian, 66 000 réfugiés sont entrés en Croatie depuis que la Hongrie a fermé ses frontières avec la Serbie.

De la Croatie, les réfugiés prennent le chemin de la Slovénie pour aller ensuite vers l’Autriche, puis l’Alle­magne. Or, la Slovénie refuse de les laisser entrer sur son territoire mettant ainsi la Croatie dans une position délicate, car cette dernière ne possède pas les res­sources suffisantes pour accueillir ces milliers de réfu­giés. La Croatie a donc com­mencé à envoyer les réfugiés, par bus, à la frontière hon­groise. Actuellement, les réfu­giés prennent donc la voie de la Hongrie en faisant un détour par la Croatie plutôt que d’arriver directement par la Serbie. Néanmoins, la Hongrie a commencé la construction d’un mur de fils barbelés sur sa frontière avec la Croatie, en violation des règles Schengen. Les réfugiés passent là, où la barrière hon­groise n’est pas encore mise en place.

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