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Une rentrée dans la joie

Dina Bakr, Lundi, 28 septembre 2015

A l'occasion de la rentrée scolaire, des ONG ont lancé des campagnes d'aide aux enfants pauvres. Des cartables neufs et des fournitures scolaires ont été distribués et parfois les frais de scolarité ont été avancés.

Une rentrée dans la joie
Les bénévoles s'engagent dans une course contre la montre quelques jours avant la rentrée scolaire. (Photo : Yasser Al-Ghoul)

De nombreux bénévoles, tous âges confondus, participent à la cam­pagne Farhethom be Chantethom (heureux d’avoir des cartables neufs), lancée par l’association Esmaouna, fih Amal (entendez-nous, il y a de l’espoir). En pénétrant dans les locaux de l’association, situés dans le quartier populaire de Aïn-Chams, on peut voir d’immenses piles de gros cartons. Ils contiennent tous des fournitures scolaires.

« Notre cible, dans cette campagne, ce sont les élèves du cycle primaire. Je me souviens, lorsque j’étais petit, que je sautais de joie lorsque mes parents me ramenaient des four­nitures scolaires flambant neuves, et cela me motivait pour aller à l’école », raconte Mohamad Abdel-Aziz, directeur exécutif à Esmaouna. Il ajoute que lorsque les parents d’un enfant ont du mal à subvenir à ses besoins, il peut facilement détester l’école parce qu’il n’a ni de cartable neuf comme ses camarades, ni les fournitures scolaires dont il a besoin. Esmaouna tente donc d’établir une certaine égalité entre tous les élèves, et sur­tout d’enrayer ce sentiment d’infériorité res­senti par certains élèves issus de milieux défavorisés.

Dans les locaux, c’est la course contre la montre, car il ne reste que quelques jours avant la rentrée scolaire. En fait, c’est un vendredi, jour férié, mais tous les bénévoles sont à pied d’oeuvre pour réussir leur mission. Les diffé­rentes tâches sont réparties entre plusieurs groupes de bénévoles. Certains, assis à même le sol, retirent les trousses multicolores de leurs emballages, tandis que d’autres sont chargés de les remplir de stylos, de crayons de couleurs, de taille-crayons, de gommes et de règles. D’autres groupes se sont installés dans une pièce devant une montagne de cahiers. Chaque cartable renferme six cahiers, un paquet d’éti­quettes et un cahier de dessin, le tout emballé dans un sachet de papier cellophane. Le travail qui a commencé à 9h du matin se terminera vers minuit. Esmaouna espère que tout sera terminé en 48 heures, mais un jour de plus sera nécessaire en cas de retard. Environ 50 béné­voles par jour sont présents pour remplir les 15 000 cartables. La tâche semble rude, mais tous sont déterminés pour l’accomplir. Très motivés pour aider les élèves les plus nécessi­teux des quatre coins de l’Egypte, les béné­voles se sont bien organisés.

« Je suis en train de m’imaginer la joie que va éprouver chaque enfant lorsqu’il recevra son cartable plein. Il ne sera plus obligé d’em­prunter un crayon ou un stylo à son camarade de classe pour écrire quelque chose », explique Rania, bénévole, tout en jetant dans la poubelle les emballages des trousses.

En fait, cette campagne a été lancée le 19 août et a réussi à collecter 1,8 million de L.E. de dons. « En moins d’un mois, nous avons réussi à collecter cette somme. Des dons de la part d’hommes d’affaires, de gens célèbres et de simples citoyens. Le résultat est remarquable d’autant plus que le coût d’un cartable plein nous revient à 100 L.E. », explique Abdel-Aziz, satisfait d’avoir acheté des cartables beau­coup moins chers que ceux qui se vendent sur le marché à plus de 150 L.E.

En fait, c’est rare que des asso­ciations pensent à offrir de l’aide aux élèves des classes les plus défavorisées. Les associations ont toujours offert des produits ali­mentaires pour le Ramadan, des vêtements neufs pendant les fêtes et des couvertures pour passer l’hiver, mais ce n’est que derniè­rement qu’elles ont commencé à s’intéresser à la rentrée scolaire. Comme d’autres associations, Esmaouna travaille en collabora­tion avec des structures caritatives plus petites présentes dans des villages pauvres d’Egypte, car ces associations plus locales sont en contact direct avec des populations qui ont besoin d’aide.

Samah, 29 ans, maman de 3 enfants, dont le mari a abandonné le foyer pour se remarier, raconte : « J’avais l’habitude d’aller mendier un vieux cartable chez les voisins. Je prenais soin de bien le laver pour que mon fils Adham puisse l’utiliser à la rentrée scolaire ». Pour la première fois, le fils de Samah, qui rentre en quatrième primaire, commence l’année scolaire avec un nouveau cartable. Mais si Adham a eu, ces der­nières années, la chance d’avoir un vieux car­table que sa mère a pu récupérer chez les voisins, ce n’est pas le cas d’autres enfants. « Je donnais à mon enfant un sac en plastique dans lequel il transportait ses cahiers et ses livres, car l’im­portant pour nous est de lui offrir une paire de chaussures pour qu’il puisse avancer sur les chemins caillouteux ou boueux de notre village et protéger ses pieds des insectes », commente Saadiya, très heureuse que son enfant puisse avoir un cartable tout neuf cette année. Elle espère qu’il pourra l’utiliser l’année prochaine.

Pour les familles pauvres, le plus important est de pouvoir s’acquitter des frais de scolarité des écoles gouvernementales qui varient entre 60 et 100 L.E. par an, et ce, sans compter le coût de différentes activités signalées dès le début de l’année. Un décret du ministère de l’Education permet à ces familles de ne payer qu’une partie des frais de scolarité.

Des coupons de 75 L.E.

A l’approche de la rentrée, une autre associa­tion, la banque d’Al-Kissaa (vêtements), offre des uniformes scolaires aux enfants des quartiers déshérités. « Avoir plusieurs enfants scolarisés et acheter une chemise, un pantalon, des paires de chaussettes et de chaussures pour chacun coûtent environ 200 L.E. », explique Chérif Bassiouni, responsable à l’association. « L’initiative de la banque Al-Kissa a pour objectif de fournir des habits neufs durant les fêtes et des vêtements chauds pour l’hiver, mais pour la première fois, nous avons décidé d’aider les enfants à sortir de chez eux pour aller à l’école, la tête haute et fiers de porter leurs uni­formes », poursuit Bassiouni.

Une rentrée dans la joie
Comme d'autres ONG, Resala agit dans les villages les plus pauvres.

« On donne aux familles des coupons d’une valeur de 75 L.E. chacun, pour que les enfants puissent acheter leurs tenues dans les maga­sins Al-Tawhid Wal Nour. Nous avons décidé avec l’administration de ces magasins que ces coupons ne peuvent pas être convertis en argent, et ce, pour s’assurer qu’ils vont servir l’objectif désigné », dit Atef Ismaïl, PDG de l’association Zahret Al-Awtane, à Madinet Al-Salam, qui s’occupe égale­ment de familles nécessiteuses.

En effet, le manque de res­sources financières peut facile­ment priver certains enfants de poursuivre leur scolarité. D’après certaines études de ter­rains effectuées par Zahret Al-Awtane, ce problème est la première cause de décrochage à l’école. « Nous avons formé des groupes de travail avec les parents, les enfants et les pro­fesseurs afin d’étudier les besoins de chaque secteur, et nous avons constaté que la plu­part des familles qui ont forcé leurs enfants à quitter l’école ne pouvaient pas en assumer les frais, avant même la raison de la violence dans les écoles », confie Ismaïl.

Une livre le cahier

Cette vision est partagée par d’autres asso­ciations. L’association Ressala, par exemple, offre des microcrédits pour les plus pauvres afin que leurs enfants ne quittent pas les bancs de l’école. « Chez certaines familles, dès que l’enfant atteint l’âge de 10 ans, ses parents le font sortir de l’école pour le faire travailler afin qu’il contribue au budget de la maison », explique Abdallah, fonctionnaire à la banque des pauvres de l’association Ressala.

Selon les chiffres de l’Organisme d’alphabé­tisation et d’apprentissage des adultes, 400 000 enfants ne sont pas scolarisés. Aider les familles défavorisées à envoyer leurs enfants à l’école en leur offrant des fournitures scolaires, des uniformes, ou en payant les frais scolaires motive davantage les enfants pour aller à l’école et les protège.

A Al-Madiafa, un petit village à Guiza, les membres de Ressala sont venus exposer des cahiers, des gommes, des stylos, des crayons de couleurs, des taille-crayons et des règles à des prix très bas. « Dans ce projet, on vend les fournitures scolaires à des prix dérisoires, car on sait que les soutiens de familles tra­vaillent comme journaliers. Cette exposition est un moyen d’empêcher les commerçants de profiter de ces gens durant la rentrée sco­laire », explique Abdallah. Hoda, mère de 2 enfants, dit que même s’il y a 25 piastres de moins sur le prix d’un cahier, cela l’arrange. Cette maman vient d’acheter une quinzaine de cahiers, des crayons et des règles pour 13 L.E.

D’après Kamal Moghith, chercheur en péda­gogie, l’aide offerte par les associations carita­tives joue un rôle important qui permet à une large tranche de la société d’avoir accès à l’en­seignement, mais les associations ne pourront pas tout faire toutes seules. « C’est au minis­tère de l’Education de surveiller et de distri­buer ces dons collectés par les ONG afin de les offrir aux plus nécessiteux », conclut-il.

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