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L’Egypte en quête d’alternatives

Dalia Abdel-Salam, Mardi, 15 septembre 2015

Le cabinet-conseil hollandais Deltares a annoncé cette semaine qu’il ne participerait pas à l’étude sur l’impact du barrage éthiopien de la Renaissance. Une décision qui inquiète Le Caire.

L’Egypte en quête d’alternatives
Les travaux de construction du barrage se poursuivent.

La nouvelle a eu l’effet d’un coup de semonce. Le cabinet-conseil hollandais, Deltares, a annoncé cette semaine qu’il ne participerait plus aux études sur l’impact du grand barrage de la Renaissance. Ce barrage, construit actuellement par l’Ethiopie sur le Nil Bleu, inquiète l’Egypte, car il peut menacer son approvisionnement en eau. Le Caire avait exigé qu’une étude soit effectuée sur son impact. Au terme de plusieurs mois de négociations avec l’Ethiopie, deux cabinets-conseils européens avaient été choisis pour accomplir cette mission (l’un choisi par l’Egypte et l’autre par l’Ethiopie). Il s’agit du français BRL ingénierie pour les 70%, choisi par la partie éthiopienne, et le hollandais Deltares, favorisé par l’Egypte qui devrait accomplir 30 % du travail.

L’accord de principe conclu en mars dernier entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan stipule que « les trois pays s’engagent à respecter les conclusions des deux cabinets-conseils sur l’impact environnemental et socioéconomique du barrage ». BRL et Deltares devaient s’entendre sur la répartition du travail, et formuler une offre à la mi-août avant la signature des contrats. Or, ce délai n’a pas été respecté. Un autre a été fixé au 5 septembre, mais celui-ci n’a pas été respecté non plus. Les deux cabinets auraient disposé d’un délai de 11 mois pour terminer leur étude s’ils s’étaient entendus. Finalement, le 9 septembre, le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, Hossam Moghazi, annonçait que les deux cabinets « n’arrivent pas à s’entendre et ne pourront pas travailler ensemble ». Les responsables de BRL n’étaient pas joignables cette semaine pour commenter cette « rupture », tandis que Deltares, joint par Al-Ahram Hebdo par courrier électronique, a justifié sa décision de se retirer de l’étude par « les conditions imposées par BRL et le TNC, le Comité national tripartite (Ndlr : comité formé d’experts d’Egypte, d’Ethiopie et du Soudan qui a commandé l’étude sur l’impact du grand barrage éthiopien de la Renaissance) ». « Après trois mois de négociations sur une coopération possible avec le cabinet français BRL pour accomplir l’étude en question, Deltares a dû conclure que les conditions imposées par le TNC et BRL sur la manière de mener cette étude ne garantissaient pas la réalisation d’une étude indépendante et de bonne qualité », affirme Deltares.

Le cabinet regrette ce retrait de l’étude sur le barrage de la Renaissance affirmant que « son savoir, son expertise et son expérience dans la région correspondent bien à ce projet complexe et économiquement important ».

« Pas beaucoup de choix »

Au-delà des raisons de cette rupture entre les deux cabinets-conseils, la question qui se pose à présent est de savoir quelles seront ses répercussions sur les négociations avec l’Ethiopie, surtout que les travaux de construction du barrage se poursuivent. « L’Egypte est désormais dans une situation difficile », commente Maghawri Shehata, expert en hydraulique et ancien recteur de l’Université de Ménoufiya. Et d’ajouter : « L’Egypte n’a pas beaucoup de choix à présent. Elle peut accepter que la société française BRL fasse le travail toute seule, et c’est exactement ce que voulait l’Ethiopie depuis le début, ou alors négocier à nouveau avec l’Ethiopie et le Soudan pour écarter les deux cabinets-conseils qui avaient été choisis, car ils n’ont pas respecté leurs délais, et donner le travail à une troisième société », pense Shehata.

Le Caire souhaitait en effet que l’étude sur la faisabilité du barrage soit achevée le plus vite possible, car les travaux de construction se poursuivent, et tout retard ne fera que compliquer la tâche du Caire.

Si l’Ethiopie réussit à imposer la société française seule pour achever l’étude, l’Egypte ne sera pas confiante quant aux résultats. « Il se peut que la partie éthiopienne donne à ce cabinet des informations incomplètes, et par conséquent, les résultats ne seront pas précis et iront dans le sens que le barrage ne portera pas atteinte aux pays en aval. Ainsi, l’Ethiopie aura ce qu’elle voulait, c’est-à-dire un document affirmant que le barrage ne menace pas l’Egypte et le Soudan », affirme Maghawri Shehata. Il ajoute que le comité technique doit être plus courageux et doit expliquer tout ce qui se passe à l’opinion publique. « Il ne faut pas essayer de cacher la vérité sous prétexte que cela va effrayer la population. Au contraire, nous pouvons profiter de cette situation tendue pour créer une opinion publique capable d’exercer une certaine pression sur la communauté internationale », pense Shehata.

Joint par Al-Ahram Hebdo, Dr Alaa Yassine, membre du comité tripartite et conseiller du ministre de l’Irrigation, explique que les règles du comité exigent que « les détails des négociations ne soient pas publiés dans les médias ». Et en ce qui concerne les derniers événements et le retrait du cabinet hollandais, le conseiller du ministre explique : « Nous avons des alternatives. Il ne faut donc pas dramatiser les choses. Nous avançons vers ce qui est susceptible de garantir la sécurité hydrique de l’Egypte », conclut Yassine.

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