Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, en réunion avec des représentants de l'opposition syrienne, le 14 août à Moscou.
(Photos : Reuters)
Le Conseil de sécurité de l’Onu a soutenu, le 17 août, un nouveau plan pour la paix en Syrie qui a été adopté pour la première fois depuis deux ans par tous les membres, dont la Russie. C’est la première fois, en effet, que Moscou n’appose pas son veto sur un sujet concernant le régime syrien.
Ce plan de transition politique en Syrie, auquel s’associait la Russie, ne lève en aucun cas les ambiguïtés concernant le sort de Bachar Al-Assad. Celui-ci participera-t-il effectivement aux négociations, organisant ainsi inévitablement les conditions de son départ ?
Historiquement, la Russie s’était opposée à toute intervention, militaire ou diplomatique, visant le départ d’Al-Assad, qu’elle considère encore en principe comme un allié. Le soutien russe au régime syrien a permis au régime d’éviter l’isolement total sur la scène internationale, mais il s’agit aussi d’un appui économique, logistique et militaire.
Mais est-ce que l’adhésion de la Russie à ce plan de l’Onu signifie que Moscou va lâcher son allié syrien ? « Sans le soutien de la Russie, et bien sûr de l’Iran, le régime de Bachar Al-Assad serait probablement tombé. En effet, la guerre en Syrie commence à ressembler à une épine dans le pied de la Russie. Mais cela ne veut pas dire que Moscou lâchera le régime de Bachar », estime Wahid Abdel-Meguid, politologue et vice-président du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS), d’Al-Ahram.
Ainsi, Moscou continue d’annoncer qu’elle soutiendra Bachar jusqu’au bout. « Notre politique de soutien à la Syrie, aux autorités syriennes et au peuple syrien, reste inchangée », a redit le président russe, Vladimir Poutine, à Moscou, lors de sa rencontre avec le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Al-Moallem. « Nous voyons comment la situation en Syrie, en raison de la montée du terrorisme mondial, se développe sur le terrain. Nous sommes sûrs, in fine, que le peuple syrien gagnera », a ajouté M. Poutine en réaffirmant que Bachar est le président légitime de la Syrie et que le peuple syrien est libre de choisir son propre gouvernement et ses propres dirigeants sans intervention étrangère.
Moscou avait aussi proposé à l’Arabie saoudite de rejoindre une large coalition internationale visant à ramener la paix en Syrie et à mettre en place un régime de transition. Mais la condition était, semble-t-il, que Bachar Al-Assad participe à ces négociations. « La Russie ne soutient pas Al-Assad parce qu’elle l’aime ou le respecte. Moscou veut préserver ses intérêts dans la région. De ce fait, c’est tout à fait possible que Moscou s’associe à un accord ou à un plan de transition loin d’Al-Assad, si les intérêts russes dans la région sont garantis », poursuit Abdel-Meguid.
Efforts de Moscou pour ramener la paix
Dans une tentative de mettre un terme au conflit en Syrie sans abandonner Bachar Al-Assad, les Russes ont parrainé plusieurs sommets de négociations entre des représentants du régime et l’opposition modérée. Suite à une rencontre avec la délégation de la Coalition Nationale des Forces de l’Opposition et de la Révolution syrienne (CNFOR) à Moscou, mi-août, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a répété la position russe, qui consiste à refuser de conditionner les négociations à la destitution d’Al-Assad.
Toutefois, les représentants de l’opposition syrienne perçoivent que la politique russe en Syrie a changé et que Moscou ne s’attache plus autant à Bachar Al-Assad. « Les autorités russes ne sont pas attachées à la personne de Bachar Al-Assad. La préservation de l’Etat syrien et de son intégrité territoriale préoccupe la Russie plus que la personne du président », a affirmé à Moscou le chef de la Coalition nationale syrienne, Khaled Khoja, au lendemain de ses négociations avec des responsables russes.
« C’est vrai qu’il existe une évolution dans la stratégie de la Russie en Syrie, mais il reste que cette évolution ne touche pas encore le soutien accordé à Assad », reprend Abdel-Meguid.
Les intérêts russes en Syrie ne sont plus tout à fait les mêmes. Nikolay Kozhanov, chercheur associé au centre Carnegie de Moscou, explique l’évolution de la stratégie russe par deux raisons. La première concerne la sécurité intérieure de la Russie. « Plus de 2 000 Russes ont rejoint la rébellion en Syrie (le plus grand contingent européen), et la Russie se demande comment elle va gérer le problème de leur retour. D’autant plus que ces djihadistes auraient l’intention de prolonger leur combat contre le régime de Moscou », précise le chercheur.
La deuxième : le dossier ukrainien, qui nécessite énormément d’énergie de la Russie, affaiblit sa marge de manoeuvre en Syrie. La Russie ne peut pas se battre sur deux fronts à la fois. « En tant qu’interlocuteurs privilégiés de Damas et de Téhéran, les Russes peuvent jouer un rôle central dans les futures négociations. Effectivement, Moscou encourage le dialogue national en Syrie mais le soumet à deux conditions. Premièrement : les institutions gouvernementales doivent rester en place, ce qui n’implique pas nécessairement Al-Assad. Deuxièmement : l’intégrité territoriale de la Syrie ne doit pas être remise en cause », indique Kozhanov.
Mais sur le terrain, le régime est affaibli. Fin juillet, le régime syrien a reconnu la fatigue de son armée et de graves problèmes d’effectifs et, désormais, plus d’un tiers de son territoire lui échappe.
Lien court: