Al-ahram hebdo : La commission nationale des lois, formée par le syndicat des Journalistes, vient d’achever le projet de loi unifiée sur la presse et les médias. Quelle est la prochaine étape pour le faire approuver ?
Yéhia Qalache : Le projet sera soumis à un débat de société. Il sera également débattu au sein de l’assemblée générale du syndicat, avant d’être envoyé au Conseil des ministres pour l’approuver. Nous voulons que ce projet soit approuvé le plus vite possible sans même attendre le prochain parlement, car nous sommes dans une situation de vide législatif depuis la révolution du 25 janvier. Ce vide a donné lieu à une pagaille dans le domaine des médias. En même temps, nous ne savons pas quelle sera la forme du prochain parlement. Ce projet vise à adapter le statut de la presse et des médias audiovisuels à la nouvelle Constitution. Celle-ci stipule que les médias sont indépendants. D’où l’importance de ce projet qui redéfinit le statut juridique des journaux et des médias électroniques, et réorganise le droit de leur fondation ainsi que les droits et les devoirs des journalistes. Les deux instances gouvernementales qui régissaient les affaires de la presse et des médias, à savoir le Conseil consultatif et le ministère de l’Information, ont été abolies. Deux nouveaux organismes nationaux, un pour l’audiovisuel et un pour la presse écrite doivent voir le jour en vertu du projet de loi et seront chargés de la gestion et de la supervision des médias. Les médias et la presse doivent être indépendants du pouvoir exécutif du point de vue technique, financier et administratif. Les deux nouvelles instances superviseront l’activité des médias.
— Mais il est question aussi d’un projet élaboré par le gouvernement. Qu’en est-il exactement ?
— Nous considérons que le syndicat des Journalistes est la seule instance habilitée à élaborer les lois ayant trait à la presse en Egypte. Nous avions un différend avec le gouvernement à ce niveau. Un comité gouvernemental avait été en effet formé par le premier ministre pour élaborer une nouvelle loi sur la presse et les médias, mais nous nous sommes opposés à ce comité, considérant que le droit d’élaborer la loi nous revient. Le comité gouvernemental a donc été suspendu. Le comité que nous avons formé réunit des représentants de la presse et des médias audiovisuels, ainsi que des représentants de la société. Par conséquent, le projet de loi que nous avons élaboré reflète les intérêts des journalistes et ceux de la société. Nous nous sommes mis d’accord avec le gouvernement pour créer un comité conjoint, qui examinera le projet et déterminera sa forme finale. Ce comité réunira les membres du comité du syndicat, le premier ministre, le ministre de la Justice et des représentants du gouvernement.
— Mais comment garantir que le gouvernement ne changera pas votre version de la loi ?
— Ce sera notre combat. Nous ne permettrons pas que le gouvernement impose sa vision des choses. Les journalistes de la presse écrite et de l’audiovisuel doivent unir leurs efforts et faire front commun pour obtenir une loi digne d’eux et des institutions de presse en Egypte. Le projet de loi que nous avons élaboré garantit l’indépendance des médias. L’Etat a certes un rôle à jouer. Il doit aider les journalistes financièrement. Je parle ici de l’Etat et non pas du gouvernement. Mais cela ne signifie pas que le gouvernement doit s’ingérer dans les affaires des médias. La presse et les médias doivent être indépendants.
— La plupart des institutions de presse sont endettées envers le gouvernement. Comment garantir leur indépendance dans ces conditions ?
— Nous avons demandé au gouvernement de supprimer les dettes des maisons de presse afin de garantir l’indépendance complète aux médias par rapport à l’exécutif.
— Quel sera le mode de sélection des membres des deux organismes nationaux de la presse et des médias ?
— Les membres des deux organismes nationaux de la presse écrite et des médias audiovisuels seront choisis selon un processus de sélection très rigoureux. Par exemple, l’organisme national de la presse comprendra 13 membres. En vertu du processus de sélection, le syndicat des Journalistes, l’Union des écrivains, la faculté de communications, des personnalités publiques et aussi le gouvernement proposeront chacun un certain nombre de candidats. Les candidatures seront ensuite transmises au président de la République pour être approuvées.
— Comment peut-on parler dans ce cas d’indépendance ? Pourquoi les membres de ces instances ne seraient-ils pas élus directement ?
— La gestion des maisons de presse et des médias audiovisuels est une grande responsabilité administrative et financière. Et il n’est pas possible de désigner leurs membres par élection directe.
— Quel mode propose le projet de loi pour la nomination des présidents des conseils d’administration des entreprises de presse officielles ?
— Concernant les présidents des conseils d’administration, ils seront choisis par l’organisme national de la presse et le syndicat des Journalistes selon des critères déterminés par la loi. Pour garantir que ces conseils soient indépendants, nous avons pris soin de séparer la rédaction et l’administration. Les conseils d’administration et les assemblées générales des entreprises de presse seront élus à 60 %, contrairement à la situation actuelle où la majorité des membres est nommée directement. Chaque média qu’il soit écrit ou audiovisuel doit, en vertu de la loi, aviser les conseils nationaux de la presse et des médias de sa politique rédactionnelle. Celle-ci sera définie par un conseil de rédaction. Les médias n’ont pas le droit d’imposer à leurs journalistes une politique différente de celle officiellement déclarée. En ce qui concerne les rédacteurs en chef, chaque entreprise présentera un certain nombre de candidatures et il appartiendra ensuite à l’organisme national concerné de décider.
— Selon vous, quels sont les plus importants acquis de ce projet de loi ?
— Le projet de loi a supprimé les peines de prison dans les délits de publication qui étaient une entrave à la liberté de la presse et des médias, avec cependant trois exceptions à savoir, l’incitation à la violence et à la discrimination ainsi que la diffamation et l’atteinte à la vie privée. En revanche, le projet de loi a donné un poids plus grand à la charte déontologique et aux sanctions syndicales. Citons aussi, l’indépendance des médias par rapport à l’Etat.
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