Al-ahram hebdo : Quel bilan faites-vous de la réunion qui a eu lieu cette semaine à Khartoum entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan, pour régler certaines questions techniques liées au barrage de la Renaissance ?
Alaa Yassin : Cette réunion qui s’est tenue les 22 et 23 juillet, visait à finaliser l’accord conclu avec les deux bureaux de consultation, un français et l’autre hollandais, qui ont été choisis antérieurement pour faire une étude sur l’impact économique et écologique du barrage de la Renaissance sur les deux pays en aval du Nil, c’est-à-dire l’Egypte et le Soudan. Les négociations étaient dures et longues. Nous nous sommes mis d’accord pour que le bureau français soit chargé de 70 % de l’étude en question et le hollandais de 30 %. Les deux bureaux disposent d’un délai de 11 mois pour achever cette étude sur l’impact du barrage.
— Mais le barrage éthiopien est actuellement en construction. Est-ce que les travaux vont s’arrêter en attendant que le rapport final des deux bureaux de consultation soit rédigé ?
— L’Egypte a demandé, effectivement, l’arrêt des travaux de construction jusqu’à ce que l’étude en question soit terminée, mais la partie éthiopienne a refusé. Elle considère que c’est une question de souveraineté. Il faut dire que généralement les études de viabilité sont effectuées avant le commencement des projets. Cela paraît logique. Le problème du barrage de la Renaissance est que sa construction a commencé en avril 2011, et l’Egypte à cette époque était en plein désordre politique. Je dois l’admettre, nous avons quelque peu tardé à contrôler la situation, à cause du contexte local, régional et international. Les trois pays ont des intérêts différents et donc ils ont des visions différentes. C’est ce qui fait que les négociations prennent beaucoup de temps. Nous allons défendre nos droits historiques sur les eaux du Nil. Il ne faut pas oublier que l’Egypte ne peut compter que sur le Nil pour fournir l’eau potable à sa population et pour irriguer les terrains agricoles. L’Ethiopie possède douze fleuves.
— Mais si les travaux de construction du barrage se poursuivent, l’Egypte se retrouvera devant le fait accompli. A quoi cela sert de faire des études sur l’impact du barrage ? L’Ethiopie peut-elle accepter, par exemple, de changer les spécifications techniques du barrage ?
— Ce qui importe pour l’Egypte c’est d’avoir un document officiel sur l’impact de ce barrage. Il y a quelques années, nous n’avions rien. Nous n’avons aucune information sur la capacité de stockage de ce barrage. On ne parle encore ni de la durée du remplissage du barrage ni du volume des eaux, estimé à 74 milliards de mètres cubes. Le rapport final qui sera publié par les deux bureaux est un document officiel devant le monde entier. Parce que nos spécialistes ont estimé que ce barrage aurait des répercussions négatives sur l’Egypte, en particulier. Nous avons besoin d’un rapport impartial pour le souligner. La loi internationale et l’accord de principes conclu entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan obligent les trois pays à ne pas porter atteinte aux droits des autres pays riverains.
— Mais l’accord de principes se contente de souligner que les trois pays « respectent » et non pas « s’engagent à » l’étude effectuée par les bureaux de consultation. Cela est-il suffisant ?
— Les trois dernières lignes du préambule stipulent que « les trois pays signataires de l’accord s’engagent à ce qui suit ... ». En ce qui concerne les termes « respectent » et « s’engagent à », les spécialistes du droit international affirment qu’ils ont le même sens, celui d’un engagement de la part des pays qui ont signé l’accord. Comme je l’ai expliqué, ce qui compte pour l’Egypte c’est d’avoir un document officiel parce qu’avant, on n’avait rien sur ce projet ni sur son impact sur l’Egypte. Que le rapport soit positif ou négatif, il sera publié devant le monde entier et soumis aux décideurs égyptiens.
— Certains affirment que l’Egypte a fait beaucoup de concessions à l’Ethiopie sur le dossier du barrage au début. Pensez-vous que l’Egypte soit sur la bonne voie ?
— Je pense que l’Egypte a emprunté la seule voie respectable dont elle disposait pour prouver les dégâts qu’elle aura à subir à cause de ce projet.
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