Al-Ahram Hebdo :
La réconciliation interpalestinienne n’a pas duré longtemps. Le Hamas et le Fatah sont à nouveau à couteaux tirés, notamment avec la récente démission du gouvernement de Rami Hamdallah. Qu’en est-il au juste ?
Ayman Al-Raqab : Le gouvernement d’union nationale de M. Hamdallah (formé de technocrates) avait été formé suite à un accord entre les différentes factions palestiniennes, dont le Hamas. L’objectif de ce gouvernement était d’unir les ministères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie pour qu’il y ait une seule direction palestinienne et que l’on puisse apaiser le climat général afin d’organiser des élections législatives et présidentielles. Mais, quelques mois après la formation du gouvernement de M. Hamdallah, le Hamas a commencé à entraver le travail du gouvernement, notamment en exigeant l’intégration des 40 000 fonctionnaires qu’il a recrutés depuis sa prise de pouvoir par la force en 2007 au sein de l’Autorité palestinienne. Cette exigence allait à l’encontre de l’accord de réconciliation selon lequel il était prévu la création d’une commission juridique et administrative chargée de régler cette affaire, ainsi que l’intégration des fonctionnaires du Hamas selon les besoins des institutions ministérielles. A la suite de cette crise, le Hamas a empêché le gouvernement d’union nationale de récupérer les ministères à Gaza et de contrôler les points de passage de Gaza. Pire encore, un certain nombre de ministres ont été récemment bloqués dans un hôtel à Gaza.
(Photos : Reuters)
— Cela est-il lié aux tentatives menées par le Hamas de s’engager seul dans des discussions avec Israël ?
— Bien sûr, nul ne peut nier que les efforts pour former un gouvernement d’union nationale visent à barrer la route au Hamas qui tente de séparer la bande de Gaza, de l’exclure du projet national palestinien et de créer une entité indépendante avec le soutien du Qatar et de la Turquie. Pour ce qui est des discussions entre le Hamas et Israël, l’Autorité palestinienne est au courant de cette affaire, et d’ailleurs, le Hamas ne l’a pas nié.
— Il existe des accusations et contre-accusations de part et d’autre sur les raisons du retard de la formation du nouveau gouvernement. Pourquoi ?
— Le Hamas accuse le gouvernement de ne pas respecter ses engagements au sujet de l’intégration des fonctionnaires. Le gouvernement, lui, accuse le Hamas d’entraver le travail de ses ministres et de bloquer son autorité à Gaza. Il l’accuse aussi de créer un gouvernement de l’ombre qui dirige la bande de Gaza parallèlement au gouvernement officiel. D’ailleurs, l’exemple le plus flagrant à ce sujet est que les services sécuritaires du Hamas à Gaza n’exécutent pas les ordres du ministère de l’Intérieur du gouvernement d’union. De toutes les manières, il était prévu que le Hamas mette les bâtons dans les roues en s’attardant sur les détails.
— Qu’en est-il du limogeage de Yasser Abed-Rabbo, le numéro deux de l’Organisation de la Libération de la Palestine (OLP), décidé la semaine dernière par le président Mahmoud Abbas ?
— Il se peut que le limogeage de M. Abd-Rabbo soit une décision juridique prise par le comité exécutif de l’OLP en raison de ses absences répétées des réunions du comité et du non respect de ses décisions. Nous ne pouvons pas juger ce qui se passe dans les coulisses. En fait, le système de gestion et de direction de l’OLP nécessite un changement de fond. Nous espérons que ces changements auront lieu prochainement car le peuple palestinien a besoin d’institutions solides et efficaces.
— Quelle est la situation actuelle à Gaza et pourquoi la reconstruction tarde-t-elle ?
— Certaines parties freinent la reconstruction de Gaza. Aussi bien le Hamas qu’Israël. Tous deux sont responsables et s’accusent mutuellement d’entraver la reconstruction de Gaza, où la situation humanitaire empire de jour en jour. Certains rapports avancent que les taux de cancer, de stérilité et d’autres maladies ont beaucoup augmenté à Gaza. Cela est probablement dû aux effets de la guerre de l’année dernière au cours de laquelle Israël aurait utilisé des armes interdites. En outre, le chômage a atteint 46 %, c’est-à-dire que près de la moitié de la population de Gaza n’a pas de source de revenu. A cause de la pénurie d’électricité, les foyers n’ont l’électricité que six heures par jour. Le peuple gazaoui rêve de se débarrasser de l’emprise du Hamas.
— Quelles leçons peut-on tirer de la dernière guerre israélienne contre Gaza, alors que l’on vient de célébrer son premier anniversaire ?
— Je pense que toutes les parties sont sorties perdantes de cette guerre. Côté israélien, l’Etat hébreu n’a pas réussi à mettre un terme au lancement de roquettes sur les colonies. D’ailleurs, la gestion de la dernière guerre israélienne contre Gaza démontre l’échec de ses services sécuritaires qui ne parviennent pas à déterminer la force d’attaque de la résistance. Pendant cette guerre, Israël a frappé de manière aléatoire, ce qui fait que cette guerre a causé la mort de plus de 1 500 enfants, femmes et vieillards sur un total de 2 035 victimes. Si cette guerre a été déclenchée par Israël contre le Hamas, l’Etat hébreu n’a tué que trois dirigeants du Hamas. Et c’est justement là une grande perte pour le Hamas, qui est sorti perdant de cette guerre. Et bien sûr, le plus grand perdant est comme toujours la population civile. C’est le peuple de Gaza qui a payé le prix le plus lourd.
— Outre les dissensions interpalestiniennes, le processus de paix israélo-palestinien est totalement bloqué. Pensez-vous qu’il soit toujours possible de parvenir à une solution à deux Etats à travers les négociations que l’on se dirige vers une déclaration d’indépendance autoproclamée ?
— Une solution à deux Etats devient de plus en plus un mirage. Et ce, pour différentes raisons. D’abord, Israël poursuit sa politique de construction des colonies en s’appropriant des terres palestiniennes. Ensuite, le gouvernement israélien actuel, très à droite, ne croit pas en une solution politique. Tout ce qu’il propose, ce sont des facilités économiques parallèlement à une coopération sécuritaire. En plus, Israël ouvre des voies de discussions avec d’autres parties comme le Hamas. C’est pour cela qu’il est nécessaire de trouver des solutions, comme le recours à la justice internationale en ce qui concerne les résolutions onusiennes qui n’ont jamais été appliquées, comme la résolution 242 qui avait été votée à la suite de la guerre de 1967 et qui appelle au retrait des territoires occupés lors de cette guerre. Une autre alternative est possible : déclarer au monde entier que nous sommes prêts à la solution d’un Etat, deux peuples, pour prouver que c’est Israël qui n’est pas prêt pour une telle option. Quoi qu’il en soit, il est temps que le statu quo actuel change.
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