Lors d'une réunion avec les journalistes, le chef du gouvernement a promis de reconsidérer l'article 33 de la loi antiterroriste, jugé liberticide.
(PHOTO:AI-Ahram)
Le syndicat des Journalistes a remporté le premier tour dans la bataille, en obligeant le gouvernement de revoir le texte d’une nouvelle loi antiterroriste prévoyant des peines de prison pour la publication de « fausses informations ». Lors d’une rencontre avec les journalistes, le ministre de la Justice, Al-Zend, a reconnu que le syndicat aurait dû être consulté.
Le conseil du syndicat des Journalistes est « en état de réunion permanent jusqu’à la fin de la crise ». Celle-ci a été provoquée par une nouvelle loi antiterroriste, ratifiée dans un premier temps par le gouvernement qui devait par la suite l’envoyer au président de la République. Cette loi comprend des articles limitant la liberté d’expression, notamment l’article 33. Selon un communiqué publié par le syndicat des Journalistes à l’issue d’une réunion des rédacteurs en chef des grands journaux publics et privés, cet article est « inconstitutionnel dans la mesure où il prévoit la peine de prison pour des délits de publication ». Les peines de prison pour ce genre de délits ont été annulées dans la nouvelle Constitution, ce que les journalistes ont alors considéré comme une « victoire » couronnant leur lutte pour la liberté d’expression.
L’article en question interdit aussi aux journalistes la publication d’informations provenant de sources non officielles, notamment dans la couverture des attentats terroristes. Les journalistes qui ne s’en tiennent pas aux communiqués officiels encourent une peine d’au moins deux ans de prison, toujours selon l’article controversé.
L’article 71 de la Constitution a limité les peines de prison pour les délits de presse à « l’incitation à la violence ou à la discrimination et la diffamation ». Selon Essam Islambouly, juriste, tant que l’Egypte n’est pas en état de guerre ou d’urgence, toute censure sur les médias sera inconstitutionnelle. Islambouly se demande par ailleurs qui sont lesdites sources « officielles », auxquelles les journalistes sont appelés à s’en tenir.
Gamal Abdel-Réhim, secrétaire général adjoint du syndicat des Journalistes, souligne un autre vice constitutionnel dans le nouveau projet de loi. « L’article 77 de la Constitution stipule que le syndicat concerné doit être consulté avant l’adoption d’une législation relative à la profession qu’il représente. Ce qui n’a pas été le cas pour les journalistes », affirme Abdel-Réhim. Selon lui, non seulement cet article viole la Constitution, mais il oblige les journalistes à se conformer à une version officielle, une version qui peut tarder, ou ne pas arriver du tout. « Cet article risque de paralyser le travail des médias locaux, au profit des médias étrangers qui vont trouver le champ libre pour diffuser leurs informations biaises », dit Abdel-Réhim.
Le ministre de la Justice a affirmé que le gouvernement étudiait actuellement l’amendement de l’article 33 à l’origine de la crise, sans toutefois indiquer la nature de cet amendement. Le
syndicaliste Hatem Zakariya estime que le gouvernement tend à opter pour des amendes au lieu des peines de prison, « croyant ainsi contenter les journalistes, mais le syndicat insistera sur l’annulation pure et simple de cet article ».
Plusieurs articles inquiétants
En fait, cet article n’existait pas dans le texte de la loi antiterroriste qui attendait depuis quelque temps dans les tiroirs du gouvernement. Il a été ajouté après les attaques terroristes qui ont visé l’armée le 1er juillet dans la péninsule du Sinaï. Alors que le communiqué de l’armée faisait état de 21 soldats tués, certains médias avaient publié des bilans bien plus lourds.
L’article 33 n’est pas le seul qui a soulevé les inquiétudes des journalistes. Les articles 26, 27, 29, et 37 se prêtent à des interprétations diverses au risque de confisquer carrément la liberté de la presse. Le syndicat a présenté, samedi dernier, ses propositions concernant la reformulation de ces articles, comme l’indique Zakariya. Il avance l’exemple de l’article 26 qui prévoit une peine de prison d’au moins 5 ans à toute personne accusée de « faire la propagande du terrorisme directement ou indirectement, oralement, par écrit ou par tout autre moyen ». Le syndicat propose d’utiliser plutôt le terme « incitation » au terrorisme.
Un projet de loi sur la presse, préparé par le syndicat, sera présenté au gouvernement dans quelques jours. Ce texte prévoit déjà des pénalisations contre les journalistes qui publient ou diffusent de fausses informations. Une victoire dans la bataille de « l’article 33 » pourrait renforcer la position du syndicat lors de son futur combat pour faire passer son projet de loi.
Lien court: