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Une distanciation calculée

May Atta, Lundi, 15 juin 2015

Les Etats-Unis ont refusé d'accueillir une délégation de la confrérie des Frères musulmans en visite à Washington. Ce qui ne signifie pas pour les analystes une volte-face politique.

Une distanciation calculée
Jeffrey Rathe a affirmé que les Etats-Unis n'ont pas pour projet de voir les Frères musulmans à ce moment.

La diplomatie américaine a affirmé qu’elle ne recevrait pas les membres d’une délégation des Frères musulmans en visite la semaine dernière à Washington. « Le département d’Etat ne prévoit pas de rencontre avec la délégation de la confrérie », a déclaré un porte-parole du département d’Etat, Jeffrey Rathke. « Nous sommes impliqués avec des représentants de tout le spectre politique en Egypte et c’est un groupe que nous avions également rencontré par le passé ... mais nous n’avons pas pour projet de les voir en ce moment. Une réunion ne serait pas bénéfique à l’heure actuelle », a-t-il toutefois ajouté.

Chassée du pouvoir en 2013 et classée comme organisation terroriste, la confrérie des Frères musulmans mise sur une reconnaissance internationale. Les Frères ont révélé avoir envoyé en janvier dernier des délégations dans 23 pays dont les Etats-Unis. Cette fois, la réaction du Caire a été explicite. L’ambassadeur américain au Caire, Robert Stephen Beecroft, a été convoqué par les autorités égyptiennes qui l’ont mis en garde contre un éventuel accueil officiel de la délégation islamiste. Une convocation que le porte-parole du département d’Etat a refusé de commenter.

Les relations égypto-américaines se sont envenimées depuis la destitution du président Mohamad Morsi, issu de la confrérie. En octobre 2013, les Etats-Unis ont gelé une partie de leur aide militaire annuelle à l’Egypte estimée à 1,3 milliard de dollars.

La Maison Blanche avait dans un premier temps exigé des « progrès crédibles » en matière de démocratie, avant de reprendre ses livraisons d’armes fin mars 2015. Aujourd’hui, si les Etats-Unis cherchent à rétablir leurs relations avec le régime égyptien considéré comme un allié dans la guerre antiterroriste, ils ne veulent pas pour autant perdre le contact avec les Frères musulmans. « C’est difficile de s’attendre à un changement de position radical de la part de l’Administration américaine vis-à-vis des Frères musulmans », estime Ghada Moussa, professeur à la faculté des sciences politiques de l’Université du Caire. « Toutefois, le refus de recevoir les Frères peut être interprété comme un double message adressé, à la fois, au régime égyptien selon lequel l’Administration américaine n’interviendrait plus dans les affaires internes du pays, et aux Frères musulmans, pour leur dire que leur relation avec Washington est conditionnée par leur renonciation définitive à la violence », poursuit la politologue.

« Les Etats-Unis ne risquent pas de rompre complètement avec les Frères musulmans, qui représentent pour Washington une organisation islamiste modérée, susceptible de faire barrage à d’autres versions plus radicales de l’islam politique », estime, pour sa part, Hani Raslane, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Si Washington tient à garder ses relations avec les Frères musulmans c’est parce qu’il reste convaincu que la confrérie est un groupe politique jouissant d’une certaine popularité et qui doit être représenté dans la vie politique », explique-t-il. « Les Etats-Unis jugent que la manière sécuritaire utilisée par les gouvernements arabes vis-à-vis des islamistes risque de nourrir le terrorisme. Pour les Américains, l’intégration des islamistes dans la vie politique est la meilleure stratégie », ajoute Raslane.

« Les Etats-Unis ont intérêt à garder des ponts de contacts avec toutes les forces politiques en Egypte. Or, le régime égyptien nourrit une sorte de phobie à l’égard de tout ce qui est islamiste. Ce qui suggère que la tension entre Le Caire et Washington relative à ce sujet est susceptible de perdurer », note Wahid Abdel-Méguid du CEPS d’Al-Ahram.

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