La cour de cassation du Caire a décidé cette semaine de rejuger l’ancien président, Hosni Moubarak dès le 5 novembre prochain. La cour avait annulé l’abandon des accusations de complicité dans le meurtre des manifestants, qu’un tribunal avait ordonné en novembre dernier en sa faveur. Il s’agira de la troisième fois que Moubarak sera jugé en lien avec ces meurtres. Le nouveau verdict prévu sera définitif et ne pourra plus être contesté. En revanche, la Cour de cassation a confirmé l’innocence de son ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adly et de six de ses assistants accusés dans le même procès.
En juin 2012, Moubarak avait été condamné en première instance à la prison à perpétuité ainsi que Habib Al-Adely, et six autres hauts responsables de sécurité, pour le meurtre de quelque 850 manifestants durant la révolution de janvier 2011. Alors, Moubarak avait été reconnu coupable de « complicité » dans le meurtre des manifestants, car il n’a pas empêché la répression. Ce jugement a été annulé en appel, en janvier 2013, pour vice de procédure.
Moubarak et ses co-accusés ont donc été rejugés, pour être acquittés le 29 novembre 2014 par la Cour pénale du Caire. Cet acquittement s’est basé sur la non-existence de preuves matérielles ainsi que sur un retard des procédures. Un jugement contre lequel le Parquet avait introduit un recours en mars dernier. Cette semaine, la Cour de cassation a accepté le recours en ce qui concerne Moubarak, mais a confirmé l’innocence de son ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely et ses assistants.
Moubarak, seul dans le box
Dans son verdict d’acquittement, la cour s’était interrogée sur les raisons pour lesquelles Moubarak fut arrêté 60 jours après son ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely et les assistants de ce dernier. Un retard que le tribunal a interprété comme une abstention implicite du Parquet de poursuivre l’ex-président.
Dans son recours en cassation, le Parquet a expliqué qu’il était difficile, au vu des conditions politiques, de faire arrêter Moubarak dans les premiers mois de l’investigation. « Etant donné que le vice de procédure ne concernait que le président, le recours n’a été retenu que pour lui », explique Mohamad Zarée, avocat et activiste des droits de l’homme. Selon lui, le Parquet a simplement voulu se défendre contre un vice de procédure qui lui a été reproché par le tribunal.
Reste à savoir si un nouveau procès signifie un départ à zéro avec un nouvel acte d’accusation et de nouvelles preuves, ou juste une révision des procédures. « Rien ne permet de savoir la décision du tribunal à cet égard », reconnaît Mohamad Zarée. « Toutefois, la confirmation de l’innocence de l’ex-ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely et ses assistants ne laisse pas attendre une condamnation de Moubarak », estime-t-il. « Je ne vois pas sur quel fond la cour peut-elle condamner Moubarak, accusé de complicité, alors que son ministre de l’Intérieur, accusé, d’avoir commandité le meurtre des manifestants, a été innocenté ? », se demande Zarée. « Sauf au cas où de nouvelles preuves matérielles ou de nouveaux témoignages se présentent. Mais il y a peu de chance, étant donné que les vidéos et les enregistrements relatifs aux événements de la révolution ont été intentionnellement détruits », poursuit-il.
Le magistrat Moustapha Al-Tawil, ancien président de la Cour d’appel, s’attend également à un procès de pure forme. Selon lui, le rejugement de Moubarak concerne uniquement la vérification de la régularité des procédures du procès, qui s’est soldé par son acquittement. « Il n’y aura pas de nouveau procès, au sens propre du terme, puisque le Parquet général n’a pas présenté un nouvel acte d’accusation », explique Al-Tawil. « Il s’agit de rassurer l’opinion publique et les familles des victimes quant à la neutralité et l’indépendance de la justice. Mais du point de vu juridique, il n’existe aucune preuve concrète sur la responsabilité directe de Moubarak », ajoute-t-il.
Quoi qu’il en soit, le sort de Moubarak ne semble plus préoccuper les Egyptiens. Même si Gamal Eid, avocat des familles des victimes, regrette un « climat d’impunité ». « Quel que soit le verdict, Moubarak est déjà condamné par son peuple pour les crimes politiques qu’il a commis tout au long de ses 30 ans au pouvoir. La corruption, le despotisme, l’étouffement de la vie politique, les taux de pauvreté et de maladie ... Les crimes de l’ancien régime dépassent de loin les faits jugés devant les tribunaux », conclut Eid.
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