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L’autre vestige de Palmyre

Najet Belhatem, Lundi, 25 mai 2015

Au-delà de ses vestiges millénaires, Tadmur (Palmyre) est tristement célèbre pour sa prison militaire où ont eu lieu plusieurs exécutions sommaires de centaines de détenus.

« Que les cloches sonnent : Daech est entré à Tadmur (Palmyre). Il est certain que le groupe va détruire tous les vestiges de la ville historique. Quoiqu’une destruction totale semble difficile. Et les collections du musée de la ville ont été transportées à la capitale Damas, selon les dires. Mais cet héritage n’est pas plus important que sa célèbre prison qui a accueilli un nombre d’opposants syriens du temps du père et du fils Assad », écrit Sattea Noureddine, rédacteur en chef du site libanais en ligne Modon.

« La bataille de Daech qui effacera proba­blement le nom de Zénobie des registres des âmes a une autre profonde signification. Nous sommes devant un développement dramatique des crises syrienne et iraqienne, illustré par une expansion de l’organisation jamais connue jusque-là malgré les frappes de toutes parts et peut-être à cause des frappes ». Pour l’auteur, l’option américaine a été basée sur une logique hésitante et floue, et le fait de miser sur le régime Al-Assad « a été une bêtise et à Washington, Barack Obama conti­nue de répéter que la solution ne sera pas militaire, au moment où Daech n’est pas une organisation politique. Or, personne ne demande une intervention militaire améri­caine, mais juste des actions concrètes et quelques aides. Alors qu’à Damas, le régime croit que les Syriens qui échappent à ses raids aériens vont le prier de rester indéfiniment au pouvoir ». L’auteur conclut que « Daech ne combat pas des Etats, des armées et des idées, mais des milices comme lui ».

Au-delà des vestiges millénaires de Palmyre, il y a cette fameuse prison. « Après des années d’oubli et de déni, l’affaire des prisonniers libanais dans les prisons du régime syrien est sortie de l’ombre. Certains y sont emprison­nés depuis plus de 35 ans », peut-on lire sur le site d’informations Djenoubia.

Il s’agit d’une prison militaire à 200 km au nord-est de Damas. Personne ne sait combien de prisonniers politiques s’y trouvaient au moment de l’invasion de Daech et personne ne connaît leur sort. Un ancien détenu, dans les prisons syriennes de 1992 à 2000 pour appartenance au Parti des forces libanaises, Joseph Halit, qui suit les dossiers des détenus libanais dans les prisons syriennes, a donné à Djenoubia quelques informations : « Les déte­nus libanais sont au nombre de 32, nous avons engagé des contacts avec le ministère des Affaires étrangères pour tenter de les rapa­trier ».

La prison de Tadmur (Palmyre) est catalo­guée par plusieurs organisations humani­taires comme faisant partie des 10 plus mauvaises prisons au monde. « Les détenus y subissent des violations qui peuvent atteindre les crimes de guerre. Ces murs sont le témoin de plusieurs carnages comme celui du 27 juin 1980 où ont été exécutés des centaines de prisonniers appartenant aux Frères musulmans. Les plus basses estimations par­lent de 600. Les organisations humanitaires ont répertorié 7 carnages dans la prison de Palmyre durant 1980-81 et 1982 où ont péri des centaines de Syriens ».

On comprend mieux ainsi pourquoi Tadmur a cette importance historique pour le groupe Daech, jumelé avec un atout géographique qui lui permet d’avoir « un accès au grand désert syrien qui jouxte le gouvernorat d’Al-Anbar en Iraq sous l’emprise du groupe ».

Au milieu de ces frontières qui se défont et se refont, les politiques changent aussi, comme la politique de non-ingérence dans les affaires des Etats qui a volé en éclats à la suite de l’intervention saoudienne du Yémen. « L’Arabie a abandonné le soft power de sa politique étrangère qui était notamment basée sur le financement de groupes pour passer peu à peu à l’intervention militaire. Elle est intervenue plus ou moins militaire­ment durant la guerre du Golfe, puis à Bahreïn et voilà qu’elle intervient au Yémen. Pourquoi ? Parce que l’ordre régional auquel elle a participé est dépassé au moment où d’autres forces régionales veu­lent jouer un rôle. L’autre raison c’est le recul des puissances mondiales qui ne veu­lent plus s’impliquer militairement dans la région pour des raisons économiques et aussi parce que celles-là dernières ne veulent plus de cette responsabilité. Elles laissent donc faire les forces régionales à condition que celles-ci respectent les grandes lignes de l’équilibre minima requis par les conférences internationales », commente le politologue Gamil Mattar dans le journal égyptien Al-Shorouk.

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