Avec 6 225 noms inscrits sur les listes électorales, le vote des Egyptiens expatriés en Grande-Bretagne n’a pas de réel poids. Pourtant, dès le jeudi 13 décembre, la porte de l’ambassade égyptienne à Londres a été franchie par des centaines d’Egyptiens venus donner leur «
Oui » ou leur «
Non » à la Constitution. On y retrouve un échantillon symbolique de l’Egypte, avec son lot d’opposants et de partisans aux Frères musulmans.
Dans la salle de vote, il y a des activistes se disant appartenir au « courant civil ». Ils rejettent en bloc le projet de Constitution. « Je suis sûr que ce projet est celui des Frères musulmans pour les Frères musulmans. Il ramènera le pays en arrière. C’est une tentative de la part de la confrérie de mettre la main sur l’Etat », argumente l’activiste politique Hossam Abdallah. Il vient tout juste d’apposer un « non » à la Constitution. Pour d’autres expatriés, le « non » est plus un moyen de sanctionner le régime des Frères musulmans qu’une véritable opposition au texte de loi. Par exemple, Youssef Al-Banna a émis un vote négatif sans avoir parcouru le texte : « Je n’ai pas lu le projet, mais je suis allé voter contre, car je refuse la façon dont gouvernent les Frères musulmans. J’ai peur qu’ils aient l’intention de se venger des Egyptiens, à cause de la façon dont ils ont été traités par les précédents régimes ». Pour lui, les cinq mois de présidence de Mohamad Morsi ont montré que « les Frères musulmans étaient incapables de gouverner l’Egypte. Ils veulent seulement se venger ! ».
Ce discours alarmiste est balayé d’un revers de la main quelques minutes plus tard. Des expatriés, appartenant en majorité à des courants islamistes, déclarent leur approbation à la Constitution. « Quels que soient les défauts de la Constitution, elle est certainement la meilleure dans l’histoire de l’Egypte, au niveau de la justice sociale, des droits de la femme, des ouvriers et des paysans », lance Afaf, Egyptienne vivant en Angleterre depuis plus de quinze ans. Un jeune homme l’interrompt. « Le pays a besoin d’une Constitution pour mettre fin à cette phase transitoire. Il faut commencer à construire les institutions de l’Etat conformément à la volonté populaire », explique Mahmoud Al-Ebiari. Les partisans de Morsi ont entière confiance en sa politique d’« ouverture politique ». Pour eux, cette Constitution, c’est celle du rassemblement du peuple égyptien. « Le président Morsi a réfuté tous les arguments de l’opposition en promettant de modifier les articles sujets à polémique, prouvant ainsi qu’il ne vise pas à s’accaparer de tous les pouvoirs », réplique non sans hésitation Abdel-Salam Naguib, ingénieur de formation. D’autres islamistes présents au bureau de vote avancent même que ce projet de Constitution s’aligne sur les « non-musulmans ». « C’est un changement sans précédent dans l’histoire de l’Egypte», assure le prêcheur cheikh Mohamad Oweis. « La Constitution dissipe les craintes envers la probabilité de l’article de la charia comme source unique de législation », explique-t-il, en se basant sur l’article 219 du chapitre 2.
L’ambassade reste neutre
250 000 Egyptiens vivent en Grande-Bretagne ou en Irlande. Ils représentent la deuxième plus grande communauté égyptienne en Europe, après l’Italie et la 9e à l’échelle mondiale. Pourtant, seuls 2,5 % d’entre eux (les 6 225 noms) sont inscrits sur les listes électorales. Face à ce constat, l’ambassade londonienne a tenu à adopter une position particulière pour inciter les Egyptiens à l’urne.
Déjà, aucun diplomate égyptien n’a boycotté ce référendum, contrairement à d’autres diplomates européens ayant refusé de superviser le référendum à l’étranger. « Aucun de nous a refusé de participer à l’organisation du référendum, bien que cette position puisse paraître tout à fait naturelle. Les diplomates, comme n’importe quel citoyen, ont le droit d’avoir un avis personnel sur les conditions politiques actuelles », argumente ainsi un responsable diplomatique à l’ambassade d’Egypte. De manière générale, l’ambassade a mis les bouchées doubles pour organiser ce référendum. Dès qu’elle a reçu les instructions relatives au vote, elle a contacté la communauté égyptienne à Londres pour l’en informer des détails. Elle a mené une intense campagne de sensibilisation et a demandé à tous ses ressortissants d’encourager leurs proches au vote. L’ambassade ne s’est pas contentée d’expliquer les procédures de manière directe ou indirecte, elle a aussi élaboré une liste de questions avec leurs réponses, tentant de prévoir toutes les interrogations possibles. Cette liste a été envoyée aux agglomérations accueillant le plus d’Egyptiens ainsi qu’à toutes les adresses mail disponibles. Par tous ces efforts, l’ambassade londonienne a essayé de tirer un trait sur la façon désastreuse dont elle avait organisé la dernière élection présidentielle.
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