Les Egyptiens à l'étranger ont acquis le droit de vote après la révolution
de janvier 2011.
(Photo: Reuters)
Plus de 200 diplomates ont exprimé leur refus de superviser le référendum sur le nouveau texte de Constitution prévu ce mercredi et qui est supposé se dérouler sur quatre jours dans les ambassades et les consulats d’Egypte.
Dans un communiqué commun publié la semaine dernière et portant leur signature, les diplomates ont affirmé qu’ils protestaient contre la supervision d’un référendum « ayant fait couler du sang égyptien » et ont condamné les responsables directs ou indirects des affrontements sanglants entre partisans et détracteurs du projet de Constitution, qui ont secoué l’Egypte la semaine dernière. Sur le plan officiel, le ministre adjoint des Affaires étrangères pour les affaires consulaires et les Egyptiens expatriés, Ali Al-Echeiri, a affirmé que le ministère restait engagé au calendrier fixé par la haute commission électorale et avait pris les dispositions nécessaires pour assurer le bon déroulement du plébiscite. « Du personnel a été dépêché dans les pays du Golfe où on prévoit un taux de participation de 65 % de l’électorat inscrit à l’étranger », a ajouté l’ambassadeur Al-Echeiri.
Soucieux néanmoins de se mettre au-dessus de la mêlée, le ministère des Affaires étrangères a fermement réagi par la voie de son porte-parole, Amr Rouchdi, aux nouvelles véhiculées par des médias selon lesquelles des instructions auraient été données aux consulats et ambassades à l’étranger pour défendre la politique du président de la République et commercialiser la nouvelle Constitution auprès des Egyptiens dans leurs pays respectifs. « Le ministère des Affaires étrangères est une institution de la fonction publique qui appartient à tous les Egyptiens, il ne s’aligne sur aucun courant politique et n’adopte aucune position particulière (…), son seul rôle est de défendre les intérêts nationaux, qui ne changent pas avec le changement de régimes », a souligné M. Rouchdi.
Réagissant à la position opposée prise par certains diplomates, la ministre adjoint des Affaires étrangères, Mona Omar, a affirmé que ces derniers avaient pris cette position « poussés par un sentiment de patriotisme ». « En tant que citoyens, les diplomates peuvent émettre des réserves sur certains articles du projet de Constitution, mais cela ne reflète aucunement la position du ministère des Affaires étrangères. D’ailleurs, nous avons dépêché, comme on l’a déjà fait lors des précédentes élections, du personnel supplémentaire dans les pays où il y a une importante communauté égyptienne pour assurer le bon déroulement du plébiscite. A l’instar de l’institution militaire, notre but est d’accomplir notre devoir envers le pays », a-t-elle déclaré. Pour sa part, Hussein Haridi, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères, a salué les diplomates qui ont « exprimé leur point de vue d’une manière civilisée sans faillir à leurs obligations professionnelles ». « Le diplomate doit honorer les engagements que lui impose sa fonction, mais si sa conscience n’est pas tranquille, il peut s’abstenir d’une certaine tâche et c’est une position digne de respect », dit l’ancien diplomate.
En se démarquant de la position officielle de leur ministère, les diplomates expriment en effet une appréhension vis-à-vis du pouvoir islamiste qui va au-delà de la question du référendum. Comme c’est bien le cas dans d’autres institutions étatiques, le ministère des Affaires étrangères craint un assaut du nouveau pouvoir, ce qui se laisse déjà sentir dans des informations non démenties selon lesquelles le numéro deux de la confrérie des Frères musulmans, Khaïrat Al-Chater, serait en passe de s’approprier le dossier des affectations et des promotions des ambassadeurs. Les diplomates se plaignent également d’une marginalisation et d’un empiètement sur leurs prérogatives au profit du cercle immédiat du président auquel ce dernier confie l’orientation et la conduite de la politique étrangère de l’Egypte. « La marginalisation du ministère des Affaires étrangères a toujours existé même sous le régime de Moubarak. Par exemple, les services de renseignements se voyaient confier de nombreux dossiers- clés comme celui de la Palestine, raison pour laquelle l’ancien patron des renseignements Omar Soliman était souvent sur le devant de la scène », explique Namira Negm, docteur en droit international. « Sous le régime actuel, le président Morsi s’est entouré de conseillers dont les tâches restent imprécises et qui souvent empiètent sur les prérogatives du ministère et d’autres instances souveraines », poursuit-elle. « Deux choses sont à craindre, changer les critères de choix des futurs diplomates, pour les remplacer selon des considérations politiques ou idéologiques, et abuser du droit de nomination directe pour peupler le sommet de la hiérarchie diplomatique de gens venus de l’extérieur. La politisation de la diplomatie égyptienne serait le début de sa fin », met en garde l’écrivain et diplomate en disponibilité, Ezzedin Choukri Fisher. Deux ambassadeurs ont été mis à la retraite avant la fin de leur service. « Un précédent qui n’a pas eu lieu sous Moubarak », s’inquiète Fisher.
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