Mohamad Fahd Al-Harthi, politologue et rédacteur en chef du journal saoudien Arab News.
Al-Ahram Hebdo : Quel est l’objectif derrière l’invitation des dirigeants des pays du Golfe à un sommet à Camp David ?
Mohamad Al-Harthi : L’objectif est de rétablir la confiance entre les deux parties, d’autant que la position américaine n’était pas claire vis-à-vis des grands dossiers régionaux, notamment la crise syrienne et le dossier iraqien. Dans ces cas comme dans d’autres, la politique américaine soulève beaucoup d’interrogations. L’importance de ce sommet réside dans son objectif de définir les grandes lignes des relations stratégiques entre les Etats-Unis et leurs hôtes.
— L’objectif du sommet est-il de consolider l’accord nucléaire iranien ?
— Les pays du Golfe ont à maintes reprises dit qu’ils souhaitaient voir une région exempte d’armes de destruction massive. Une chose est sûre, l’inquiétude s’empare de toute la région quant aux tendances iraniennes, même si le communiqué du sommet du Golfe a mis l’accent sur l’aspect pacifique du programme nucléaire iranien.
— A votre avis, quelle sera l’influence de l’accord nucléaire américano-iranien sur les pays du Golfe qui l’appréhendent déjà ?
— Les craintes ne se limitent ni au nucléaire iranien, ni à un éventuel accord. Il ne faut pas oublier l’expansion de l’influence iranienne dans la région, l’ingérence de l’Iran dans les affaires internes de plusieurs pays et son soutien apporté aux milices rebelles dans le voisinage. Les sujets épineux sont nombreux dont, sans nul doute, le dossier nucléaire. Certainement, les pays du Golfe ont leurs craintes et suspicions après ce tournant important dans les relations politiques entre Washington et Téhéran. En réalité, les six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) réalisent bien que toute amélioration dans les relations entre Washington et Téhéran aura pour résultat la stabilité et la sécurité de la région. Cela dit, ils émettent des réserves en ce qui concerne le caractère « ad hoc » des négociations et les concessions que les Etats-Unis pourraient accorder à l’Iran. Ajoutons à cela qu’une fois le fardeau des sanctions internationales levé, l’Iran sera plus en mesure d’accroître son influence régionale et son ingérence dans les affaires internes de ses voisins. Disons que ce rapprochement entre Washington et Téhéran intervient dans un contexte de manque de confiance entre le Golfe et les Etats-Unis, avec en arrière plan la guerre en Syrie. Mais l’Iran est un acteur incontournable si l’on veut parvenir à une solution au conflit syrien. Ainsi, il est indispensable que les pays du Golfe soient impliqués dans tout accord avec l’Iran.
— Selon vous, les Etats-Unis pourront-ils rassurer les pays du Golfe lors de ce sommet ?
— Il ne s’agit pas uniquement d’assurances, mais surtout de transparence. Il faut une stratégie claire et déterminée pour mettre un terme à l’instabilité régionale. Pour ce qui concerne les pays du Golfe, ils doivent être conscients de l’évolution de la politique américaine à l’égard du Moyen-Orient. Déjà, ils ont commencé à s’ouvrir à d’autres grandes puissances mondiales afin d’équilibrer leurs alliances.
Les grandes étapes de la coopération sécuritaire
1980 : La « Doctrine Carter ». Elle appartient à l’ex-président américain, Jimmy Carter, et considère que la région du Golfe « persique » est menacée par l’Union soviétique et que toute attaque pour contrôler le Golfe va être considérée comme une attaque contre les Etats-Unis.
1995 : Le centre de commandement de la cinquième flotte américaine de l’océan indien est stationné à Bahreïn.
2002 : Le président américain, George Bush junior, déclare le Bahreïn comme un allié majeur.
2004 : L’initiative de coopération d’Istanbul est lancée, il s’agit d’une coopération sécuritaire entre l’Otan et les pays du Golfe. L’Arabie saoudite et le sultanat d’Oman ne sont pas impliqués dans cette initiative.
2003 : Le centre d’opérations aériennes du Commandement Central américain du Moyen-Orient quitte l’Arabie saoudite et se stationne au Qatar.
2008 : Les Etats-Unis et le Koweït signent un accord de vente d’armes à hauteur de 328 milliards de dollars.
2009 : Le président Bush junior visite les Emirats, une première visite d’un président américain à ce pays.
2010 : Accord de vente d’avions américains de combat et d’hélicoptères à l’Arabie saoudite, le plus gros contrat d’armement conclu avec Washington.
2013 : Renouvellement d’un accord de coopération militaire entre les Etats-Unis et le Qatar.
Lien court: