Mardi, 18 février 2025
Al-Ahram Hebdo > Monde Arabe >

Arabie saoudite : La deuxième génération prend les commandes

Maha Salem, Mardi, 12 mai 2015

Intronisé il y a à peine 100 jours, le roi Salman a pris un ensemble de mesures sur le plan interne et externe visant à consolider le rôle régional de l'Arabie saoudite, et à faire face à la menace iranienne.

Arabie saoudite : La deuxième génération prend les commandes
Le roi Salman a nommé son fils Mohamad, deuxième prince héritier, ministre de la Défense (Photo: AP)

En trois mois de règne, le roi Salman d’Arabie saoudite a lancé une guerre contre le Yémen et a procédé à des remaniements au sein de l’appareil d’Etat de la monarchie saoudienne. S’agit-il là d’un renversement dans la politique intérieure et étrangère du pays ? S’il est encore trop tôt pour le confirmer, il est au moins sûr que le roi entend consolider la puissance régionale de l’Arabie saoudite, notamment face à ce que Riyad considère comme la menace iranienne. Que ce soit au Yémen ou en Syrie, la monarchie entend donc marquer un coup d’arrêt à l’expansionnisme iranien dans le monde arabe. Dans le même temps, le roi veut que l’Arabie saoudite retrouve son rôle de leader dans le monde arabe. Mais ces objectifs régionaux ne peuvent se faire sans changements internes. Et c’est ce que le roi a fait. La récente redistribution des postes-clés a bouleversé l’équilibre des forces au sein de la monarchie.

Par décret, le souverain saoudien a remplacé son héritier au trône et son demi-frère, le prince Moqren, par le ministre de l’Intérieur, Mohamad Bin Nayef, neveu du roi, qui était jusqu’ici second dans l’ordre de succession. C’est la première fois dans l’histoire du royaume qu’un prince héritier soit relevé de ses fonctions. La nomination de ce prince comme héritier du trône aide le nouveau roi à consolider son pouvoir et lui donne une mainmise accrue sur le dossier ultra-prioritaire de la sécurité nationale. Considéré comme l’homme fort du gouvernement en matière d’antiterrorisme car il a réussi à mater la menace d’Al-Qaëda dans les années 2004-2005, le prince Bin Nayef devient également vice-premier ministre, tout en conservant ses fonctions de ministre de l’Intérieur. « Officiellement, il n’y a ni conflit ni divergences entre les deux frères, Salman et Moqren. Le prince Moqren a annoncé qu'il avait cédé son poste pour des raisons de santé. Je pense que les deux frères se sont mis d’accord pour l’intérêt du pays », explique Sameh Rachad, analyste au Centre des études arabes et africaines au Caire. Proche des Etats-Unis et de la CIA, il est la caution sécuritaire d’un royaume confronté aujourd’hui à une double menace : celle des djihadistes sunnites de Daech à sa frontière avec l’Iraq, et celle des rebelles chiites Houthis au sud à partir du Yémen. Ainsi sa nomination au poste de prince héritier marque un changement de génération dans la transmission du pouvoir. En effet, jusqu’à maintenant, ce pouvoir était dévolu aux fils du roi Saoud, le fondateur de l’Arabie moderne. Mais la plupart d’entre eux étant âgés, cette succession avait fini par peser sur le fonctionnement du pays. Un autre remaniement est vu par les analystes comme bien plus qu’un moyen d’imposer son fils.

A moyen ou long terme, c’est donc Nayef qui devrait présider aux destinées du pays et permettre aux proches de l’actuel roi Salman de garder le contrôle du royaume. Le prince Mohamad Bin Salman conserve, lui, ses fonctions de ministre de la Défense. Il a été en première ligne dans la récente offensive militaire, orchestrée par Riyad contre les rebelles houthis au Yémen, offensive qui se poursuit avec de nouveaux raids contre une piste de l’aéroport de la capitale Sanaa, pour empêcher l’atterrissage d’avions en provenance d’Iran qui achemineraient des armes aux Houthis. « Ce choix ne tient pas du lien paternel seulement. Le prince Mohamad a fait ses études aux Etats-Unis. Il est bien éduqué et peut mener beaucoup de réformes en faveur de l’armée », explique Sameh Rachad. Il conserve par ailleurs ses fonctions de ministre de la Défense et de président du Conseil économique et de développement, un organe de coordination créé par son père.

Une première
Autre surprise, le prince Saoud Al-Fayçal, l’inamovible ministre des Affaires étrangères depuis 40 ans, n’est plus à la tête de la diplomatie saoudienne, officiellement pour des raisons de santé. Il est remplacé par l’ambassadeur saoudien à Washington, Adel Al-Jubeir, recruté en dehors de la famille régnante. Ainsi pour la première fois depuis la fondation du royaume, le chef de la diplomatie est en dehors de la famille. « Tous ces changements étaient prévus. Les anciens étaient choisis par l’ancien roi. Or, il y avait beaucoup de divergences entre l’ex-roi Abdallah et son demi-frère le roi Salman. Ces différends ont poussé ce dernier à apporter ses hommes », affirme Rachad. En effet, une semaine après son intronisation, le nouveau roi avait limogé, notamment, deux fils de l’ancien roi Abdallah. De même, il a relevé le prince Bandar Bin Sultan, un neveu d’Abdallah, de ses fonctions de secrétaire général du Conseil de la sécurité nationale et de conseiller du roi.

Cependant, si le roi a changé son entourage et ses conseillers sur le plan politique, la continuité semble assurée, notamment en matière de politique étrangère. L’alliance stratégique avec les Etats-Unis devrait donc se poursuivre, en particulier la participation du pays à la coalition internationale contre le groupe Etat Islamique (EI) en Iraq et en Syrie. Même chose pour la politique intérieure : il devrait continuer à ménager les intérêts de puissants groupes religieux dans le pays .

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique