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A la recherche d’un nouvel équilibre

Hana Afifi, Lundi, 11 mai 2015

Inquiets du rapprochement entre Washington et Téhéran, les monarchies du Golfe cherchent à consolider leurs relations avec d'autres puissances occidentales.

A la recherche d’un nouvel équilibre
Le président français Hollande était l’invité d’honneur du sommet du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), tenu le 5 mai à Riyad. (Photo : AP)

Jamais le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) n’avait invité un président occidental à prendre part à ses réunions. C’était vrai jusqu’au 4 mai, quand le président français, François Hollande, a assisté au sommet extraordinaire du CCG. Cette invitation n’est qu’une dernière d’une série de gestes de rapprochement entre les monarchies du Golfe et des puissances occidentales autres que les Etats-Unis. « Les pays du Golfe voient d’un mauvais oeil le rapprochement américano-iranien », dit Ahmed Abd-Rabo, professeur de politiques comparées à l’Université américaine du Caire.

S’agit-il d’une nouvelle alliance au détriment des relations avec les Etats-Unis ? Les analystes répondent par la négative. Les pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite, le Qatar et Bahreïn, cherchent à s’allier avec d’autres grandes forces, mais les Etats-Unis restent leur allié numéro un, estiment-ils.

Selon Yousri Azabawi, spécialiste des affaires du Golfe au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, les pays du Golfe essaient de diversifier leurs relations avec les grandes puissances pour éviter d’être trop dépendants des Etats-Unis, mais Washington restera leur allié numéro un. Azabawi explique que les monarchies du Golfe s’inquiètent du rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran, qu’elles perçoivent comme menace majeure à leur sécurité nationale. D’autant plus qu’il s’opère sans aucune coordination avec eux.

L’Iran et les pays 5+1 sont parvenus à un accord préliminaire le 2 avril dernier, et les Etats-Unis poussent vers un accord final avec l’Iran concernant son dossier nucléaire.

Les pays du Golfe ont, depuis, cherché un terrain d’entente avec la France qui adopte une position plus ferme à l’égard de l’Iran. En effet, la France insiste sur un texte qui permet de vérifier le respect par l’Iran de ses engagements. Paris avait refusé une version précédente de l’accord préliminaire. Cela dit, les pays du Golfe « ne peuvent jamais abandonner les Etats-Unis », insiste Abd-Rabo. Il rappelle que le centre de commandement de la cinquième flotte américaine dans l’océan Indien est basée à Bahreïn depuis 1995, que des troupes américaines sont stationnées en Arabie saoudite, et que le Qatar accueille sur son sol la plus grande base américaine avec 10 000 hommes. « Tous les dirigeants du Golfe coopèrent étroitement avec les services de renseignements américains afin de protéger leurs régimes contre toute opposition interne », dit Abd-Rabo.

L’abandon des Etats-Unis n’est donc pas envisageable. N’empêche que d’autres forces occidentales, notamment la France et le Royaume-Uni, peuvent entrer en jeu de façon plus significative dans le Golfe.

Azabawi explique que des tentatives de rapprochement avec des puissances non occidentales comme la Russie et la Chine n’ont pas abouti : Moscou n’était pas chaude à l’imposition d’un embargo sur les armes aux Houthis du Yémen, en guerre contre l’Arabie saoudite, alors que la Chine est en bons termes avec l’Iran et soutient le régime syrien d’Al-Assad. Les monarchies du Golfe ont ainsi opté pour le Royaume-Uni et la France, deux pays aux positions proches quant aux enjeux régionaux. Le président français, François Hollande, a critiqué la politique iranienne en Syrie, au Yémen et au Liban, et la France est le négociateur le plus intransigeant avec l’Iran. La France et le Royaume-Uni veulent aussi une transition en Syrie qui exclut le président Al-Assad, alors que les Etats-Unis seraient prêts à l’inclure dans les négociations.

Le rapprochement avec Paris et Londres se concrétise dans le domaine des investissements, mais surtout de la coopération militaire. Le 4 mai, le Qatar a signé avec la France un contrat de 7 milliards de dollars pour l’acquisition de 24 avions de combat Rafale. Le 5 mai, à l’occasion de la visite à Riyad du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, Paris et Riyad ont discuté d’une vingtaine de projets économiques de plusieurs dizaines de milliards d’euros dans le domaine de l’armement et de l’énergie. Aussi, le Royaume-Uni a signé un accord avec Bahreïn en décembre 2014 pour installer une base navale permanente dans ce pays du Golfe.

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