Une fois formé, le gouvernement israélien sera un nouveau casse-tête pour Benyamin Netanyahu.
(Photo:Reuters)
C’est ce mercredi que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, vainqueur des législatives du 17 mars dernier, doit présenter son nouveau gouvernement à la Knesset. Alors que la formation du nouveau cabinet était prévue lundi dernier, les ambitions des membres de son parti (Likoud, droite) et de ses alliés de droite qui se disputent les portefeuilles, jusqu’à la dernière minute, ont motivé ce retard de deux jours.
Bibi avait risqué cette fois de ne pas réussir à former une majorité. Après six semaines de surenchères et de discussions serrées, le chef israélien est sorti déçu avec une majorité minimale de 61 sièges sur les 120 de la Knesset, de quoi mettre en relief l’extrême fragilité d’une « coalition de faucons », constituée à l’arraché. Pour l’heure, les alliés du Likoud ne sont autre que le Foyer Juif (nationaliste religieux, 8 sièges), deux partis ultra-orthodoxes et le parti de centre-droit Koulanou (10 sièges) coalisés autour du Likoud. « Le choix de Netanyahu était prévu, car il lui était impossible de risquer une nouvelle fois une coalition difficile avec le parti travailliste, modéré, qui allait lui dicter des conditions inacceptables quant au processus de paix et à la création d’un Etat palestinien », assure Dr Hicham Ahmad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
En décembre 2014, Netanyahu avait justifié la tenue d’élections anticipées par deux arguments : l’incohérence idéologique de son gouvernement, due à la présence des travaillistes entravant ses plans, et la nécessité d’une majorité stable et confortable. Et voilà que, contrairement à ses ambitions, la nouvelle coalition de faucons, dont il a tant rêvé, lui devient problématique. En cause : les partis de droite ont pêché dans les eaux troubles et largement exploité l’occasion, en imposant leurs conditions à Netanyahu pour accepter de rejoindre sa coalition au pouvoir. Le chef du Foyer Juif, Naftali Bennett, constitue, aujourd’hui, une principale source d’inquiétude pour Netanyahu, à qui il a extorqué un maximum de pouvoir dans le nouveau gouvernement. En position de force après la défection de dernière minute du leader du parti nationaliste, Israël Beiteinou, Avigdor Lieberman, allié de longue date de Netanyahu, Bennett avait sauvé la situation, en soutenant le premier ministre à la dernière minute. Un soutien chèrement payé : Bennett a assuré à son parti trois portefeuilles dont le ministère de l’Education, celui de l’Agriculture, mais il s’est surtout assuré un poids sans précédent au sein du pouvoir judiciaire, en arrachant le ministère de la Justice, pour Ayelet Shaked. Sans cet accord de dernière minute avec le Foyer religieux, Netanyahu aurait risqué de voir le président, Reuven Rivlin, confier à un autre la charge de former un gouvernement.
Selon les analyses, le chef du Likoud aura du mal à gérer une coalition précaire. Une précarité qui a poussé les analystes à commencer à calculer l’espérance de vie de ce gouvernement avant même sa naissance. Pour les uns, ce gouvernement pourrait ne pas durer longtemps, soit parce qu’il succomberait à la première crise, soit parce que Netanyahu essaierait d’élargir sa coalition et peut-être même de former un gouvernement d’union avec les travaillistes. On peut donc s’attendre à ce que Netanyahu fasse tout pour se débarrasser du Foyer Juif et des ultra-orthodoxes qui ont exercé des chantages sans précédent sur lui. Netanyahu lui-même a laissé la porte ouverte à une telle éventualité : « 61 est un bon chiffre. Mais plus de 61 est un chiffre encore meilleur. On commence à 61. Nous avons beaucoup de travail devant nous », affirme le chef israélien. Pour le moment, le chef travailliste, Isaac Herzog (Union sioniste, 24 sièges), a assuré qu’il ne jouerait pas les « roues de secours ». Mais, qui sait ? En politique, tout est possible : « Je ne vais pas être la planche de salut de Netanyahu. Son gouvernement ne pourra faire face à tant de tâches énormes », redoute M. Herzog.
Le processus de paix menacé
Sur le plan extérieur, ignorant totalement le processus de paix, le premier ministre israélien a déclaré que « le plus grand défi du gouvernement est la tentative de l’Iran de se doter d’armes nucléaires », jouant sur la carte de l’insécurité d’Israël pour se garantir le soutien inlassable de son électorat. Il est donc clair que les Palestiniens ne doivent pas s’attendre à des miracles. Avec un gouvernement plus à droite que le précédent, le rêve de paix semble damné à mort. Au cours de sa campagne, pour rallier la droite, Bibi a causé l’une des plus graves crises avec Washington, en enterrant l’idée d’un Etat palestinien et en promettant de poursuivre la colonisation. Déjà, les noms proposés pour le nouveau gouvernement ne font que renforcer cet air de pessimisme. A titre d’exemple, le chef du Foyer Juif est un ancien chef du conseil représentatif des colons et il s’oppose à la création d’un Etat palestinien. Et la future ministre de la Justice, la députée Ayelet Shaked, du Foyer Juif, suscite des critiques virulentes car nul ne peut oublier qu’elle avait comparé, l’année dernière, les Palestiniens à des « serpents », appelant à tuer les mères d’auteurs d’attentat pour qu’il n’y ait « pas davantage de petits serpents ».
A la lumière d’une telle formation radicale, les Palestiniens ont immédiatement dénoncé un « gouvernement d’union pour la guerre et contre la paix ». « C’est un gouvernement qui vise à tuer la paix et à renforcer la colonisation dans les territoires occupés », accuse le négociateur en chef, Saëb Erakat. Un « gouvernement de colons », renchérit Nabil Chaath, membre du comité central du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas. Leur seul espoir est désormais que les Etats-Unis, principal parrain du processus de paix, bougent un peu et exerce des pressions sur Israël .
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