Al-ahram hebdo : Le rapport « Perspectives de l’économie » du FMI, lancé en marge des réunions du printemps à Washington, prévoit la hausse de la croissance au Moyen-Orient et en Egypte. Cette croissance est-elle satisfaisante pour le FMI ?
Massoud Ahmad : La question la plus raisonnable devrait être la suivante : cette croissance est-elle suffisante pour les citoyens égyptiens, et surtout les jeunes ? Car la région arabe renferme une population jeune importante qui cherche de l’emploi. Et pour que la région soit capable de satisfaire les besoins de ces jeunes, elle doit réaliser des taux de croissance plus élevés et rapides. Alors, il s’agit plutôt de la nature de la croissance. Celle-ci doit être capable de fournir des emplois et de développer les compétences des jeunes. Au Moyen-Orient, quand les compétences d’un jeune se multiplient, il lui est plus difficile de trouver un emploi. Car les jeunes préfèrent rejoindre le secteur public. Or, le gouvernement n’est plus capable de fournir des emplois. Le futur de la croissance réside donc dans le secteur privé.
— L’Egypte, avec sa conjoncture économique actuelle, pourra-t-elle recevoir de l’aide financière du FMI ?
— D’abord, je voudrais clarifier que le gouvernement égyptien n’entretient, actuellement, aucune négociation avec le FMI pour obtenir un crédit. Et comme l’a confirmé la directrice exécutive du FMI, lors de sa dernière visite en Egypte, le fonds est prêt à présenter à l’Egypte tout financement capable de soutenir le pays. Le gouvernement égyptien a entamé le bon chemin des réformes, mais il faut le parcourir jusqu’à la fin. Les conditions du FMI sont les mêmes avec tous les pays. Il s’intéresse à ce que son intervention en Egypte rende possible la poursuite des réformes.
— Les cours du pétrole ont connu une forte baisse ces derniers mois. Quelle sera l’influence d’une telle baisse sur la croissance et l’investissement dans la région arabe ?
— Il s’agit ici de deux choses différentes. Les pays importateurs qui accuseront des pertes et les pays exportateurs qui accumuleront des gains. La solide situation financière des pays exportateurs leur permettra de financer les pertes, de sorte que la région n’assiste pas à une baisse de futurs taux de croissance. Pour ce qui est des investissements, la région assistera seulement à leur restructuration. Les fonds, consacrés aux investissements pétroliers, témoigneront d’une baisse alors que ceux orientés vers d’autres secteurs industriels augmenteront.
— La baisse des cours du pétrole menacera-t-elle les aides promises par les pays du Golfe à l’Egypte ?
— Je ne crois pas. Car même avec la baisse des cours du pétrole, les pays du Golfe continuent à profiter d’importantes ressources financières multiples et variées.
— Avec cette baisse des cours, le gouvernement égyptien doit-il continuer son plan de restructuration des subventions ou le reporter en raison de la baisse de la facture des subventions résultant de celle des cours du pétrole ?
— Même après la baisse des cours du pétrole, le gouvernement égyptien continue à subventionner l’énergie. Et cela n’est plus possible. Le FMI plaide pour l’annulation des subventions afin de réaliser une distribution plus équitable des ressources étatiques. Le gouvernement pourrait profiter de ces sommes consacrées aux subventions de l’énergie, dont profitent les riches, pour améliorer les services, dont bénéficient les pauvres, comme l’enseignement et les services de santé.
— Le report des élections parlementaires en Egypte changera-t-il la vision des investisseurs vis-à-vis de l’Egypte ?
— Les investisseurs s’intéressent plutôt à la direction générale du gouvernement et à ses politiques. Et le gouvernement égyptien a pris le chemin de la réforme nécessaire, d’un pas certain.
— Et les conflits politiques de la région auront-ils de mauvaises répercussions sur le volume des investissements dans la région ?
— Certainement. Les conflits politiques sont l'une des raisons essentielles à la suspension des investissements dans des pays du Moyen-Orient, comme l’Egypte et la Tunisie. Les investisseurs, bien qu’ils trouvent de bonnes opportunités d’investissement, surtout suite aux réformes adoptées dans les deux pays, sont bien au courant des risques.
— Le FMI a une mauvaise réputation dans la région arabe. Pourquoi n’essayez-vous pas d’améliorer son image ?
— C’est juste. Le FMI joue toujours le mauvais rôle, car il encourage le gouvernement à réduire ses dépenses pour combler le déficit budgétaire et répondre à ses nécessités financières. La population, n’étant pas au courant des mauvaises politiques du gouvernement, trouve le FMI « méchant ». Puis, le gouvernement, ne voulant pas assumer sa responsabilité, jette la balle dans le camp du FMI. Je pense que le Fonds n’a pas été intelligent dans sa façon de mener sa mission. Il obligeait les gouvernements à adopter certaines solutions à leur crise, sans voir les circonstances de l’économie locale. Cela a commencé à changer. Le Fonds a réalisé qu’il ne doit pas dicter des mécanismes précis pour faire face à une crise. Il faut plutôt en discuter avec le gouvernement pour se mettre d’accord sur les outils disponibles et capables de résoudre les problèmes du pays.