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Trois lois et des controverses

Hana Afifi, Mardi, 28 avril 2015

Trois lois et des controverses

Vingt-quatre millions d’ouvriers attendent la loi du travail qui n’est pour le moment qu’un projet contro­versé. Le document attend l’élection d’un nouveau parlement. Pourtant, deux autres lois liées aux ouvriers ont été promulguées, juste avant la confé­rence économique de Charm Al-Cheikh en mars dernier.

La controverse sur les nouvelles lois se concentre surtout sur le licencie­ment, la promotion, le droit de grève et les pensions de retraite. « Les droits des ouvriers garantis dans les lois passées manquent dans les nouvelles lois », dit la syndicaliste Fatma Ramadan. Mais pour Mohamad Wahballah, secrétaire général de l’Union des ouvriers d’Egypte (for­mation étatique), « le projet de la loi du travail protège les droits des ouvriers ». Pourtant, nombre d’acti­vistes des droits ouvriers craignent une dégradation de ces derniers dans le projet actuel de la loi du travail, surtout quant au licenciement. Il s’agit d’une nouvelle version de la loi 12/2003. Elle compte quelques points positifs, certes. Elle reconnaît ainsi, pour la première fois, le sit-in et les agences de recrutement privées char­gées du recrutement des travailleurs pour le compte des entreprises. Le projet de loi offre aux femmes un congé de maternité sans solde trois fois (sur deux années) au lieu de deux fois dans la loi actuelle. Il parle aussi d’une réduction de la durée du travail des femmes enceintes d’une heure, dès le sixième mois de grossesse.

Pourtant, les vices ne manquent pas. L’article 13 de la Constitution stipule que le licenciement arbitraire est interdit. Pourtant, comme l’ex­plique Waël Tewfiq, coordinateur du bureau des ouvriers et des paysans au Parti de la coalition populaire socia­liste, « la loi ne considère pas le licenciement arbitraire comme un crime ». Il dénonce aussi le fait que le patron paie une amende mini­male – deux mois de travail pour chaque année de travail – et n’est pas obligé de réintégrer l’ouvrier dans son poste en cas de licenciement arbitraire confirmé comme injuste. Fatma Ramadan dénonce le fait que le licenciement peut s’effectuer sans recours au tribunal comme c’est le cas dans la loi actuelle. « Maintenant, ce sont la volonté et l’évaluation du patron qui priment », dit-elle. Mohamad Wahballah explique pour­tant que la loi stipule qu’il faut « mener des enquêtes avant une telle décision ». Pour lui, le nouveau sys­tème tel qu’il est stipulé dans le texte en examen marque un équilibre entre les droits des ouvriers et ceux des patrons.

Les critiques du projet du ministère font aussi référence au droit de grève. Le projet de loi reconnaît le sit-in, ce qui n’est pas dans la loi actuelle. Pourtant, l’ouvrier ne reçoit pas de salaire pour son temps de grève, alors que c’est un droit garanti dans la loi actuelle. Tewfiq dénonce aussi les procédures pour obtenir une autorisa­tion de grève. Il faut un mois, et l’ou­vrier risque d’être licencié en cas de violation du règlement de la grève. Wahballah estime que la grève doit être le dernier recours aux ouvriers : « Notre problème est que l’on se dirige directement vers la grève ». Il pense qu’il faut d’abord faire des négociations avec le patron, ensuite recourir au comité syndical à l’Union des ouvriers avant la grève.

Deux autres lois concernent moins les ouvriers, mais incluent des articles qui les touchent : la loi du service civil (loi 18 de l’année 2015) et celle de l’investissement. La loi du service civil concerne les travailleurs du sec­teur public et offre des réformes dans le secteur administratif concernant le recrutement, les salaires, les vacances, ainsi qu’un nouveau système d’éva­luation des employés dans les institu­tions publiques. Le recrutement se fait, selon la loi, à travers un concours annoncé par l’Organisme central de l’organisation et de l’administration, pour les hauts postes administratifs (article 19). De plus, un nouveau sys­tème de salaires scinde ce dernier en deux éléments : principal et supplé­mentaire. Le premier représentant environ les trois-quarts du salaire contre 20 % dans la loi précédente. Le texte parle aussi d’une augmentation de la prime (article 36) et détermine 10 motifs, dans l’article 66, qui peu­vent mener au licenciement d’un employé. La prime périodique est passée ainsi à 5 % du salaire de base. « La prime est le meilleur point de la loi du service civil », dit Wahballah. Toutefois, Tewfiq pense que c’est un recul par rapport à la loi précédente car c’est un pourcentage fixe. La loi précédente stipulait un bonus d’au moins 7 % du salaire de base (qui représentait 20 % du salaire global), ce qui signifiait un petit montant mais pouvant croître. Wahballah et Ramadan, de tendances opposées, sont pourtant tous les deux contre l’article 67 qui diminue la pension de retraite anticipée à 50 ans, ce qui exer­cerait une pression sur les fonds de l’assurance sociale et des pensions. Wahballah critique aussi l’article 29 stipulant que la promotion s’effectue selon la performance à travers une évaluation, au lieu d’être en fonction du nombre d’années d’expérience. Selon Tewfiq, « ces évaluations peu­vent aussi mener au licenciement d’ouvriers, étant subjectives et sans critères clairs ».

Craintes importantes

Quant à la loi de l’investissement (loi numéro 8 de l’année 1997 modi­fiée), elle vise à encourager les hommes d’affaires à investir en Egypte, surtout en leur offrant des réductions d’impôts et en facilitant les procédures administratives. Par exemple, la loi prévoit une période de 120 jours maximum pour traiter une demande de liquidation volontaire de la part d’un investisseur. La loi pro­tège aussi pénalement les hommes d’affaires, en stipulant que la société paie les amendes ou voit sa licence retirée en cas d’incrimination. De plus, un seul bureau (l’Organisme général de l’investissement) est res­ponsable des procédures de remise de permis et d’autorisations aux projets d’investissements, afin de résoudre le problème de la bureaucratie.

Pourtant, les craintes quant aux droits des ouvriers qui travaillent avec les investisseurs en Egypte restent importantes. Kamal Abbas, activiste du mouvement de l’Union indépen­dante, estime que le gouvernement continue à chercher à plaire aux inves­tisseurs avec « une main-d’oeuvre qui n’est pas chère et sans représentation syndicale puissante qui pourrait avoir un pouvoir ». Pour Waël Tewfiq, la loi représente un « crime majeur » quant aux droits des ouvriers. La loi permet le licenciement des ouvriers en cas de liquidation d’une société sans conser­vation de leurs droits, ce qui était garanti par la loi antérieure.

Les salariés en chiffres

- Nombre total de la main-d'oeuvre : 23,9 millions

- Nombre total des salariés du secteur formel en Egypte : 9,3 millions

Secteur public et travaux publics : 1,1 million

Secteur privé : 8,2 millions

- Salaire moyen par an : 29 200 L.E. par travailleur

Salaire moyen au secteur public par an : 58 500 L.E. par travailleur

Salaire moyen au secteur privé : 23 100 L.E. par travailleur

- La plus grande moyenne de salaire par an :

Service des assurances et intermédiaires financiers : 198 400 par travailleur, suivi du secteur minier avec 95 100 par tra­vailleur.

Source : CAPMAS 2013

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