Malgré les préparatifs entrepris par le Japon pour faire tomber le missile nord-coréen, Pyongyang en a reporté le lancement.(photo:Reuters)
Déclenchant la surprise de la communauté internationale, la Corée du Nord a annoncé, dimanche, à la dernière minute, qu’elle envisageait de reporter le lancement d’une fusée à longueportée. « Nous sommes maintenant au stade final des préparatifs pour le lancement », a indiqué la Commission nord-coréenne pour la technologiespaciale. « Mais au cours des préparatifs, certains problèmes techniques sont apparus,ce qui a contraint nos scientifiques à envisagersérieusement la possibilité de réajuster la période de lancement ». La Commission n’a pas fourni d’autres précisions. Selon un centre deréflexion américain, le US-Korea Institute, celancement pourrait être retardé par d’abondantes chutes de neige. Initialement, ce tir était prévu entre le 10 et le 22 décembre Quelques heures avant ce report imprévu, l’agence de presse sud-coréenne, Yonhap, a affirmé que Pyongyang avait terminé l’installation des trois étages de sa fusée Unha 3 sur le pas de tir de la station de lancement de Sohae (nordouest),au grand dam de la communauté internationale.
Selon certains experts, outre les raisons climatiques,ce report pourrait être dû à la grande vague d’activités diplomatiques entreprises par la communauté internationale cette semaine pour convaincre la RDPC à stopper le lancementde cette fusée que l’Occident soupçonne d’être balistique et capable de transporter une ogive nucléaire, en infraction avec la résolution de l’Onu. En fait, l’annonce du lancement de la fusée nord-coréenne la semaine dernière a provoqué un grave tollé parmi de nombreux Etats, surtout les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon et la Russie, qui ont accusé le régime nord-coréen de vouloir déstabiliser la péninsule coréenne et toute la région avec ses essais nucléaires. Par ce tir, la Corée du Nord visait double objectif : effacer l’échec du lancement très médiatisé de sa fusée Unha 3 en avril et commémorer le premier anniversaire de la mort de Kim Jong-Il, survenue le 17 décembre 2011.
Entre la diplomatie et la menace
La semaine dernière, la communauté internationale a semé à tout vent pour convaincre Pyongyang de renoncer à ce tir. Essayant la voie de la diplomatie, la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a appelé l’Otan et laRussie à faire pression sur la Corée du Nord pour qu’elle renonce au tir lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Otan et de la Russie à Bruxelles. De peur que ce tir ne déstabilise la région, Séoul — frère ennemi de
Pyongyang — s’est déployé à stopper ce drame. Vendredi, Lim Sung-Nam, représentant de la Corée du Sud aux négociations à six (deux Corées, Chine, Etats-Unis, Russie et Japon) sur le programme nucléaire nord-coréen, dans l’impasse depuis décembre 2008, s’est rendu à Washington, afin de s’entretenir avec des responsables du département d’Etat. A la fin des discussions, Séoul et Washington se sont entendus sur le fait d’« épuiser toutes les voies diplomatiques » pour empêcher le tir. Avant Washington, Lim Sung-Nam avait rencontré à Séoul les ambassadeurs de Chine, du Japon et de la Russie qui a appelé Pyongyang à « reconsidérer sa décision », exhortant la Chine, son seul
allié de poids, à user de son influence pour dissuader Pyongyang. Faisant pression sur son voisin, Séoul a demandé à Pyongyang de rembourser les 720 millions de dollars d’aide alimentaire sud-coréenne perçus par le régime duNord entre 2000 et 2007, avant de gaspiller son argent à faire des essais nucléaires. « Alors qu’elle ne rembourse pas sa dette et que son peuple souffre de pénuries alimentaires, la Corée du Nord gaspille de l’argent qui aurait pu nourrir ses habitants pendant plusieurs années », a dénoncé Séoul, estimant à 1,3 milliard de dollars les dépenses engagées en 2012 par la Corée du Nord pour le développement de
ses missiles. Passant à la menace, le Japon a ordonné samedi à ses forces armées de détruire la fuséenord-coréenne si elle menaçait son territoire. Le Japon a préparé des missiles sol-air Patriot PAC3 sur l’île d’Okinawa et a déployé troisdestroyerséquipés du système de radar américain Aegis et de missiles d’interception SM-3. Parallèlement,les Etats-Unis, qui ont dénoncé comme « un acte de grande provocation » le lancement de la fusée, ont déployé des navires équipés decapacités antimissiles balistiques pour « surveiller étroitement » le lancement de la fusée. « Ces navires sont dotés de capacités antimissiles », a mis en garde le commandant
des forces américaines en Asie-Pacifique.Après tous ces efforts, ces coûts et ces préparatifs gâchés, le régime stalinien ajourne le lancement de sa fusée. N’était-ce pas, peut-être, une tentative de la part de Pyongyang de confirmer sa présence nucléaire et d’attirerl’attention de l’Occident au moment où tous les regards sont braqués sur l’Iran ? Pour Pyongyang — pays démuni à l’économie ruinée — le programme nucléaire n’a jamais étéune fin en soi, mais plutôt une carte de pression ou un moyen de faire chantage, afin de dialogueravec l’Occident en position de force et d’en tirer le plus de gains possibles en contrepartie de l’arrêt de ses activités nucléaires.
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