La mosquée d'Al-Azhar a été fondée par la dynastie chiite des fatimides.
Ils seraient très minoritaires, moins de 1 % d’une population de 87 millions d’habitants à une très grande majorité sunnite. Officiellement, ces chiites d’Egypte ne sont pas reconnus. Sur leur carte d’identité est mentionné «
musulman » dans la case de la religion. Sans autre précision. Et le discours religieux est de plus en plus incitant contre les chiites : il y a deux ans, un imam avait été lynché après avoir été attaqué à son domicile dans un village de Guiza, alors qu’il était réuni avec d’autres chiites. Des hommes ont été battus à mort avant que leurs corps sans vie ne soient traînés dans la rue.
Pourtant, dans leur quotidien, les Egyptiens ont gardé certaines coutumes et traditions qui remontent aux Xe et XIe siècles, à l’époque fatimide.
Cette époque chiite de l’histoire de l’Egypte a laissé, en fait, un héritage profond. A l’époque, la dynastie ismaïlienne des Fatimides a transféré sa capitale au Caire. C’est le calife fatimide Al-Moez Lidinellah qui a conçu la nouvelle capitale du pays, Al-Qahéra (la victorieuse). Et depuis, la capitale de l’Egypte, Al-Qahéra (Le Caire) a gardé son nom.
Al-Azhar, haut lieu de l’autorité religieuse et référence incontournable du monde sunnite est, en effet, fondé aussi par le calife fatimide Al-Moez Lidinellah entre 970 et 972. « Beaucoup d’Egyptiens ignorent qu’Al-Azhar était construit à l’origine pour être un lieu de culte chiite et que c’est Salah Al-Dine Al-Ayyoubi qui a fermé, plus tard, la mosquée pendant environ 10 ans pour faire disparaître les marques du chiisme et la rouvrir comme université sunnite », explique Mahmoud Al-Mandarawi, archéologue.
Plusieurs mausolées et édifices de l’architecture monumentale témoignent de l’époque des califats fatimides chiites. Outre la mosquée d'Al-Azhar, on peut citer la très belle mosquée d’Al-Hakim Biamrellah et celle d’Al-Aqmar, ainsi que les grandes portes de l’enceinte du Caire historique. « Il existe aussi des édifices chiites construits notamment aux noms des membres d’Al-Beit (la famille du prophète Mohamad). La majorité de ces monuments de style spectaculaire et d’une architecture élaborée se trouvent dans le quartier du Caire islamique (également dénommé Le Caire fatimide) mais aussi dans plusieurs gouvernorats du pays. Les mosquées d’Al-Hussein et de Sayéda Zeinab au Caire avec leurs dômes dorés et ses faïences colorées sont les plus connus », précise Abdallah Al-Kahlawi, doyen des archéologues arabes. Pourtant, certains historiens et archéologues affirment que ni Al-Hussein, ni Al-Sayéda Zeinab n’est enterré en Egypte. Ces mausolées de la famille du prophète sont vides ou occupés par d’autres défunts.
Ce sont aussi les Fatimides qui ont introduit les lanternes colorées du Ramadan et les différentes confiseries conçues pour chaque fête, notamment celle de l’Aïd Al-Fitr (les kahks), les confiseries du mouled al-nabi (fête de la naissance du prophète), l’Achoura (blé et lait) présentée à l’occasion du 10 du mois de moharram du calendrier musulman. Certains Egyptiens s’interdisent de manger du lapin, pratique interdite dans la doctrine chiite.
La célébration de la mi-chaabane de l’Achoura et des mouleds d’Al-Beit est aussi une tradition chiite. « A ce jour, les Egyptiens fêtent chaque année ces célébrations mystiques en l’honneur de nombreuses hautes figures religieuses d’Al-Beit. Les plus célèbres sont celles d’Al-Hussein, d’Al-Sayéda Zeinab, d’Al-Sayéda Nafissa, de Zein Al-Abidine et d’Al-Sayéda Sokayna », indique Al-Kahlawi. Enfin, sur le plan artistique, les Fatimides ont introduit en Egypte la peinture des scènes humaines animées et stylisations pour décors interdits par l’islam. En effet, les chiites ont amené de nombreuses innovations perçues comme interdites chez les sunnites et qui sont monnaie courante aujourd’hui chez un grand nombre d’Egyptiens sunnites, comme le pèlerinage sur les tombes des awliyas (hommes pieux) et le culte de leurs saints.
Des mariages entre sunnites et chiites ont eu lieu dans l’histoire contemporaine de l’Egypte. Citons surtout la soeur du roi Farouk, Fawziya, qui a épousé le Shah d’Iran.
En dépit du discours de haine d’aujourd’hui, les pratiques et les traditions chiites ont survécu en Egypte sans que la majorité de la population en ait conscience.
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