La visite surprise du premier ministre iraqien, Haider Al-Abadi, aux Etats-Unis a pour but annoncéla coopération entre les deux pays et la planification dans leur guerre contre l’Etat Islamique (EI). L’objectif non annoncé, lui, est, selon les analystes, d’augmenter les aides militaires américaines aux Iraqiens pour affronter les djihadistes.
L’attaque menée, samedi dernier, par les djihadistes contre la raffinerie de Baïji, la plus grande du pays, située au nord de Bagdad, est venue rappeler l’ampleur de la tâche. La reconquête de la ville stratégique de Tikrit, annoncée fin mars, a, certes, étéune étape importante. Mais cette bataille, plus grande opération lancée par Bagdad contre les djihadistes depuis leur offensive en juin dernier, a ététrès difficile, ce qui a effrayénon seulement les Iraqiens mais aussi les Américains. «Il est vrai que cette visite est prévue depuis plusieurs semaines mais la dernière attaque contre la raffinerie de Baïji a pousséles Américains àsoutenir davantage les Iraqiens. Cette raffinerie a étépendant plusieurs mois la source principale dans le financement des djihadistes. Ainsi ces derniers souhaitent la réoccuper », explique Dr Mohamad Gomaa, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire. De plus, le régime iraqien prépare un plan pour aller vers les gouvernorats d’Al-Anbar et Ninawa afin de les reprendre mais il a besoin d’aides militaires et financières. Selon les analystes, si l’armée iraqienne a pris Tikrit en deux mois, alors elle peut récupérer ces deux gouvernorats en six mois.
Washington met en garde
Si la reconquête de ces gouvernorats est considérée comme un pas vers la libération de Mossoul, deuxième ville du pays située à350 km au nord de Bagdad, Washington met en garde contre toute précipitation. Selon les Américains, cette attaque doit, en effet, être lancée quand tout sera prêt et ne doit pas être calée dans un calendrier rigide. «Cela va demander des moyens importants, et il faudra du temps pour tout mettre en place », souligne un responsable américain àl’AFP. Pour Abadi, les mois àvenir seront évidemment cruciaux. Pour Obama, l’enjeu est de taille, àmoins de deux ans de son départ de la Maison Blanche. Ses détracteurs affirment que le retrait des troupes américaines était une erreur stratégique, ayant permis àl’EI de se développer àune vitesse fulgurante.
Depuis l’arrivée de Haider Al-Abadi au pouvoir, la Maison Blanche souligne, inlassablement, àquel point la donne est en train de changer dans le pays, minépar les tensions religieuses. Une partie des Arabes sunnites d’Iraq (20 % de la population) se sent négligée par les autorités de Bagdad, oùles chiites dominent. Leur marginalisation a amenécertains d’entre eux àtolérer et soutenir l’EI. «Le gouvernement Abadi est différent du précédent sur toutes les questions importantes », souligne le vice-président américain, Joe Biden, insistant sur la crise profonde àlaquelle le pays était confrontélorsque Nouri Al-Maliki était au pouvoir. Mais les analystes voient que le régime de Abadi n’a accordéaucun privilège aux sunnites àce jour, ce qui menace toujours la stabilitéet la sécuritéde l'Iraq, et ce qui empêche l’avancée de l'Iraq dans sa guerre contre l’EI.
A cet égard, la bataille de Tikrit a étésource de tensions avec Washington, lorsque les milices chiites soutenues par l’Iran ont étéparfois décrites comme étant les patrons de l’offensive. Une affaire qui a accru l’inquiétude d’élargir le fosséentre sunnites et chiites d’Iraq. Et après une rencontre entre Abadi et Biden, ce dernier a annoncéque «les dirigeants iraqiens n’entendent en rien être des marionnettes de l’Iran voisin », a assuréle vice-président américain, Joe Biden, tout en insistant sur la détermination du premier ministre iraqien àne pas se laisser impressionner par son puissant voisin iranien. «Il a, courageusement, pris l’initiative et expliquéde manière claire que c’était le gouvernement iraqien et que c’était lui, en tant que commandant en chef, qui dirigeait l’opération », a expliquéBiden
Quelle que soit la stratégie retenue, la stabilitédu pays est encore un projet lointain. Après 1 800 frappes aériennes de la coalition internationale menée par les Etats-Unis depuis début août 2014, àpeine un quart des territoires conquis par l’EI en 2014 ont étérepris.
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