
Le commissariat d'Al-Ariche, après l'attaque.
(Photos : AP)
Al-Ahram Hebdo : Quel est le but, selon vous, des deux opérations de dimanche dans le Sinaï ?
Adel Soliman : Ces opérations sont visiblement une réponse à l’offensive menée par l’armée contre les foyers terroristes dans le Sinaï. L’armée avait menée, la semaine dernière, une opération de large envergure durant laquelle plusieurs leaders des groupes terroristes ont été tués. Cette opération n’a pas été révélée aux médias. Les attaques terroristes de dimanche constituent une réaction aux opérations de l’armée. Ces attaques se situent dans le contexte de la confrontation entre les groupes terroristes et l’armée dans le nord du Sinaï et plus précisément dans la région située entre Al-Arich et Rafah. Cette région est devenue le principal terrain de confrontation entre l’armée et la police d’une part, et les groupes terroristes de l’autre. En exécutant les deux opérations de dimanche, les groupes terroristes ont voulu, à mon sens, transmettre un message à l’armée et à la police, pour dire que le conflit reste ouvert et que les forces de sécurité égyptiennes, malgré leurs frappes, n’ont pas réussi à les éliminer. On remarque d’ailleurs que les terroristes ont utilisé les mêmes méthodes : voitures piégées, attaques suicides ... Ce sont les méthodes de l’Etat Islamique (EI) auquel Ansar Beit Al-Maqdes, le groupe qui a revendiqué les attaques de dimanche, avait prêté allégeance.

Adel Soliman
— Faut-il, selon vous, reconsidérer la stratégie antiterroriste dans le Sinaï ?
— Je crois que les médias égyptiens ont exagéré l’importance de cette zone tampon, en faisant croire qu’elle mettrait fin au terrorisme, ce qui n’est pas vrai. Le terrorisme ne vient pas seulement de la bande de Gaza. Il est, en effet, installé au coeur du Sinaï. La zone tampon est sûrement très importante pour arrêter le trafic en provenance de Gaza et empêcher l’infiltration de certains éléments terroristes. Mais cela ne signifie pas la fin du terrorisme.
— Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a durci cette semaine les peines à l’encontre des personnes qui utilisent les tunnels souterrains pour faire passer des armes ou des marchandises. Celles-ci risquent la prison à perpétuité. Comment interprétez-vous cette décision ?
— C’est une décision importante et une tentative de dissuader les personnes qui continuent à utiliser ces tunnels pour le trafic d’armes ou de marchandises. C’est une décision importante, mais sa connotation est strictement morale et elle n’empêchera pas les crimes.
— Comment évaluez-vous de manière générale la lutte contre le terrorisme ?
— Tout d’abord il faut savoir que cette guerre est une guerre ouverte et il est difficile de savoir quand elle se terminera. Le terrorisme que l’on combat est une idéologie et une doctrine. Pour que cette guerre mène à des résultats positifs, il faut une stratégie globale et pas une stratégie basée uniquement sur le facteur sécuritaire. Il faut considérer le milieu dans lequel se cachent ces groupes terroristes. L’Etat doit absolument attirer de son côté les habitants de cette région du Sinaï. Les habitants de cette région doivent aider l’Etat à contrer le terrorisme. L’Etat doit protéger ces Sinawis et leur fournir la sécurité qui leur garantit une vie sereine. La guerre contre le terrorisme est, certes, forte sur le plan sécuritaire mais il faut davantage étudier le côté stratégique.
— Outre Ansar Beit Al-Maqdes qui a revendiqué les attaques de dimanche, on parle aussi d’une présence de l’Etat islamique dans le Sinaï. Pouvez-vous nous décrire la carte des groupes djihadistes actuellement dans le Sinaï ?
— Le nord du Sinaï est un fief du groupe Ansar Beit Al-Maqdes, considéré aujourd’hui comme la branche égyptienne de l’EI depuis qu’il a fait allégeance à cette organisation djihadiste. Mais d’autres groupuscules djihadistes opèrent également dans le Sinaï et sont placés sous la bannière de l’EI. Ils ont commencé à se former au Sinaï avec l’apparition du salafisme djihadiste qui prônait la violence. La nature désertique du Sinaï et le fait que cette région est restée pour de longues années sans présence sécuritaire ont créé un terrain fertile à ces groupes. Avec le temps, tous les groupes terroristes sont venus s’installer dans le Sinaï et leur but était au départ de lutter contre Israël, avant de se retourner contre le pouvoir égyptien. Aujourd’hui, on ne peut pas parler d’Ansar Beit Al-Maqdes seulement, car tous ces petits groupuscules se sont rassemblés sous la bannière de l’EI.
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