Après plusieurs semaines de combats contre l'EI, les forces iraqiennes ont repris Tikrit.
(Photo : AP)
La libération de Tikrit des mains des djihadistes de l’Etat Islamique (EI) est un pas important certes, mais minime par rapport à ce qui est encore à faire. Outre la reconquête des autres régions sous domination de l’EI, il faut aussi panser les plaies et surtout éviter que les confrontations entre chiites et sunnites ne prennent de l’ampleur. En effet, les djihadistes de l’EI ont su influencer une partie des habitants des régions qu’ils occupent, notamment les sunnites, qui se considèrent comme les laissés-pour-compte du régime iraqien. Résultat : même après la reconquête de Tikrit, les habitants continuent leur résistance et commettent des actes de violence de peur d’être la proie d’actes de vengeance de la part des chiites. On se retrouve donc dans un dangereux cercle vicieux de risque de représailles et de contre-représailles qui représentent une véritable menace pour le pays. C’est ce qui explique les déclarations lancées par le premier ministre iraqien, Haider Al-Abadi, après la reprise de Tikrit. Abadi a émis des « ordres adressés aux forces sécuritaires et militaires dans la ville de Tikrit pour qu’elles s’occupent des actes de vandalisme » menés par des « gangs » cherchant, selon lui, à ternir l’image des forces de sécurité et des milices chiites alliées, selon le communiqué de ses services.
Les forces iraqiennes ont repris Tikrit le 31 mars, après plusieurs semaines de combats contre l’EI qui contrôlait la ville depuis près de 10 mois. Au cours de ces dix mois, la majorité de 200 000 habitants ont fui les combats et l’occupation djihadiste. L’ayatollah Ali Al-Sistani, principal dignitaire de l’islam chiite en Iraq, qui compte des millions de fidèles, a appelé les forces de sécurité et les milices alliées à « protéger et garder les biens des citoyens dans les zones qui ont été libérées ». Cela relève du « devoir religieux, national et moral », a poursuivi M. Sistani dans son prêche lu par un représentant. En outre, « cela peut jouer un rôle crucial pour persuader ceux qui n’ont pas encore décidé de participer à la libération de leur région de le faire », a-t-il insisté.
Mossoul, ville stratégique
Selon les analystes en effet, le plus dur reste à faire. « Tout d’abord, on doit avoir une réconciliation, parvenir à une véritable coexistence entre les différentes confessions, une paix entre les chiites et les sunnites pour affronter Daech. Faute de quoi, il sera impossible de trouver une issue à cette crise », explique Dr Ibrahim Abdel-Qader, analyste au Centre des études arabes et africaines au Caire. Car selon lui, « le chemin reste long pour venir à bout de Daech. Tikrit est la ville principale de la province de Salaheddine, mais les autres territoires de cette province sont toujours entre les mains de l’EI, notamment Mossoul, la deuxième ville du pays ».
En attendant la suite de l’offensive, le premier ministre iraqien a pris plusieurs décisions concrètes. Il a ordonné à des équipes de fonctionnaires de se déployer pour nettoyer les débris et restaurer les services de base, comme l’électricité, endommagés par les combats. Les autorités ont déjà fixé les prochains objectifs, en particulier la reconquête de Mossoul. « Nous arrivons, Anbar. Nous arrivons, Ninive ! », a lancé de son côté le ministre de la Défense, Khaled Al-Obaidi. Son ministère avait auparavant affirmé que « la prise de Tikrit n’était que le point de départ pour le lancement de l’opération de libération de la province de Ninive dont Mossoul est le chef-lieu ».
Mais la reconquête de Tikrit ne signifie pas forcément une reprise facile de Mossoul. Encore moins une victoire définitive contre Daech. Certes, la perte de Tikrit par l’EI, une ville à majorité sunnite qui fut le bastion de l’ancien dictateur Saddam Hussein, va renforcer l’isolement des djihadistes à Mossoul. Les forces gouvernementales vont pouvoir pousser à partir du sud, tandis que les combattants kurdes s’y rapprocheront, de l’est notamment. Mais la reprise de Mossoul devrait s’avérer plus difficile que celle de Tikrit, avertissent des experts.
Aussi, peu d’informations filtrent sur l’état réel de Daech en Iraq actuellement. Aucune information n’a en effet été donnée sur le nombre de djihadistes tués, blessés ou capturés, et le gouvernement n’a pas fourni de bilan depuis le début de l’offensive le 2 mars. Une opération qui a mis en évidence le rôle crucial joué par les « unités de mobilisation populaire », composées essentiellement de milices chiites et de volontaires, qui ont bénéficié du soutien de conseillers iraniens. Une autre menace.
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