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Mohamed Abbas : Téhéran sera le seul maître du jeu dans la région après la disparition de Daech.

Maha Al-Cherbini avec agences, Mercredi, 08 avril 2015

Mohamed Abbas, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, analyse les répercussions géopolitiques de l’accord.

Tikrit
Après plusieurs semaines de combats contre l'EI, les forces iraqiennes ont repris Tikrit. (Photo : AP)

Al-Ahram Hebdo : Pensez-vous qu’un accord définitif soit possible avant le 30 juin ? Et si oui, cela signifierait-il un retour de l’Iran sur la scène internationale ?

Mohamed Abbas : Un accord final est tout à fait possible avant fin juin. Mais il y a encore quelques questions difficiles à régler, notamment en ce qui concerne la levée des sanctions. L’Occident hésite toujours à lever complètement ses sanctions, car il n’a pas une totale confiance en Téhéran. Cela dit, les chances sont élevées, et dans le cas d’un accord définitif, Téhéran retournera avec force sur la scène internationale. Et l’Iran a d'ores et déjà affirmé sa volonté de revenir dans le concert des nations après plusieurs années d’isolement diplomatique.

— Sur le plan géopolitique, quelles incidences aura cet accord sur le Moyen-Orient et le monde arabe, d’autant plus que Téhéran ne cache pas son ambition d’être une superpuissance régionale ?

— Sans doute, l’Iran va jouer un rôle de poids dans les crises du monde arabe et du Moyen-Orient. Depuis longtemps, il rêve de devenir une superpuissance régionale. La levée des sanctions va contribuer à sa prospérité économique : il va reprendre ses fonds gelés dans les banques étrangères et il va aussi exporter le pétrole à tous les pays du monde. Ainsi, il va retrouver son hégémonie économique. Mais il est maintenant trop tôt de pronostiquer si cette émergence iranienne va contribuer à la stabilité de la région. Pour l’heure, on peut prévoir que l’Iran va tenter de soutenir les Houthis au Yémen. Cependant, sa marge de manoeuvre au Yémen reste très limitée. Il lui est difficile par exemple d’envoyer des armes aux Houthis alors que l’offensive arabe menée par Riyad a imposé un large embargo aérien et maritime sur ce pays. Ce que Téhéran pourrait faire c’est de pousser Moscou à opposer son veto à toute résolution contre les Houthis au Conseil de sécurité de l’Onu, ou de pousser le sultanat d’Oman — voisin du Yémen — à appeler à un dialogue international pour résoudre la crise yéménite. — Qu’en est-il de l’influence iranienne en Syrie et en Iraq ?

— Pour ces deux pays, la situation est complètement différente. Téhéran pourrait y causer de graves troubles. Pourtant, je pense que Téhéran ne va pas chercher à s’attirer la foudre de l’Occident, du moins pour le moment. A court terme, Téhéran va coopérer avec les Etats-Unis pour affronter un danger commun : Daech. Après la suppression de Daech, les Américains vont laisser à Téhéran les mains libres au Moyen-Orient, car Washington veut se retirer de cette région où il a subi d’énormes pertes en Iraq et en Afghanistan. Que Téhéran soutienne le régime d’Al-Assad ou les milices chiites en Iraq, cela ne va plus intéresser les Américains. Téhéran sera l’unique maître du jeu après la disparition de Daech.

— Cela signifie-t-il que Washington va laisser les mains libres à Téhéran ?

— Bien sûr que non, Washington va intervenir en lui imposant des sanctions, mais il ne va pas intervenir militairement. N’oublions pas qu’outre les sanctions imposées à Téhéran pour le nucléaire, il y en a d’autres imposées par l’Onu pour soutien au terrorisme régional et non-respect des droits de l’homme. Les Américains pourraient lever les sanctions concernant le nucléaire pour imposer à Téhéran d’autres sanctions concernant le terrorisme. Les sanctions seront toujours une carte de pression dans les mains de Washington.

— Et les luttes sunnites/chiites ?

— La question dépasse l’antagonisme chiite/sunnite. L’Iran pense d’abord à ses propres intérêts. Il ne va jamais soutenir de chiites qui nuisent à ses intérêts. Par exemple, Téhéran soutient le Hamas bien qu’il soit sunnite. Mais bien sûr la signature de l’accord inquiète les pays sunnites, avec à leur tête l’Arabie saoudite. L’émergence d’une puissance chiite de poids comme l’Iran et son intervention dans les crises régionales sont une menace pour ces pays.

Pour calmer l’inquiétude des pays sunnites, Barack Obama a déclaré qu’il allait tenir prochainement un sommet avec les pays du Golfe à Camp David, pour rassurer ces pays de son engagement à leur procurer la sécurité et la paix.

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