Salaheddine Mezouar , Le ministre marocain des Affaires étrangères
Al-Ahram Hebdo : Quel objectif faudrait-il atteindre pour dire que l’opération Tempête décisive a accompli sa mission ?
Salaheddine Mezouar : Je préfère d’abord expliquer le pourquoi de l’opération. Il y a une partie qui a voulu imposer le fait accompli et contourner le dialogue qui était le chemin vers lequel avançait le Yémen sous la houlette de l’Onu. Il y a eu un contournement de la légitimité. Une partie a voulu prendre le pouvoir par la force. Maintenant, il y a une intervention pour rétablir la légitimité et revenir à la table des négociations en vue d’un consensus politique. Tel est l’objectif des frappes menées par la coalition.
— Ce retour à la légitimité, selon vous, comment devrait-il se manifester sur le terrain ?
— Par le retour du président Hadi et de son gouvernement et l’exercice de leur fonction et de leurs responsabilités politiques. Et ceci devrait permettre de redéclencher la dynamique politique.
— L’Egypte a proposé à la Ligue arabe la création d’une force arabe commune, cette intervention au Yémen est-elle un prélude à cette force ?
— La dernière réunion des ministres des Affaires étrangères a approuvé le principe d’une force commune. C’est une force dissuasive avant qu’elle ne soit une force d’intervention. Le principe a été admis et il faut maintenant définir le cadre, l’objectif et les moyens avec lesquels cette force sera constituée. Le travail qui va être fait dans les 3 mois suivant le sommet devrait fixer un contenu et un corps à cette proposition.
— N’aurait-il pas fallu approuver cette force avant d’intervenir au Yémen ?
— Le succès de l’opération doit déterminer la suite. Et sur le plan psychologique, elle était importante. Mais ce sont deux situations différentes. Le Yémen est un pays où l’on a voulu réimposer la légitimité face à une menace aussi de la région, donc la force a été constituée. Maintenant, est-ce qu’elle va constituer la base de la force arabe ? Je ne crois pas. Cette force a une mission, mais celle qui sera formée est une force qui devrait rester et doit être constituer dans la perspective des risques potentiels.
— Cette expérience est-elle vouée à se répéter en Libye ? Le Maroc est-il prêt à partir en coalition militaire dans ce pays ?
— Nous souhaitons que cela ne se reproduise pas. Il y a un dialogue libyen qui se passe au Maroc, les différents protagonistes ont progressé dans ce dialogue et sont d’accord à 80 ou à 90 %. Les Libyens seront encouragés par une imminente solution. A ce moment-là, il appartiendra au gouvernement de coalition tel qu’il sera mis en place avec ses institutions, de décider s’il a besoin ou non d’une force d’intervention extérieure.
— Mais le président Sissi, dans son discours au sommet, a affirmé qu’il n’est pas pensable d’attendre un consensus pour résoudre le problème, d’autant plus qu’il existe un gouvernement élu ...— Nous sommes en discussion avec nos amis égyptiens sur la question et sommes tous convaincus qu’il faudrait encourager le dialogue politique. Je crois que c’était un message du président à ceux qui veulent déstabiliser le processus politique affirmant que si vous le faites, il y aura des décisions qui peuvent être prises.
— Le Maroc préside le comité Al-Qods. Comment réagissez-vous aux critiques affirmant que le conflit arabo-israélien a reculé au profit d’un nouveau conflit dit arabo-iranien ?
— Je pense que la question palestinienne restera prioritaire pour la Ligue arabe, et ce n’est pas parce que l’on parle d’un sujet d’actualité que cette question a été oubliée. Car il n’y a pas que le sommet, il y a tout ce qui se passe au quotidien, la coordination, les pressions ... Tout ce qui se fait et ne se voit pas. Nous assumons notre responsabilité dans ce dossier.
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