Al-Ahram Hebdo, Littérature | Mohamad Al-Achri,  A la recherche d’une reine
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 19 au 25 juillet 2006, numéro 619

 

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Littérature

Dans la nouvelle Al-Bahss an maléka (A La recherche d’une reine), Mohamad Al-Achri opte pour une écriture poétique où il dépeint un univers onirique et part à la recherche d’une cité imaginaire et d’une reine qui n’existe que par la force de l’amour.

A la recherche d’une reine

Le navire mit les amarres dans le port que nous ne connaissions pas et où nous ne connaissions personne. Nous fûmes aussitôt saisis par cette odeur captivante qui s’infiltra en nous. Lors de notre randonnée dans les ruelles et les rues de cette petite ville, la fumée montait de partout et enveloppait nos têtes. Avec la sensation de voler dans les airs, nous prîmes une direction qui nous éloigna du port. Nous escaladâmes un monticule qui nous apparaissait de loin comme les résidus d’un volcan ancien. De loin, la fumée s’élevait en créant des nuages et des sillons dans le ciel comme une fumée qui s’échappait d’un gigantesque compact. Mes yeux n’arrivaient pas à se détourner de ce point lointain dans les cieux qui irradiaient en plein jour … Je regardais autour de moi, mes compagnons avaient disparu. Etonné, je voulus revenir sur mes pas, mais mes pieds me poussèrent dans la direction du monticule.

***

Je fus réconforté en posant mon regard sur le navire qui était encore là ; j’avais donc encore le temps de me promener dans cette ville que je n’avais pas visitée auparavant. Lorsque j’arrivai au monticule, une reine m’apparut dans les cieux. Les portes grandes ouvertes, le sourire éclairant son visage. Alors, j’étendis, moi aussi, grands ouverts les bras et m’élançai dans sa direction … Je le faisais en me libérant de tout ce qui, en moi, avait posé ses empreintes au fil du temps. Sans aucune attache, je m’élançai de manière naturelle dans les cieux vers la reine avec la légèreté d’un oiseau et à la vitesse d’une plume.

***

Je rencontrai sur le chemin du monticule des hommes occupés par leurs travaux et leurs commerces. Ils achetaient, vendaient et transportaient leurs marchandises constituées de poteries, d’objets en cuivre, de tissus en soie et de nourriture. J’étais surpris. Comment ne voyaient-ils pas ce que je voyais et comment n’étaient-ils pas captivés par le visage de la reine qui illuminait leurs cieux ?

Je leur fis un signe de la main pour qu’ils élèvent leur regard là-bas où se trouvait la reine. Mais en vain. Mes signes se perdirent dans la rigidité de leur regard et l’affairement de leurs préoccupations. Je fus profondément déçu de leur manque d’intérêt et m’élançai rapidement vers le monticule pour embrasser la reine dans mes bras et vivre l’instant qui me permettrait d’atteindre la dense fumée et cette odeur captivante qui engourdissait les sens.

***

Tel un illuminé, mon cœur me transporta et s’éleva vers le monde de cette reine qui emplissait les cieux. Je ne voyais personne d’autre qu’elle dans cette ville où personne ne me connaissait … Et parce que j’étais un inconnu dans cette ville, j’essayais d’ouvrir ses portes et saisir ses mystères.

***

Lorsque la reine perçut combien amoureux j’étais, elle m’aida et me permit de l’approcher. Elle me combla de ses trésors. Je fus transporté et rasséréné. Je me trouvais à l’intérieur de cette dense fumée et mes esprits se perdaient dans cet engourdissement qui m’enveloppait.

Je ne respirais plus, gardais précieusement en moi le bonheur de ce que je vivais et priais Dieu de ne jamais quitter ce moment.

***

Combien de temps passa … Combien de vie s’écoula alors que j’étais ainsi. Je ne le savais. Les jours heureux n’ont ni jours ni nuits. Ils ne portent qu’un sentiment de paix et de joie, en dehors des temps.

***

Je m’installai devant elle et lui racontai ce qu’il en était de moi et de ce que j’avais vécu. J’ouvris le sac de mes peines et le posai entre ses mains. Je lui racontai ce que je n’avais osé dire. Elle rit et me caressa les épaules. Je fus guéri de ma tristesse et mes peines s’évaporèrent dans ce charme qui l’enveloppait.

Je lui demandai :

— Pourquoi personne ne m’avait aperçu dans ta ville ?

Elle rit :

— Tu viens pour moi seule.

Elle me raconta ce qu’il en était de sa mère. Elle me raconta ce que je n’avais jamais entendu. Ses histoires étaient comme des légendes qui m’étaient totalement inconnues. J’étais envoûté par sa manière captivante de narrer avec cette spontanéité et ce savoir-faire qui touche et le cœur et l’esprit.

***

Auparavant, mon intérêt pour la science m’avait transporté au loin … Au loin, au-delà de la réalité. Et les vagues successives de la vie m’élevaient rapidement et me ramenaient vers le bas le plus vite possible tel un tapis volant qui navigue au gré des vents. Sans pouvoir être stable ou tenir quelque chose de réel qui pouvait me faire revenir à terre.

***

Je m’asseyais sur le monticule et laissai libre cours à mes pensées. Je revins à mon pays et me vis tel que j’étais sans aucun changement. Rien d’autres que des histoires que se racontaient les gens avec de l’étonnement dans les yeux à cause de ce jeune homme qui avait vaqué dans le monde de la reine.

***

Dans les nues et les esprits ailleurs, je ne prêtais attention à personne. Je volais en marchant, léger comme si j’étais sans poids et sans aucune attache me forçant à calmer le pas.

***

Je revins vers la reine que je trouvais embarrassée et confuse. Je lui en demandai la raison, elle s’enfonça plus dans son silence. Je fus ensuite surpris de l’entendre rire hystériquement. J’essayai de l’interrompre pour comprendre ce qui en était, mais elle ne se laissa pas amadouer.

Je vis le rire se mêler à la fumée et monter dans les cieux. Je vis toute la ville rire à la suite de sa reine. J’entendis également les esclaves, leurs instruments de musique en mains, chanter et danser. Je vis une atmosphère théâtrale remplir la ville, partout dans ses rues et ses ruelles.

***

La reine déclara qu’elle me prendrait pour mari, ce soir. Je m’évanouissai de joie et de l’effet de la nouvelle et de la rapidité de la décision.

***

Dès que je repris mes esprits, je ne trouvais plus le monticule, je ne retrouvais plus la reine et n’étais plus saisi par cette odeur qui m’avait endolori.

Le navire qui transportait mes compagnons et ma famille était sur le point de partir. Je m’arrêtai sur le quai à le contempler alors qu’ils m’incitaient, tous à y monter. Sans aucune volonté, je retournais en arrière en ignorant l’appel du navire, pour revenir à la ville et retrouver le chemin de ce monticule que je ne voyais plus et de cette odeur qui m’emplissait encore les poumons. J’allais et venais dans les rues à la recherche de la reine dont je ne connaissais pas de demeure et qui était inconnue des gens quelle que soit la direction que j’empruntais.

***

Je devins l’esclave de ce que me dictait mon désir. Hagard, chercheur assidu sans aucun autre désir que celui de retrouver le chemin de ce souterrain empli de mystères dans les tréfonds du cœur.

Traduction de Soheir Fahmi

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Mohamad Al-Achri

Né en 1967, géologue de formation, son penchant pour l’écriture littéraire est né depuis son jeune âge. Il a publié quatre romans : Ghadet al-assatir al-haléma (La Dame des légendes oniriques), aux éditions Qossour al-saqafa, en 1999, Nabée al-zahab (La Source de l’or), GEBO, en 2000, Toffahet Al-Sahara (La Pomme du désert), Markaz al-hadara en 2001 et Halet al-nour (L’Auréole de lumière), Markaz al-hadara en 2002. Il a reçu le prix du Club de la nouvelle en 1999 et celui des Palais de la culture en 2000-2001.

 

 




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