L’escalade de la violence, au Liban comme
dans la bande de Gaza, semble désormais ne plus vouloir
s’arrêter, partout est dénoncé l’acte de guerre disproportionné
d’Israël. Les manchettes de la presse cette semaine témoignent
de la gravité de la situation au Liban : « Israël envahit le
Liban », « Le Liban s’enflamme et nos dirigeants restent
silencieux », « Israël met le feu au Liban et menace
d’assassiner Nasrallah », « La guerre d’Israël pour occuper le
Liban pendant 20 ans », « Une guerre israélienne contre le Liban
», « L’Egypte met en garde contre le retour de la guerre », «
Des pluies de Gaza au vent du Liban », « Dangereuse escalade de
l’ennemi israélien contre le Liban », « Une guerre totale au
Sud-Liban », « Une guerre ouverte », « Guerre ouverte et
Nasrallah menace de l’après-Haïfa », « Le Liban s’embrase ». Et
le quotidien Al-Ahrar titre : « La guerre menace la région », «
Les Etats-Unis menacent la Syrie, et Israël se lance contre le
Liban et la Palestine ».
L’attaque, au cours de laquelle le Hezbollah
a capturé deux soldats israéliens et tué huit autres, « est un
message clair adressé au monde, resté sourd aux gémissements
provenant des territoires palestiniens occupés, théâtre de
massacres quotidiens et de campagnes d’extermination », écrit
pour sa part le quotidien émirati Akhbar Al-Arab. Mais la
capture « sur le champ de bataille » d’un soldat israélien par
le Hamas et de deux autres par le Hezbollah, « est un droit
légitime » et une affaire « qui ne nécessite pas une guerre
généralisée », souligne le quotidien Al-Watan, d’Arabie saoudite.
Plus critique vis-à-vis du Hezbollah, Karam Gabr écrit dans le
quotidien Rose Al-Youssef : « Je ne soutiens pas le Hezbollah,
qui sera toujours une épine dans la stabilité du Liban. Mais ce
qu’a fait Israël dépasse toutes les limites : on ne peut
détruire l’infrastructure d’un pays, tuer des civils, couper les
routes par les raids, uniquement à cause de l’enlèvement de deux
de ses soldats ! ». « Israël détruit le Liban pour le compte des
Américains, et le Hezbollah détruit le Liban au détriment du
peuple libanais, Israël ne payera pas la facture et le Hezbollah
ne supportera pas le fardeau : les deux ont commis des crimes
contre le Liban, alors que son peuple ne cherche que la vie et
la liberté ». C’est la raison pour laquelle l’écrivain libanais
Radwane Al-Sayed s’interroge dans le quotidien saoudien Al-Charq
Al-Awsat : « Le problème est-il celui d’Israël ou bien celui du
Hezbollah ? ». D’où la couverture de l’hebdomadaire Octobar : «
La guerre des otages : Hezbollah l’a allumée, Israël l’a
enflammée et le Hamas essaye de calmer le jeu ».
Au Qatar, le quotidien Al-Raya avertit que la
nouvelle escalade militaire israélienne au Liban « complique
davantage » la situation au Proche-Orient, estimant qu’il
revenait au Conseil de sécurité d’« obliger Israël (...) à
libérer les prisonniers au lieu de lui donner des prétextes, en
exerçant des pressions sur le Liban et les Palestiniens ». «
L’agression contre le Liban (...) ne règle pas le problème et ne
va pas dissuader ceux qui œuvrent pour le rétablissement de
leurs droits », note le quotidien Al-Watan, de Doha.
L’écrivain Hoda Al-Husseini parle même dans
le quotidien saoudien Al-Charq Al-Awsat de déclaration de
guerre. « Si Israël est incapable d’agir pour alléger les
pressions américaines sur la Syrie, cette dernière ne cédera pas
face à Israël pour faire partir Khaled Mechaal de son territoire.
Il est vrai que pour la Syrie, Mechaal est l’ultime carte pour
d’éventuelles négociations. Mais la Syrie ne supportera pas
cependant que Khaled Mechaal soit assassiné sur son territoire,
car il s’agirait presque d’une déclaration de guerre, où le
soutien arabe sera loin d’être assuré ».
Sur la question des prisonniers, le quotidien
de Doubaï Al-Bayane écrit sous le titre « L’arrogance
israélienne, source du malheur » que « l’espoir est que la
secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice et le secrétaire
général de l’Onu Kofi Annan appellent à une libération de tous
les prisonniers, et non des seuls prisonniers israéliens ».
Unification des efforts
De nombreux analystes et commentateurs, comme
l’écrivain Salah Eissa, dans le quotidien d’opposition Al-Wafd,
appellent le monde arabe à une unification des efforts. « Le but
israélien est clair : faire tomber le gouvernement Hamas à Gaza,
et détruire les forces militaires du Hezbollah. Aujourd’hui, il
est de notre devoir de nous mobiliser afin que la tempête de feu
au Liban et à Gaza ne se propage pas dans le reste de la région.
Nous devons épuiser tous nos efforts pour adopter une position
arabe commune. Il s’agit de placer la résistance dans un
contexte autre que celui des calculs des partis, ou même celui
des petits calculs régionaux », souligne-t-il.
Mohamad Barakat dénonce dans le quotidien Al-Akhbar
le coma dans lequel est plongé le monde. Il affirme : « Le feu a
commencé à brûler le Liban, non seulement au sud du pays. Le
Liban est devenu l’objectif direct des frappes israéliennes qui
ne s’arrêtent pas. Et en même temps, les victimes palestiniennes
continuent à tomber à Gaza sous les balles israéliennes. La
conscience de la communauté internationale, quant à elle, est
toujours plongée dans un profond coma. Rien n’a été fait pour
les Palestiniens, alors comment espérer le moindre mouvement
contre les crimes commis par Israël au Liban ? Malheureusement,
nous devons comprendre que l’inconscience est mondiale ».
Alors que l’éditorialiste Abdel-Monçef Ismaïl
accuse directement dans le quotidien Al-Ahrar : « Le silence
arabe et international face aux crimes et plans sionistes rend
la situation explosive au Liban. Le silence arabe et
international exprime la faiblesse à faire face au terrorisme
sioniste et aux fusées d’Olmert. Mais le silence du plus faible
a toujours une fin, même si sa patience se transforme parfois en
une recherche du choix de la paix. Ne croyez pas cependant que
le faible doit toujours mourir faible, car la faiblesse peut un
jour se transformer en une force non négligeable pour défendre
son droit ».
Sur un ton très critique, Magdi Méhanna, dans
le quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom, s’interroge sur
l’impartialité de l’Egypte : « Pourquoi cette indifférence de
l’Egypte sur les événements graves du Liban ? Oublions donc le
langage du silence, sans toutefois entrer dans une guerre contre
Israël. L’Egypte est devenue sans couleurs, ni goût, et son
indifférence est devenue sa position officielle ».
Très sévère, le quotidien d’opposition Al-Wafd
parle « du jour de la colère », où « Les peuples sont aux côtés
du Liban, et les gouvernements avec Israël ». Et le quotidien
nassérien Al-Arabi n’hésite pas à titrer : « Le scandale des
dirigeants arabes ». Dans cet hebdomadaire, l’éditorialiste
Abdallah Al-Sennawi regrette que « L’Egypte se défait de son
rôle régional, reste timide à dénoncer l’agression israélienne
au Liban, comme si elle égale entre l’appareil de guerre
israélien et le Hezbollah, ou entre l’ennemi et la résistance ou
encore entre les Israéliens et les Arabes ». Restons réaliste,
le bombardement intensif du Liban ne peut que faire craindre le
pire dans la région. C’est pourquoi « il faut rapidement une
réaction arabe pour contrer les plans israéliens », comme
l’affirme Abbass Al-Tarabili, dans son éditorial d’Al-Wafd.
Hoda Ghali