Al-Ahram Hebdo, Monde | Au gré des intérêts
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 Semaine du 19 au 25 juillet 2006, numéro 619

 

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Nucléaire . Bien que confrontés à une même menace, celle de la prolifération nucléaire que ce soit en Iran ou en Corée du Nord, les Etats-Unis adoptent deux politiques complètement disparates.

Au gré des intérêts

Les dernières évolutions, survenues cette semaine sur la scène politique concernant les crises nucléaires iranienne et nord-coréenne, ont mis bien à nu la dualité d’une politique américaine motivée toujours par ses intérêts politiques et ses convoitises économiques. Face à deux pays de « l’axe du mal » qui présentent, selon les Etats-Unis, la même menace, l’attitude américaine n’est pas tout à fait la même. Au moment où ils ont opté pour la diplomatie et le dialogue, jusqu’à la dernière minute, avec la Corée du Nord, les Etats-Unis ont usé de toutes leurs forces pour rassembler un consensus international contre un pays qui tâtonne encore son chemin pour se forger une place entre les puissances nucléaires, à savoir l’Iran.

En fait, Washington a réussi, en quelques mois, à faire du dossier nucléaire iranien le dossier le plus chaud de la planète. Et voilà qu’après 15 mois d’activités diplomatiques intenses entre Européens et Iraniens, les Etats-Unis ont marqué un point, en persuadant, la semaine dernière, les grandes puissances du monde de renvoyer le dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l’Onu. Une décision qui ouvre la porte à des sanctions contre la République islamique. Coup sévère pour Téhéran.

Selon les experts politiques, la décision des grandes puissances était essentiellement motivée par l’attitude dilatoire et les atermoiements répétés du régime iranien qui a refusé d’avancer une réponse rapide à l’offre européenne qui lui était présentée le mois dernier. Cette offre visait à convaincre Téhéran de renoncer à ses activités d’enrichissement d’uranium en contrepartie d’une série d’avantages économiques et diplomatiques. Une réponse de Téhéran à cette offre était exigée avant le début du sommet du G8, samedi dernier, à Saint-Pétersbourg, alors que Téhéran insistait à n’y répondre que le 22 août prochain. « En fait, cette offre n’était qu’un piège bravement tendu à l’Iran. Sûr que le régime iranien va la refuser ou au moins en atermoyer la réponse, Washington comptait saisir l’occasion pour prouver au monde les mauvaises intentions de l’Iran et par suite la crédibilité de ses soupçons quant à l’objectif militaire du programme nucléaire iranien. Or, pourquoi prendre tout ce temps pour étudier une offre si alléchante ! », analyse le Dr Mohamad Al-Saïd Idriss, expert politique et rédacteur en chef de la revue mensuelle Mokhtarat iraniya. Une fois leur objectif atteint, les leaders américains pourraient bien s’endormir. Le cauchemar d’un Iran indomptable ne va plus perturber le sommeil du président Bush. Vendredi matin, des leaders américains chantaient leur victoire d’avoir rallié la Russie et la Chine, deux alliés fidèles de Téhéran, à l’idée d’imposer des sanctions contre l’Iran : « Enfin, la stratégie américaine lancée en mars 2005 contre le programme nucléaire iranien a commencé à porter ses fruits », s’est félicité un haut responsable du département d’Etat, ajoutant, sur un ton ironique, que « les Iraniens pensaient qu’ils allaient pouvoir semer la division entre la Russie et la Chine d’un côté et les Etats-Unis et les Européens de l’autre, mais ils n’ont pas réussi ».

De toute façon, cette unité du monde ne doit pas perturber Téhéran, car en fin de compte ce ralliement de Moscou et de Pékin à la communauté internationale ne signifie pas un changement dans leur politique vis-à-vis de Téhéran. Cette semaine, ils ont réaffirmé leur opposition à tout recours à la force contre Téhéran, et ont même rejeté les sanctions économiques. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’était même formellement opposé, vendredi dernier, à des sanctions contre l’Iran. « Toute sanction économique contre l’Iran va nuire aux intérêts de Moscou et de Pékin dans ce pays, car l’industrie nucléaire russe est très impliquée en Iran. Quant à la Chine, elle importe la plupart de son pétrole de l’Iran. Il s’agit d’un jeu d’intérêts réciproques », analyse Hicham Ismaïl, professeur à la faculté des sciences politiques, de l’Université du Caire. Intérêts. Tel est le mot qui a valu à l’Iran l’hostilité de Washington, comme il lui a valu le soutien de Moscou et de Pékin.

Or, pourquoi déchaîner toute cette guerre féroce contre l’Iran et pas contre la Corée du Nord, s’il ne s’agit pas d’un jeu économique bien rentable pour Washington ? N’oublions pas que l’Iran est l’un des premiers exportateurs du pétrole dans le monde. Bien plus, il est situé dans la région du Golfe, une région où toute tension pourrait bien bouleverser l’économie mondiale et hausser les prix du pétrole. Autre facteur qui a contribué à mettre l’Iran dans la ligne de mire de Washington, c’est l’hostilité entre l’Iran et l’Etat hébreu. « Israël fait toujours pression sur Washington pour qu’il adopte une politique plus ferme vis-à-vis du régime iranien qui ne cesse de nier l’holocauste, de menacer de rayer Israël de la carte », analyse Mohamad Al-Saïd Idriss. Un facteur de plus, c’est que les Etats-Unis jugent l’Iran en partie responsable des violences en Iraq et en Afghanistan, et l’un des principaux pays soutenant le Hezbollah, ennemi farouche d’Israël et de Washington, qui l’ont classé dans la liste des organisations terroristes.

La Corée n’est pas un enjeu

Petit pays à faible démographie, n’ayant pas la même importance stratégique que l’Iran, très pauvre en ressources, souffrant de famines il y a de longues années, Pyongyang ne mérite pas d’être dans la ligne de mire du régime américain. « Washington réalise bien que détenir l’arme nucléaire n’est pas un objectif en soi pour le régime stalinien. Elle n’est qu’un simple moyen pour faire des chantages : recevoir des subventions économiques, faire reconnaître son régime politique par toute la communauté internationale, recevoir des aides techniques, etc. », explique Mohamad Abdel-Salam, expert à l’unité militaire au Centre des études politiques et stratégiques d’Al-Ahram. Grande donc est la différence entre une bombe nucléaire dans les mains d’un pays pauvre qui ne trouve pas de quoi vivre et la même bombe dans les mains d’un régime considéré comme islamiste fanatique, qui une fois la possédant, ne cherchera qu’à détruire ses deux ennemis par excellence : Israël et les Etats-Unis.

La chose étant, les Etats-Unis n’ont joué qu’un rôle de second plan dans le renvoi du dossier nucléaire nord-coréen au Conseil de sécurité. La résolution, samedi dernier, imposant à Pyongyang des sanctions ciblées sur ses activités liées à ses programmes d’armement à la suite de ses tirs d’essai de missiles le 5 juillet, n’était pas motivée par Washington cette fois-ci mais plutôt par Tokyo, avec le soutien de Washington.

En réponse, la Corée du Nord a menacé dimanche de renforcer « sa force de dissuasion militaire d’autodéfense de toutes les manières possibles », selon le ministère nord-coréen des Affaires étrangères. La semaine dernière, le Japon avait soumis au Conseil un projet de résolution imposant des sanctions à la Corée du Nord, à la suite de ses essais dans la mer du Japon. Premier intéressé en raison de sa proximité géographique avec la Corée du Nord, Tokyo avait au départ insisté sur une mention de l’article 7 de la Charte des Nations-Unies permettant, en cas de non respect, le recours à la force, mais a ensuite opté pour le compromis face à l’opposition de Pékin et de Moscou. « Tokyo craint d’être le premier à être attaqué par sa voisine, même s’il est en mesure de se défendre », explique Hicham Ismaïl.

Pour signaler sa présence au sein du dossier nord-coréen, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice s’est contentée, de dire, dimanche, lors du sommet du G8, que la condamnation unanime de la Corée du Nord par le Conseil de sécurité « allait forcer Pyongyang à retourner à la table des négociations ». Même après la résolution du Conseil de sécurité des Nations-Unies, condamnant la Corée du Nord, l’ambassadeur américain John Bolton, n’ayant que l’Iran pour cible, s’est hâté de souligner : « Cette décision va aià envoyer un message fort à l’Iran. Je pense que l’Iran devrait jeter un œil à cette résolution et constater que l’ensemble du Conseil de sécurité, dont ses cinq membres permanents, était unanime », a-t-il dit sur un ton menaçant.

Finissant avec Pyongyang, l’attention du Conseil de sécurité va se porter, la semaine prochaine, sur l’Iran et son programme nucléaire. Les Etats-Unis espèrent une action rapide pour l’adoption d’un projet de résolution qui imposerait la suspension des activités d’enrichissement d’uranium. De toute façon, le marathon diplomatique n’est pas encore terminé : les six puissances ne sont pas encore tombées d’accord sur des sanctions spécifiques contre Téhéran, et une réunion la semaine prochaine au niveau des directeurs politiques décidera de l’avenir de Téhéran. A suivre ... .

Maha Al-Cherbini

 




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