En visite en Egypte les 19 et 20 avril,
le président Jacques Chirac s’exprime sur les relations bilatérales et la politique de la France au Moyen-Orient, notamment en Iraq et en Syrie.« La France est déterminée à faire le pari gagnant de l’Egypte »
Interview accordée à Paris à Ossama Saraya
Rédacteur en chef du quotidien Al-Ahram
Al-Ahram : Votre visite en Egypte intervient à une période très agitée dans la région du Moyen-Orient, quel est son objectif ?
Jacques Chirac : Cette visite a un double objectif. Il s’agit en premier lieu de donner une nouvelle impulsion à nos excellentes relations bilatérales, cimentées par une longue histoire et des liens d’amitié solides et confiants entre dirigeants, nourries d’échanges fréquents et à haut niveau qui ont désormais conduit à des consultations diplomatiques globales. Mon dernier voyage ici remonte à près de quatre ans. Depuis lors, l’Egypte a connu d’amples mutations. Confrontée à de grands défis, elle a fait le choix de la modernisation et de l’ouverture. La France souhaite l’accompagner dans cette voie. C’est donc le moment de faire le point sur notre coopération pour lui donner une nouvelle dynamique, dans le domaine culturel comme dans le domaine économique.
Par ailleurs, vous connaissez le contexte international actuel, où se multiplient les tensions dans la région et les motifs d’incompréhension entre peuples appartenant à des univers culturels différents. L’Egypte est un grand pays qui joue un rôle essentiel à la stabilité du Moyen-Orient, mais aussi de la Méditerranée et de l’Afrique. C’est pour nous un partenaire global et constructif, au service de la paix, de la stabilité et du développement. Il est donc important que nos deux pays se concertent en permanence. Ma visite sera l’occasion de confronter nos vues et de voir comment agir face aux défis nouveaux.
— La France fait partie des cinq premiers pays investisseurs en Egypte. Quels sont les nouveaux projets économiques que vous entendez discuter avec le président Moubarak ?
— La France est aujourd’hui le troisième partenaire commercial de l’Egypte (en 2005). Pour la seule année 2005, notre commerce bilatéral — importations et exportations — a augmenté de 50 %. Ce résultat traduit en particulier la mise en œuvre du contrat de fourniture de gaz liquéfié signé par Gaz de France, le plus important jamais conclu entre nos deux pays. Avec ce contrat, l’Egypte va assurer environ 10 % des besoins français en gaz, se taillant ainsi une place essentielle dans la couverture de nos besoins énergétiques. C’est un bel exemple de coopération industrielle qui va en outre assurer le rééquilibrage des échanges commerciaux entre nos deux pays. Par ailleurs, la France est aussi très présente dans le secteur des services. Nos entreprises mènent en effet une politique d’implantation sur le marché égyptien dans une très large gamme d’activités, comme le tourisme, la distribution, les transports et les services informatiques et financiers.
Enfin et surtout, la France est devenue le deuxième investisseur étranger en Egypte (en 2005, en flux), après les Etats-Unis, avec environ 90 entreprises présentes employant près de 36 000 Egyptiens avec près de deux milliards d’euros de participations. Un nombre toujours croissant d’investisseurs français est attiré par cette Egypte en croissance, placée au carrefour de plusieurs zones de libre-échange. Une Egypte qui s’ouvre et se libéralise, ce qui transforme rapidement le climat général des affaires.
S’agissant des projets concrets, je vais naturellement évoquer avec le président Moubarak celui de la construction de la troisième ligne de métro du Caire, pour laquelle les entreprises françaises ont tant d’atouts, et à laquelle la France est prête à apporter une importante contribution. C’est dire que la France est déterminée à faire le pari gagnant de l’Egypte. Pour entretenir cette dynamique, je serai accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires avec lesquels j’installerai, au sein de la technopole ultramoderne du « Qariya zakiya » (village intelligent), le Conseil présidentiel France-Egypte des affaires, dont la mission sera de conforter la dimension partenariale de nos relations. Nous évoquerons également la perspective de l’intervention en Egypte de l’Agence française de développement.
— Vous allez inaugurer l’Université française en Egypte. Comment envisagez-vous son rôle dans le maintien du dialogue des cultures entre la France et l’Egypte, d’un côté, et la France, l’Egypte et le monde, de l’autre ? Et quels sont les aspects de coopération dans le domaine de l’éducation que vous allez discuter en Egypte ?
— Je suis convaincu de la nécessité d’un dialogue des cultures. Par conviction personnelle d’abord : j’aime et je connais un peu l’histoire du Moyen-Orient, de ses civilisations. Cette connaissance de l’histoire m’a conduit tout naturellement à en respecter les hommes. Quand on respecte les hommes, on les comprend mieux. Et les gens voient bien quand on les respecte et quand on ne les respecte pas. De ce point de vue, les échanges culturels et linguistiques sont en effet essentiels pour entretenir la fraternité entre les peuples des deux rives de la Méditerranée.
A cet égard, l’inauguration officielle de l’Université française d’Egypte constituera l’un des temps forts de ma visite. Cette université égyptienne de langue française, en projet depuis une dizaine d’années, en fonction depuis maintenant trois ans, a su conquérir un public et asseoir sa réputation par la qualité de ses enseignements. C’est la seule institution égyptienne où le français soit langue d’enseignement, au même titre que l’arabe ou l’anglais. Les études y sont sanctionnées par des diplômes délivrés à la fois par l’UFE, mais aussi par des universités françaises, ce qui permettra aux étudiants de poursuivre plus facilement des études en France ou en Europe. Il va de soi que de tels diplômes constituent une voie privilégiée pour faire carrière, notamment dans ces entreprises françaises qui s’implantent en nombre croissant dans votre pays.
Au-delà, l’Egypte et la France sont unies par des liens culturels d’une nature et d’une force particulières que cette visite permettra de renforcer. L’Egypte fascine la France, elle est sa part de rêve. Que serait notre capitale sans l’obélisque de la Concorde offert par Mehmet Ali ? De son côté, la France a porté et porte le meilleur d’elle-même en Egypte. Champollion, en perçant le mystère des hiéroglyphes, a contribué à restituer leur passé aux Egyptiens. Au siècle dernier, les Français ont contribué à l’industrialisation et à la modernisation de l’Egypte dans tous les domaines, agriculture, médecine, enseignement ... Aujourd’hui, la passion égyptienne continue d’habiter la France. Notre coopération archéologique reste sans équivalent. Cette fascination s’exerce non seulement sur les égyptologues, mais aussi sur tout le grand public. 500 000 touristes français se rendent chaque année en Egypte. Des milliers de Français expatriés y vivent. Tous ces éléments contribuent de façon essentielle à la richesse de notre relation, par-delà la Méditerranée.
— Comment envisagez-vous les relations avec les musulmans en France dans le cadre des confrontations internationales contre l’islam qui se passent aujourd’hui ?
— La façon dont vous posez cette question est très significative, me semble-t-il, des risques d’amalgames ou de confusion dans lesquels on tombe trop souvent lorsqu’on évoque les relations entre chrétiens et musulmans, Orient et Occident, Sud et Nord.
—Je ne crois pas qu’il y ait confrontation entre le monde arabo-musulman et le reste du monde de tradition chrétienne ou judéo-chrétienne. Je ne crois pas à la fatalité d’une guerre des civilisations ou des cultures. Les prophètes de mauvais augure qui l’annoncent cherchent, dans le cadre d’un monde où nos destins deviennent solidaires, à globaliser des problèmes qui n’ont rien à voir entre eux. En fait, c’est plutôt d’un choc des ignorances que d’un choc des civilisations qu’il s’agit. Mais parce que le piège des amalgames existe, nous devons promouvoir l’esprit de tolérance et de dialogue, le respect de l’autre, l’éducation et la culture, de ême que l’affirmation des valeurs humanistes. C’est d’autant plus nécessaire que les peuples n’ont pas été préparés à la cohabitation des cultures à laquelle nous conduit la mondialisation, et que cela exige des précautions.
A cet égard, je comprends que la publication en Europe de certaines caricatures ait suscité l’incompréhension et la réprobation chez de nombreux musulmans. Au cours de cette crise, j’ai affirmé la position de la France en condamnant toutes les provocations manifestes, susceptibles d’attiser les passions et de blesser dans la foi et les croyances. J’ai insisté sur le fait que la liberté d’expression, qui constitue un des piliers de notre République, devait s’exercer dans un esprit de responsabilité et reposer également sur les valeurs de tolérance et de respect. J’ai parallèlement condamné les violences qui se sont exercées à l’encontre de ressortissants européens ou de missions diplomatiques. De tels actes étaient inacceptables et ont fait le jeu des extrémistes.
Pour sa part, et j’en viens ainsi à l’autre aspect de votre question, la France respecte toutes les religions et toutes les convictions. L’islam, qui est effectivement devenu la deuxième religion pratiquée dans notre pays, y a toute sa place. Beaucoup de musulmans de France ont d’ailleurs la nationalité française. La tradition de pluralisme religieux qui est celle de la France appelait toutefois une organisation particulière pour assurer la coexistence harmonieuse entre toutes les religions et croyances. Ainsi avons-nous fait le choix de la laïcité qui signifie neutralité de l’Etat et de ses institutions, non pour nier la réalité ou les droits des religions, mais au contraire pour leur permettre de vivre ensemble. Dans ce cadre, la France est exemplaire, les musulmans y bénéficient d’une entière liberté de pensée, de conscience et de culte comme ceux qui pratiquent d’autres religions et surtout les religions du Livre.
— Votre point de vue et celui du Président Moubarak sur le combat contre le terrorisme sont très proches, comment envisagez-vous la coopération avec l’Egypte pour combattre ce fléau ?
— Le terrorisme, c’est la barbarie. La France l’a toujours condamné sous toutes ses formes et d’où qu’il vienne car rien ne peut le justifier. Le terrorisme est un phénomène qui a des causes diverses et que l’on trouve hélas sur de nombreux continents. Le monde musulman en est la première victime. Durant la série d’attentats qui ont touché l’Egypte en 2004 et 2005, la France a marqué sa solidarité avec votre pays et exprimé sa vive sympathie aux familles des victimes de ces actes inhumains. Elle soutient également les initiatives diplomatiques de l’Egypte pour unir les efforts de tous dans la lutte contre le terrorisme, dans le cadre des Nations-Unies et lors du sommet de Barcelone. J’espère que l’Egypte pourra à son tour progresser vers l’adoption de la convention globale de l’Onu contre le terrorisme.
— Pendant des années vous avez maintenu un dialogue continu avec le président Moubarak sur les problèmes du Moyen-Orient. Comment coordonner vos efforts en vue de faire sortir la région de son cercle infernal de violence ?
— Il n’y a pas de solution à ce problème des relations entre Israël et les Palestiniens en dehors d’un accord, qui ne peut venir qu’après un dialogue. Depuis de longues années, nous disons que la paix dans la région passe par l’émergence de deux Etats vivant côte à côte dans le respect de la dignité de chacun et dans la sécurité. La France, amie du peuple palestinien et d’Israël, souhaite que le premier puisse rapidement concrétiser son aspiration légitime à la création d’un Etat souverain et que le second trouve la sécurité à laquelle il a droit.
Mais nous savons aussi que seule la négociation permettra de progresser, et que rien de durable ne se construit sur la violence. C’est pourquoi la France et l’Egypte ont toujours appuyé les efforts accomplis depuis Oslo pour aboutir à une solution négociée, donc durable. Elles ont soutenu les efforts du Quartette pour promouvoir une solution équilibrée et réaliste, dans le cadre de la feuille de route. Elles ont soutenu de façon constructive le retrait israélien de Gaza qui, au-delà de sa dimension unilatérale, devait constituer un pas dans la mise en œuvre de la feuille de route. Je veux rendre un hommage particulier au rôle joué par l’Egypte à Gaza. Aujourd’hui, les élections israéliennes étant passées, la communauté internationale doit se réimpliquer fortement. Nous allons naturellement y réfléchir ensemble.
— La victoire du Hamas dans les élections en Palestine a suscité l’opposition de nombreux pays, notamment Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne. Vous avez appelé le Hamas à renoncer à la violence. Mais Israël continue à pratiquer la violence contre les Palestiniens. Quelle est la position de la France vis-à-vis de la politique israélienne ? Peut-on encore sauver le processus de paix ?
— Des élections démocratiques ont eu lieu et les Palestiniens ont choisi. La France respecte ce choix. En revanche, la question de l’assistance à l’Autorité palestinienne se pose avec l’arrivée au pouvoir du Hamas, inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes pour avoir préconisé et pratiqué le terrorisme comme forme normale de l’action politique. A cet égard, la position de la France est identique à celle des membres du Quartette. Tout contact avec le gouvernement du Hamas passe par le respect de trois principes : la reconnaissance d’Israël, la renonciation à la violence et la reconnaissance des accords signés entre l’OLP et Israël, en particulier les accords d’Oslo. Nous savons également que la situation dans les territoires palestiniens est très difficile et que le maintien de l’aide internationale est nécessaire. Aussi l’Union européenne, qui est depuis les accords d’Oslo le premier bailleur de fonds dans les territoires, a-t-elle décidé de poursuivre toute son aide humanitaire, qui passe par l’UNRWA et les ONG, ce qui représente environ la moitié de l’aide jusqu’alors accordée. S’agissant du reste, c’est-à-dire de l’aide directe à l’Autorité palestinienne, nous sommes dans une phase de réexamen. Nous allons y procéder avec le souci de répondre aux besoins impérieux des populations. Bien entendu, je traiterai en détail de ce problème avec Mahmoud Abbass, que je recevrai à Paris à la fin de ce mois.
Dans l’immédiat, nous appelons le Hamas à comprendre que la voie de la violence est sans issue et à poursuivre sa transition vers l’action politique, en continuant de respecter la trêve et en s’engageant dans un processus de renonciation à la violence et de reconnaissance d’Israël. Il a accepté de prendre part aux élections, il lui faut désormais aller jusqu’au bout de cette logique. Il n’existe pas d’alternative.
Mais nous disons aussi aux Israéliens qu’il faut écarter la tentation de l’unilatéralisme, cesser les assassinats ciblés et la poursuite de la colonisation. Une paix juste et durable dans la région ne pourra pas être imposée par l’une ou l’autre des parties. Au bout du compte, il n’y a pas d’alternative à la reprise de réelles négociations. J’appelle donc les deux parties à faire les gestes nécessaires pour qu’elles reprennent.
— La violence continue en Iraq, ce qui menace ce pays d’une guerre civile meurtrière. L’Iraq peut-il être sauvé d’un éventuel partage ?
— Le peuple iraqien est un vieux peuple, héritier d’une vieille civilisation et il est un peu divisé, traditionnellement. Tout le problème, c’est qu’il faut privilégier ce qui le rassemble et essayer d’éviter ce qui le divise. Là comme ailleurs, la logique sécuritaire ne peut à elle seule ramener la paix. Plus que jamais, je crois qu’un Iraq uni, souverain, démocratique et stable, vivant en bonne intelligence avec ses voisins, est indispensable à la paix. Un conflit intercommunautaire aurait des répercussions dramatiques, et en Iraq et au-delà. Mais il n’y a pas de fatalité qui nous y entraîne. Les Iraqiens peuvent encore et doivent se rassembler sur la base d’un pacte national qui garantisse l’intégrité du pays et permette à chacun de trouver sa place dans les nouvelles institutions.
Pour parvenir à un consensus entoutes les familles du pays, un engagement positif des Etats voisins est nécessaire. S’ils jouent collectivement un rôle constructif pour aider l’Iraq à préserver son unité nationale et construire un Etat de droit, alors tout redevient possible. C’est pourquoi l’initiative de réconciliation de la Ligue arabe doit être encouragée et a reçu le plein soutien de la France. Bien que la force multinationale soit déployée en Iraq conformément à la résolution 1 546 des Nations-Unies, cette présence étrangère suscite l’hostilité d’une partie de l’opinion iraqienne. Cette question est cruciale pour le succès du dialogue national. Si un horizon était fixé pour son départ, alors les Iraqiens pourraient plus facilement entrer dans une logique de responsabilité.
— Vous souhaitez, ainsi que le président Moubarak, que l’AIEA se prononce en faveur d’un Moyen-Orient libre d’armes de destruction massive. Comment peut-on réaliser cela alors que l’Iran insiste à poursuivre son programme nucléaire et qu’Israël continue sa politique nucléaire d’opacité ?
— L’attitude actuelle de l’Iran est une source d’inquiétude pour la région et l’ensemble de la communauté internationale. Bien entendu, nous ne mettons pas en cause le droit légitime de ce pays à l’énergie nucléaire civile, dès lors qu’il respecte ses engagements en matière de non-prolifération. Or, l’AIEA a constaté que ses activités nucléaires avaient été conduites dans la dissimulation. Par ailleurs, l’Iran poursuit un programme de missiles inquiétant.
Lorsque nous avons eu connaissance que l’Iran violait ses engagements, nous avons cherché, avec nos partenaires européens, à résoudre ce problème par la négociation. Ce fut l’accord de Paris de novembre 2004 sur la suspension des activités de conversion et d’enrichissement. Les Européens ont alors proposé à l’Iran un vaste programme de coopération comportant en particulier une aide au nucléaire civil. Les décisions des dirigeants iraniens, en août 2005 et janvier 2006, de reprendre unilatéralement les activités sensibles à l’encontre des résolutions unanimes de l’AIEA ont interrompu ce processus.
Bien entendu, j’attache la plus haute importance au point de vue du président Moubarak sur cette affaire capitale pour la paix dans la région et dans le monde. Je partage d’ailleurs tout à fait sa conviction que l’instauration au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs constituerait un progrès pour la paix et la stabilité dans la région.
— Etes-vous satisfait de la coopération de la Syrie avec la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Rafiq Hariri ? Envisagez-vous de mettre fin à son isolement international en cas de coopération totale ?
— La France, unie au Liban par des liens historiques, est engagée avec la communauté internationale pour permettre au peuple libanais de recouvrer sa pleine indépendance et sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Ce processus a franchi une étape importante avec le départ des troupes syriennes du Liban en avril 2005, puis l’organisation d’élections libres et transparentes en juin. S’agissant de la Syrie, il lui est aisé d’améliorer ses relations avec la communauté internationale en se conformant aux décisions du Conseil de sécurité. Votées le plus souvent à l’unanimité, elles sont claires. Elles lui demandent de ne pas interférer dans les affaires intérieures libanaises. Elles lui demandent de cesser son soutien aux forces qui cherchent la déstabilisation du Liban.
C’est pour la Syrie l’occasion d’établir, avec le Liban, une relation fondée sur l’égalité et respectueuse de la souveraineté mutuelle. Les liens entre les peuples syrien et libanais sont d’ordre historique, politique, culturel et économique. Ils ont leur dimension stratégique. La confiance et l’estime réciproques peuvent les faire fructifier dans l’intérêt des deux Etats.
Je sais que notre politique sur ce dossier n’est pas toujours bien comprise. Pourtant, nous n’avons jamais varié dans nos convictions et nos engagements en faveur de la souveraineté du Liban. Nous n’avons pas non plus d’agenda caché concernant la Syrie, qui est un grand pays de la région ayant vocation à revenir dans le jeu normal des relations internationales et de retrouver, en particulier, ses relations traditionnelles avec la France. Mais pour cela, la Syrie doit changer de comportement, en particulier dans ses relations avec le Liban, et coopérer sans réserve avec la commission internationale d’enquête.
— La conférence internationale de Barcelone sur la coopération euro-méditerranéenne n’a pas atteint son but. Pensez-vous faire renaître Barcelone et ses principes pour encourager la coopération culturelle, politique, économique et sociale entre les pays du bassin méditerranéen ?
— Je me permettrai de nuancer votre jugement sur Barcelone. En dix ans, le partenariat euro-méditerranéen, seule enceinte réunissant l’ensemble des pays riverains, a conquis une vraie légitimité. Il peut se targuer d’un bilan. Un espace commun s’est créé, riche de flux humains, économiques et culturels. Un dialogue de sécurité et de défense s’y déroule. Des accords d’association y ont été conclus qui ont permis un début d’intégration régionale. D’importants moyens financiers ont été mis en œuvre. Cette légitimité est aussi fondée sur une démarche spécifique : c’est un partenariat fondé sur l’égalité et un dialogue continu.
Aujourd’hui, c’est vrai, de nouvelles urgences s’imposent. Les deux rives aspirent à davantage de sécurité, en particulier contre le terrorisme, à plus de croissance et à plus d’échanges culturels et humains. Se pose aussi le problème du contrôle des flux migratoires. Ensemble, nous avons décidé de développer des réponses nouvelles à ces nouveaux défis. Il nous faut introduire une meilleure réciprocité dans la relation entre les deux rives. Nous devons être plus efficaces, introduire dans notre partenariat le concept européen de coopérations renforcées, pour que les pays les plus intéressés puissent aller de l’avant.
J’ai aussi proposé de nouveaux instruments, comme l’instauration d’un secrétariat politique paritaire ou d’un mécanisme renforcé de dialogue politique, et de mobiliser des moyens supplémentaires, en particulier avec la création à terme d’une Banque de développement dédiée à la Méditerranée. J’ai enfin souhaité aller plus loin dans notre dialogue culturel en lançant un « atelier culturel méditerranéen » qui rassemblera créateurs, penseurs et décideurs de nos pays.