Jacques Chirac : Cette visite a un double
objectif. Il s’agit en premier lieu de donner une nouvelle
impulsion à nos excellentes relations bilatérales, cimentées par
une longue histoire et des liens d’amitié solides et confiants
entre dirigeants, nourries d’échanges fréquents et à haut niveau
qui ont désormais conduit à des consultations diplomatiques
globales. Mon dernier voyage ici remonte à près de quatre ans.
Depuis lors, l’Egypte a connu d’amples mutations. Confrontée à
de grands défis, elle a fait le choix de la modernisation et de
l’ouverture. La France souhaite l’accompagner dans cette voie.
C’est donc le moment de faire le point sur notre coopération
pour lui donner une nouvelle dynamique, dans le domaine culturel
comme dans le domaine économique.
Par ailleurs, vous connaissez le contexte
international actuel, où se multiplient les tensions dans la
région et les motifs d’incompréhension entre peuples appartenant
à des univers culturels différents. L’Egypte est un grand pays
qui joue un rôle essentiel à la stabilité du Moyen-Orient, mais
aussi de la Méditerranée et de l’Afrique. C’est pour nous un
partenaire global et constructif, au service de la paix, de la
stabilité et du développement. Il est donc important que nos
deux pays se concertent en permanence. Ma visite sera l’occasion
de confronter nos vues et de voir comment agir face aux défis
nouveaux.
— La France fait partie des cinq premiers
pays investisseurs en Egypte. Quels sont les nouveaux projets
économiques que vous entendez discuter avec le président
Moubarak ?
— La France est aujourd’hui le troisième
partenaire commercial de l’Egypte (en 2005). Pour la seule année
2005, notre commerce bilatéral — importations et exportations —
a augmenté de 50 %. Ce résultat traduit en particulier la mise
en œuvre du contrat de fourniture de gaz liquéfié signé par Gaz
de France, le plus important jamais conclu entre nos deux pays.
Avec ce contrat, l’Egypte va assurer environ 10 % des besoins
français en gaz, se taillant ainsi une place essentielle dans la
couverture de nos besoins énergétiques. C’est un bel exemple de
coopération industrielle qui va en outre assurer le
rééquilibrage des échanges commerciaux entre nos deux pays. Par
ailleurs, la France est aussi très présente dans le secteur des
services. Nos entreprises mènent en effet une politique
d’implantation sur le marché égyptien dans une très large gamme
d’activités, comme le tourisme, la distribution, les transports
et les services informatiques et financiers.
Enfin et surtout, la France est devenue le
deuxième investisseur étranger en Egypte (en 2005, en flux),
après les Etats-Unis, avec environ 90 entreprises présentes
employant près de 36 000 Egyptiens avec près de deux milliards
d’euros de participations. Un nombre toujours croissant
d’investisseurs français est attiré par cette Egypte en
croissance, placée au carrefour de plusieurs zones de
libre-échange. Une Egypte qui s’ouvre et se libéralise, ce qui
transforme rapidement le climat général des affaires.
S’agissant des projets concrets, je vais
naturellement évoquer avec le président Moubarak celui de la
construction de la troisième ligne de métro du Caire, pour
laquelle les entreprises françaises ont tant d’atouts, et à
laquelle la France est prête à apporter une importante
contribution. C’est dire que la France est déterminée à faire le
pari gagnant de l’Egypte. Pour entretenir cette dynamique, je
serai accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires avec
lesquels j’installerai, au sein de la technopole ultramoderne du
« Qariya zakiya » (village intelligent), le Conseil présidentiel
France-Egypte des affaires, dont la mission sera de conforter la
dimension partenariale de nos relations. Nous évoquerons
également la perspective de l’intervention en Egypte de l’Agence
française de développement.
— Vous allez inaugurer l’Université française
en Egypte. Comment envisagez-vous son rôle dans le maintien du
dialogue des cultures entre la France et l’Egypte, d’un côté, et
la France, l’Egypte et le monde, de l’autre ? Et quels sont les
aspects de coopération dans le domaine de l’éducation que vous
allez discuter en Egypte ?
— Je suis convaincu de la nécessité d’un
dialogue des cultures. Par conviction personnelle d’abord :
j’aime et je connais un peu l’histoire du Moyen-Orient, de ses
civilisations. Cette connaissance de l’histoire m’a conduit tout
naturellement à en respecter les hommes. Quand on respecte les
hommes, on les comprend mieux. Et les gens voient bien quand on
les respecte et quand on ne les respecte pas. De ce point de vue,
les échanges culturels et linguistiques sont en effet essentiels
pour entretenir la fraternité entre les peuples des deux rives
de la Méditerranée.
A cet égard, l’inauguration officielle de
l’Université française d’Egypte constituera l’un des temps forts
de ma visite. Cette université égyptienne de langue française,
en projet depuis une dizaine d’années, en fonction depuis
maintenant trois ans, a su conquérir un public et asseoir sa
réputation par la qualité de ses enseignements. C’est la seule
institution égyptienne où le français soit langue d’enseignement,
au même titre que l’arabe ou l’anglais. Les études y sont
sanctionnées par des diplômes délivrés à la fois par l’UFE, mais
aussi par des universités françaises, ce qui permettra aux
étudiants de poursuivre plus facilement des études en France ou
en Europe. Il va de soi que de tels diplômes constituent une
voie privilégiée pour faire carrière, notamment dans ces
entreprises françaises qui s’implantent en nombre croissant dans
votre pays.
Au-delà, l’Egypte et la France sont unies par
des liens culturels d’une nature et d’une force particulières
que cette visite permettra de renforcer. L’Egypte fascine la
France, elle est sa part de rêve. Que serait notre capitale sans
l’obélisque de la Concorde offert par Mehmet Ali ? De son côté,
la France a porté et porte le meilleur d’elle-même en Egypte.
Champollion, en perçant le mystère des hiéroglyphes, a contribué
à restituer leur passé aux Egyptiens. Au siècle dernier, les
Français ont contribué à l’industrialisation et à la
modernisation de l’Egypte dans tous les domaines, agriculture,
médecine, enseignement ... Aujourd’hui, la passion égyptienne
continue d’habiter la France. Notre coopération archéologique
reste sans équivalent. Cette fascination s’exerce non seulement
sur les égyptologues, mais aussi sur tout le grand public. 500
000 touristes français se rendent chaque année en Egypte. Des
milliers de Français expatriés y vivent. Tous ces éléments
contribuent de façon essentielle à la richesse de notre
relation, par-delà la Méditerranée.
— Comment envisagez-vous les relations avec
les musulmans en France dans le cadre des confrontations
internationales contre l’islam qui se passent aujourd’hui ?
— La façon dont vous posez cette question est
très significative, me semble-t-il, des risques d’amalgames ou
de confusion dans lesquels on tombe trop souvent lorsqu’on
évoque les relations entre chrétiens et musulmans, Orient et
Occident, Sud et Nord.
—Je ne crois pas qu’il y ait
confrontation entre le monde arabo-musulman et le reste du monde
de tradition chrétienne ou judéo-chrétienne. Je ne crois pas à
la fatalité d’une guerre des civilisations ou des cultures. Les
prophètes de mauvais augure qui l’annoncent cherchent, dans le
cadre d’un monde où nos destins deviennent solidaires, à
globaliser des problèmes qui n’ont rien à voir entre eux. En
fait, c’est plutôt d’un choc des ignorances que d’un choc des
civilisations qu’il s’agit. Mais parce que le piège des
amalgames existe, nous devons promouvoir l’esprit de tolérance
et de dialogue, le respect de l’autre, l’éducation et la
culture, de ême que l’affirmation des valeurs humanistes. C’est
d’autant plus nécessaire que les peuples n’ont pas été préparés
à la cohabitation des cultures à laquelle nous conduit la
mondialisation, et que cela exige des précautions.
A cet égard, je comprends que la publication
en Europe de certaines caricatures ait suscité l’incompréhension
et la réprobation chez de nombreux musulmans. Au cours de cette
crise, j’ai affirmé la position de la France en condamnant
toutes les provocations manifestes, susceptibles d’attiser les
passions et de blesser dans la foi et les croyances. J’ai
insisté sur le fait que la liberté d’expression, qui constitue
un des piliers de notre République, devait s’exercer dans un
esprit de responsabilité et reposer également sur les valeurs de
tolérance et de respect. J’ai parallèlement condamné les
violences qui se sont exercées à l’encontre de ressortissants
européens ou de missions diplomatiques. De tels actes étaient
inacceptables et ont fait le jeu des extrémistes.
Pour sa part, et j’en viens ainsi à l’autre
aspect de votre question, la France respecte toutes les
religions et toutes les convictions. L’islam, qui est
effectivement devenu la deuxième religion pratiquée dans notre
pays, y a toute sa place. Beaucoup de musulmans de France ont
d’ailleurs la nationalité française. La tradition de pluralisme
religieux qui est celle de la France appelait toutefois une
organisation particulière pour assurer la coexistence
harmonieuse entre toutes les religions et croyances. Ainsi
avons-nous fait le choix de la laïcité qui signifie neutralité
de l’Etat et de ses institutions, non pour nier la réalité ou
les droits des religions, mais au contraire pour leur permettre
de vivre ensemble. Dans ce cadre, la France est exemplaire, les
musulmans y bénéficient d’une entière liberté de pensée, de
conscience et de culte comme ceux qui pratiquent d’autres
religions et surtout les religions du Livre.
— Votre point de vue et celui du Président
Moubarak sur le combat contre le terrorisme sont très proches,
comment envisagez-vous la coopération avec l’Egypte pour
combattre ce fléau ?
— Le terrorisme, c’est la barbarie. La France
l’a toujours condamné sous toutes ses formes et d’où qu’il
vienne car rien ne peut le justifier. Le terrorisme est un
phénomène qui a des causes diverses et que l’on trouve hélas sur
de nombreux continents. Le monde musulman en est la première
victime. Durant la série d’attentats qui ont touché l’Egypte en
2004 et 2005, la France a marqué sa solidarité avec votre pays
et exprimé sa vive sympathie aux familles des victimes de ces
actes inhumains. Elle soutient également les initiatives
diplomatiques de l’Egypte pour unir les efforts de tous dans la
lutte contre le terrorisme, dans le cadre des Nations-Unies et
lors du sommet de Barcelone. J’espère que l’Egypte pourra à son
tour progresser vers l’adoption de la convention globale de
l’Onu contre le terrorisme.
— Pendant des années vous avez maintenu un
dialogue continu avec le président Moubarak sur les problèmes du
Moyen-Orient. Comment coordonner vos efforts en vue de faire
sortir la région de son cercle infernal de violence ?
— Il n’y a pas de solution à ce problème des
relations entre Israël et les Palestiniens en dehors d’un
accord, qui ne peut venir qu’après un dialogue. Depuis de
longues années, nous disons que la paix dans la région passe par
l’émergence de deux Etats vivant côte à côte dans le respect de
la dignité de chacun et dans la sécurité. La France, amie du
peuple palestinien et d’Israël, souhaite que le premier puisse
rapidement concrétiser son aspiration légitime à la création
d’un Etat souverain et que le second trouve la sécurité à
laquelle il a droit.
Mais nous savons aussi que seule la
négociation permettra de progresser, et que rien de durable ne
se construit sur la violence. C’est pourquoi la France et
l’Egypte ont toujours appuyé les efforts accomplis depuis Oslo
pour aboutir à une solution négociée, donc durable. Elles ont
soutenu les efforts du Quartette pour promouvoir une solution
équilibrée et réaliste, dans le cadre de la feuille de route.
Elles ont soutenu de façon constructive le retrait israélien de
Gaza qui, au-delà de sa dimension unilatérale, devait constituer
un pas dans la mise en œuvre de la feuille de route. Je veux
rendre un hommage particulier au rôle joué par l’Egypte à Gaza.
Aujourd’hui, les élections israéliennes étant passées, la
communauté internationale doit se réimpliquer fortement. Nous
allons naturellement y réfléchir ensemble.
— La victoire du Hamas dans les élections en
Palestine a suscité l’opposition de nombreux pays, notamment
Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne. Vous avez appelé
le Hamas à renoncer à la violence. Mais Israël continue à
pratiquer la violence contre les Palestiniens. Quelle est la
position de la France vis-à-vis de la politique israélienne ?
Peut-on encore sauver le processus de paix ?
— Des élections démocratiques ont eu lieu et
les Palestiniens ont choisi. La France respecte ce choix. En
revanche, la question de l’assistance à l’Autorité palestinienne
se pose avec l’arrivée au pouvoir du Hamas, inscrit sur la liste
européenne des organisations terroristes pour avoir préconisé et
pratiqué le terrorisme comme forme normale de l’action politique.
A cet égard, la position de la France est identique à celle des
membres du Quartette. Tout contact avec le gouvernement du Hamas
passe par le respect de trois principes : la reconnaissance
d’Israël, la renonciation à la violence et la reconnaissance des
accords signés entre l’OLP et Israël, en particulier les accords
d’Oslo. Nous savons également que la situation dans les
territoires palestiniens est très difficile et que le maintien
de l’aide internationale est nécessaire. Aussi l’Union
européenne, qui est depuis les accords d’Oslo le premier
bailleur de fonds dans les territoires, a-t-elle décidé de
poursuivre toute son aide humanitaire, qui passe par l’UNRWA et
les ONG, ce qui représente environ la moitié de l’aide
jusqu’alors accordée. S’agissant du reste, c’est-à-dire de
l’aide directe à l’Autorité palestinienne, nous sommes dans une
phase de réexamen. Nous allons y procéder avec le souci de
répondre aux besoins impérieux des populations. Bien entendu, je
traiterai en détail de ce problème avec Mahmoud Abbass, que je
recevrai à Paris à la fin de ce mois.
Dans l’immédiat, nous appelons le Hamas à
comprendre que la voie de la violence est sans issue et à
poursuivre sa transition vers l’action politique, en continuant
de respecter la trêve et en s’engageant dans un processus de
renonciation à la violence et de reconnaissance d’Israël. Il a
accepté de prendre part aux élections, il lui faut désormais
aller jusqu’au bout de cette logique. Il n’existe pas
d’alternative.
Mais nous disons aussi aux Israéliens qu’il
faut écarter la tentation de l’unilatéralisme, cesser les
assassinats ciblés et la poursuite de la colonisation. Une paix
juste et durable dans la région ne pourra pas être imposée par
l’une ou l’autre des parties. Au bout du compte, il n’y a pas
d’alternative à la reprise de réelles négociations. J’appelle
donc les deux parties à faire les gestes nécessaires pour
qu’elles reprennent.
— La violence continue en Iraq, ce qui menace
ce pays d’une guerre civile meurtrière. L’Iraq peut-il être
sauvé d’un éventuel partage ?
— Le peuple iraqien est un vieux peuple,
héritier d’une vieille civilisation et il est un peu divisé,
traditionnellement. Tout le problème, c’est qu’il faut
privilégier ce qui le rassemble et essayer d’éviter ce qui le
divise. Là comme ailleurs, la logique sécuritaire ne peut à elle
seule ramener la paix. Plus que jamais, je crois qu’un Iraq uni,
souverain, démocratique et stable, vivant en bonne intelligence
avec ses voisins, est indispensable à la paix. Un conflit
intercommunautaire aurait des répercussions dramatiques, et en
Iraq et au-delà. Mais il n’y a pas de fatalité qui nous y
entraîne. Les Iraqiens peuvent encore et doivent se rassembler
sur la base d’un pacte national qui garantisse l’intégrité du
pays et permette à chacun de trouver sa place dans les nouvelles
institutions.
Pour parvenir à un consensus entoutes les
familles du pays, un engagement positif des Etats voisins est
nécessaire. S’ils jouent collectivement un rôle constructif pour
aider l’Iraq à préserver son unité nationale et construire un
Etat de droit, alors tout redevient possible. C’est pourquoi
l’initiative de réconciliation de la Ligue arabe doit être
encouragée et a reçu le plein soutien de la France. Bien que la
force multinationale soit déployée en Iraq conformément à la
résolution 1 546 des Nations-Unies, cette présence étrangère
suscite l’hostilité d’une partie de l’opinion iraqienne. Cette
question est cruciale pour le succès du dialogue national. Si un
horizon était fixé pour son départ, alors les Iraqiens
pourraient plus facilement entrer dans une logique de
responsabilité.
— Vous souhaitez, ainsi que le président
Moubarak, que l’AIEA se prononce en faveur d’un Moyen-Orient
libre d’armes de destruction massive. Comment peut-on réaliser
cela alors que l’Iran insiste à poursuivre son programme
nucléaire et qu’Israël continue sa politique nucléaire d’opacité
?
— L’attitude actuelle de l’Iran est une
source d’inquiétude pour la région et l’ensemble de la
communauté internationale. Bien entendu, nous ne mettons pas en
cause le droit légitime de ce pays à l’énergie nucléaire civile,
dès lors qu’il respecte ses engagements en matière de non-prolifération.
Or, l’AIEA a constaté que ses activités nucléaires avaient été
conduites dans la dissimulation. Par ailleurs, l’Iran poursuit
un programme de missiles inquiétant.
Lorsque nous avons eu connaissance que l’Iran
violait ses engagements, nous avons cherché, avec nos
partenaires européens, à résoudre ce problème par la négociation.
Ce fut l’accord de Paris de novembre 2004 sur la suspension des
activités de conversion et d’enrichissement. Les Européens ont
alors proposé à l’Iran un vaste programme de coopération
comportant en particulier une aide au nucléaire civil. Les
décisions des dirigeants iraniens, en août 2005 et janvier 2006,
de reprendre unilatéralement les activités sensibles à
l’encontre des résolutions unanimes de l’AIEA ont interrompu ce
processus.
Bien entendu, j’attache la plus haute
importance au point de vue du président Moubarak sur cette
affaire capitale pour la paix dans la région et dans le monde.
Je partage d’ailleurs tout à fait sa conviction que
l’instauration au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes de
destruction massive et de leurs vecteurs constituerait un
progrès pour la paix et la stabilité dans la région.
— Etes-vous satisfait de la coopération de la
Syrie avec la commission d’enquête internationale sur
l’assassinat de Rafiq Hariri ? Envisagez-vous de mettre fin à
son isolement international en cas de coopération totale ?
— La France, unie au Liban par des liens
historiques, est engagée avec la communauté internationale pour
permettre au peuple libanais de recouvrer sa pleine indépendance
et sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Ce
processus a franchi une étape importante avec le départ des
troupes syriennes du Liban en avril 2005, puis l’organisation
d’élections libres et transparentes en juin. S’agissant de la
Syrie, il lui est aisé d’améliorer ses relations avec la
communauté internationale en se conformant aux décisions du
Conseil de sécurité. Votées le plus souvent à l’unanimité, elles
sont claires. Elles lui demandent de ne pas interférer dans les
affaires intérieures libanaises. Elles lui demandent de cesser
son soutien aux forces qui cherchent la déstabilisation du Liban.
C’est pour la Syrie l’occasion d’établir,
avec le Liban, une relation fondée sur l’égalité et respectueuse
de la souveraineté mutuelle. Les liens entre les peuples syrien
et libanais sont d’ordre historique, politique, culturel et
économique. Ils ont leur dimension stratégique. La confiance et
l’estime réciproques peuvent les faire fructifier dans l’intérêt
des deux Etats.
Je sais que notre politique sur ce dossier
n’est pas toujours bien comprise. Pourtant, nous n’avons jamais
varié dans nos convictions et nos engagements en faveur de la
souveraineté du Liban. Nous n’avons pas non plus d’agenda caché
concernant la Syrie, qui est un grand pays de la région ayant
vocation à revenir dans le jeu normal des relations
internationales et de retrouver, en particulier, ses relations
traditionnelles avec la France. Mais pour cela, la Syrie doit
changer de comportement, en particulier dans ses relations avec
le Liban, et coopérer sans réserve avec la commission
internationale d’enquête.
— La conférence internationale de Barcelone
sur la coopération euro-méditerranéenne n’a pas atteint son but.
Pensez-vous faire renaître Barcelone et ses principes pour
encourager la coopération culturelle, politique, économique et
sociale entre les pays du bassin méditerranéen ?
— Je me permettrai de nuancer votre jugement
sur Barcelone. En dix ans, le partenariat euro-méditerranéen,
seule enceinte réunissant l’ensemble des pays riverains, a
conquis une vraie légitimité. Il peut se targuer d’un bilan. Un
espace commun s’est créé, riche de flux humains, économiques et
culturels. Un dialogue de sécurité et de défense s’y déroule.
Des accords d’association y ont été conclus qui ont permis un
début d’intégration régionale. D’importants moyens financiers
ont été mis en œuvre. Cette légitimité est aussi fondée sur une
démarche spécifique : c’est un partenariat fondé sur l’égalité
et un dialogue continu.
Aujourd’hui, c’est vrai, de nouvelles
urgences s’imposent. Les deux rives aspirent à davantage de
sécurité, en particulier contre le terrorisme, à plus de
croissance et à plus d’échanges culturels et humains. Se pose
aussi le problème du contrôle des flux migratoires. Ensemble,
nous avons décidé de développer des réponses nouvelles à ces
nouveaux défis. Il nous faut introduire une meilleure
réciprocité dans la relation entre les deux rives. Nous devons
être plus efficaces, introduire dans notre partenariat le
concept européen de coopérations renforcées, pour que les pays
les plus intéressés puissent aller de l’avant.
J’ai aussi proposé de nouveaux instruments,
comme l’instauration d’un secrétariat politique paritaire ou
d’un mécanisme renforcé de dialogue politique, et de mobiliser
des moyens supplémentaires, en particulier avec la création à
terme d’une Banque de développement dédiée à la Méditerranée.
J’ai enfin souhaité aller plus loin dans notre dialogue culturel
en lançant un « atelier culturel méditerranéen » qui rassemblera
créateurs, penseurs et décideurs de nos pays.