Diplomatie. Le président Moubarak a effectué du 6 au 10 décembre une tournée européenne qui l’a conduit en Irlande, en France et en Allemagne. Le conflit israélo-palestinien, le problème libanais et syrien, la crise en Iraq et le dossier iranien ont dominé les entretiens.

La carte européenne

Paris - Berlin,

De notre envoyé spécial —

A Dublin, Paris ou à Berlin, l’objectif était le même. Tenter, en coordination avec l’Europe, de relancer le processus de paix au Proche-Orient et se concerter avec les dirigeants des trois pays européens sur les principaux dossiers régionaux. La première étape de la tournée du président a été Berlin, où le chef de l’Etat est arrivé mercredi dernier. En tant que membre des Nations-Unies et de l’Union européenne, l’Irlande a adopté il y a longtemps des principes et pris des positions en faveur de la paix au Proche-Orient. « Bien que l’Irlande soit un petit pays, il possède une grande influence au sein des Nations-Unies et de la Communauté européenne. Dublin a toujours fait preuve de sympathie envers la cause palestinienne et il a pris des mesures fermes pendant sa présidence pour l’Union européenne  », a déclaré à l’Hebdo Soliman Awwad, porte-parole de la présidence. Le président Moubarak s’est entretenu avec plusieurs dirigeants irlandais, dont la présidente Mary McAleese. L’Irlande a appuyé la position de l’Egypte en ce qui concerne la coopération avec l’Union européenne. Dublin a soutenu les idées du Caire relatives au nouveau plan de l’Union européenne, nommé « La nouvelle politique de voisinage ».

En France et en Allemagne, deuxième et troisième étapes de la tournée présidentielle, les discussions ont de nouveau porté sur le processus de paix. Moubarak et son homologue français Jacques Chirac ont évoqué l’initiative européenne tripartite hispano-franco-italienne concernant le conflit israélo-palestinien. « On ne doit pas oublier que la France a une influence au sein du Conseil de sécurité en ce qui concerne la cause palestinienne  », a expliqué le porte-parole de la présidence. L’Allemagne, troisième étape du président Moubarak, qui se prépare à la double présidence du G8 et de l’Union européenne en 2007, a déclaré qu’elle sera directement associée aux efforts de paix du Quartette. Pour la chancelière allemande Angela Merkel, le Quartette peut faire avancer la situation du conflit israélo-palestinien. Merkel n’a pas caché le rôle de l’Egypte au Proche-Orient. « Naturellement nous avons besoin de contacts étroits avec les pays dans la région », a-t-elle affirmé dimanche dernier devant le chef de l’Etat lors d’une conférence de presse conjointe. « L’Allemagne met en œuvre les possibilités dont elle dispose pour soutenir et encourager les acteurs dans la région sur la voie d’une solution politique des conflits dans la région », a pour sa part déclaré Thomas Steg, porte-parole adjoint du gouvernement allemand.

 

Vues partagées sur le Liban

Outre la cause palestinienne, la crise au Liban et le dossier syrien ont été à l’ordre du jour du chef de l’Etat lors de sa tournée européenne. Les présidents Moubarak et Chirac ont exprimé leur préoccupation et inquiétude quant à la tension actuelle au Liban. Le président français a jugé nécessaire de soutenir le gouvernement légal et légitime du premier ministre Fouad Siniora. Jérôme Bonnafont, porte-parole de l’Elysée a affirmé que les vues égyptienne et française étaient concordantes sur la nécessité de rétablir le dialogue entre l’opposition et le gouvernement libanais. A Paris, Moubarak a estimé que les manifestations qui se déroulent actuellement au Liban n’étaient pas raisonnables et pouvaient aboutir à la destruction du pays.

« Je dis à l’opposition libanaise que toutes ces manifestations, comme celle de la majorité, ne sont pas raisonnables. Il y a des risques d’ingérence étrangère dans ces manifestations. Cela peut aboutir à des affrontements très graves et même conduire à la destruction du Liban », a-t-il déclaré à la chaîne de télévision française France 3, ajoutant que la solution ne pouvait venir que par la négociation.

« Les affrontements, les manifestations ramènent le Liban aux années 1970, celles de la guerre civile. Certains veulent paralyser le gouvernement. Ils doivent vraiment négocier et parvenir à une solution sinon, je le répète, la destruction du Liban sera inéluctable », a affirmé Moubarak. Le chef de l’Etat français prépare actuellement la dite conférence de Paris 3, en janvier prochain, pour la reconstruction du Liban.

Même son de cloche en Allemagne. La chancelière allemande, qui veut revitaliser le Quartette lors de la présidence de l’Allemagne en janvier prochain, a appelé à soutenir le premier ministre libanais. Angela Merkel a demandé à Damas de reconnaître diplomatiquement le Liban, plaidant en faveur d’un rôle plus constructif de la Syrie dans le processus de paix au Proche-Orient. « Il faut malheureusement partir du principe que le rôle de la Syrie n’est pas aussi constructif que nous le souhaiterions. Il serait très facile que le gouvernement syrien reconnaît diplomatiquement le Liban. De nombreuses propositions variées ont été faites à la Syrie, et maintenant c’est à la partie syrienne de répondre par des faits  », a-t-elle déclaré. Et d’ajouter : « Nous avons besoin au Proche-Orient d’un Liban stable et autonome. Pour cela, tous doivent apporter leur contribution, en particulier la Syrie, qui selon moi, ne remplit pas assez ses obligations », a affirmé Merkel. Le président Moubarak, qui n’a pas voulu commenter ces déclarations, s’est contenté d’affirmer que tout le monde devait coopérer pour mettre fin à la violence au Liban.

Le dossier iraqien a été lui aussi à l’ordre du jour en Irlande, en France et en Allemagne. Moubarak et Chirac ont examiné le rapport Baker sur l’Iraq qui appelle à un changement de stratégie de la politique américaine dans le pays dévasté par une guerre civile. Ce document a été également le sujet de discussions avec Angela Merkel.

Le dossier iranien a été enfin le dernier sujet de débat lors de la tournée du président Moubarak en Allemagne. L’Egypte prône une solution diplomatique à la crise du nucléaire iranien, mais les pays européens veulent imposer des sanction à l’Iran. « L’Allemagne, qui présidera l’Union européenne en janvier prochain, puis la France en juillet auront une grande influence européenne sur ce dossier avant que la situation ne s’aggrave, d’où la nécessité de consulter ces deux grands pays  », explique le porte-parole de la présidence .

Chérif Ahmad