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Education
Sexuelle . En l’absence de
volonté politique du gouvernement, les chaînes satellites et
autres sites Internet pornos ne sont souvent que les seules
sources d’informations en la matière. Mais des initiatives privées,
et en particulier l’Eglise, s’efforcent de remédier aux lacunes
des adolescents et des plus âgés. Reportage. |
Le remède a la misère
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Tamer,
14 ans, ne rate aucune occasion d’effleurer, ne serait-ce
que du bout des doigts, l’épaule, la main ou encore le coude
de ses cousines, ses voisines, et toutes celles qu’il rencontre.
Cela au point d’installer le malaise auprès des amies de sa
maman, qui ont pris leurs distances pour éviter que de tels
agissements ne prennent de plus grandes proportions. Outrée,
sa mère décide alors de l’accompagner chez un sexologue. Questionné
par la spécialiste, Tamer répond que parler de sexe est une
question taboue et qu’il n’a jamais osé aborder ce sujet avec
ses parents. Et donc, pour mieux comprendre la vie, il a dû
compter sur sa propre expérience. A travers des films, des
revues pornos et Internet, il a découvert ce qu’est le sexe,
les schémas reproduits sur son livre de sciences lui paraissant
trop compliqués. « J’avais besoin de plus d’informations »,
explique Tamer, qui ne comprend pas la raison de cette excitation
ressentie au moment de la puberté et toutes les fois qu’il
navigue sur un site Internet ou zappe entre les chaînes qui
montrent des scènes érotiques. Et pour assouvir ce désir,
il prend du plaisir à caresser le corps de petites adolescentes.
Tamer confie que sa visite chez le sexologue pourrait lui
permettre d’avoir une connaissance plus éclairée de la sexualité.
« C’est le piège dans lequel tombent beaucoup de familles
égyptiennes qui s’enferment dans un mutisme obstiné. Conséquence,
les enfants en quête de connaissance risquent de recueillir
des informations erronées. Une situation beaucoup plus grave
que l’ignorance car cela peut les exposer à des problèmes
comme l’homosexualité, le viol ou le harcèlement sexuel. L’adolescent
assoiffé d’apprendre essaye par tous les moyens de s’informer
et comme les garçons bénéficient d’une marge de liberté beaucoup
plus grande que les filles, ils courent plus de risques »,
explique Héba Qotb, sexologue chevronnée dans le monde arabe.
Il y a déjà quatre
ans que Qotb a commencé son travail sur le terrain. Elle affirme
que seul 1 % du peuple égyptien a une bonne connaissance de
la sexualité et nombreux sont les couples qui se rendent dans
sa clinique pour exposer des problèmes qui remontent à l’adolescence.
« Pour y remédier, je leur offre une éducation sexuelle normale
», avance-t-elle.
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Avidité des petits et des plus grands
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« Pourquoi mon
sexe ne ressemble-t-il pas à celui de ma sœur ? », questionne
Mohamad, 6 ans. « Comment naissent les bébés ? », s’interroge
Lobna, 8 ans. « Que signifie le mot stérilet ? », demande Salma,
10 ans. « Est-ce un péché de se masturber ? », poursuit Sameh,
14 ans. Des questions ingénues qui se répètent et reflètent
l’avidité des petits
et des plus grands d’en savoir un peu plus sur le sujet. « On
ne peut plus répondre à leurs interrogations par des réponses
qui ne correspondent pas à leur intelligence. Autrefois, lorsqu’on
demandait d’où on venait, les grands répondaient nous avoir
achetés chez Cicurel, un magasin de prêt-à-porter. Des réponses
abracadabrantes et pas du tout convaincantes pour les enfants
d’aujourd’hui. La société n’est plus fermée comme jadis. Et
si on ne dit pas la vérité à un enfant, il ira la chercher ailleurs
par l’intermédiaire de réseaux à la portée de tout le monde
et auxquels il peut accéder sans difficulté », explique Magda
Gamil, pédagogue et directrice d’une école privée. Héba Qotb
partage cet avis. Elle est étonnée que les parents continuent
à suivre la politique de l’autruche. « Ce n’est pas parce que
l’enfant n’aborde pas le sujet qu’il ignore tout ou n’est pas
intéressé. Il faut respecter les données de notre époque »,
dit-elle.
Bien que les films
pornos soient interdits, ils circulent et s’échangent comme
des petits pains. Dans les lycées, les salles de gymnastique,
les cafés ou ailleurs, il est facile de s’en procurer. « Certains
étudiants se sont spécialisés dans le domaine. Lorsqu’on a envie
de voir un film X, on s’adresse à eux », confie Hani, 17 ans.
Quant aux adultes, ils n’ont pas besoin de faire autant de détours.
Il leur suffit
de se présenter dans un club-vidéo et demander tout simplement
un film « saqafi » (culturel). « C’est moins fructueux avec
les adultes, puisque la location d’un film porno ne coûte que
30 L.E. Par contre, avec les jeunes, je dois doubler le prix
car les risques sont plus grands. Si le jeune est pris en flagrant
délit par ses parents, alors je dois m’attendre à de graves
ennuis. Souvent, nous passons par des intermédiaires. En général,
ce sont les femmes ; c’est une bonne astuce. Nous redoublons
de vigilance et nous évitons les contacts avec le véritable
client », souligne le propriétaire du club qui a requis l’anonymat.
Selon Azza Korayem, sociologue et chercheuse au Centre national
des études sociales et criminelles, les sites Internet et les
chaînes satellites ne cessent de diffuser des images de scènes
érotiques ou autres plus osées. Et dans une société où la pratique
du sexe est interdite avant le mariage, on a observé au cours
de ces dernières années une augmentation du taux de crimes,
de viols et de mariages orfi (mariage non officialisé). « Et
pour maintenir un certain équilibre entre les valeurs d’une
société conservatrice et cette ouverture subite, certains experts
intéressés par les problèmes des adolescents ont pris cette
initiative. Il fallait créer un dialogue avec les enfants et
admettre que le processus éducatif devait s’accomplir dans les
deux sens entre parents et enfants et vice-versa. Ce qui se
passe dans nos foyers n’est qu’un reflet de ce qui se passe
dans la société en manque de démocratie. Et pour avoir une société
saine, il faut élargir la marge de liberté d’expression », explique
Azza Korayem. Une chose dont semblent se rendre compte quelques
institutions. Aujourd’hui, ce tabou semble se briser graduellement.
Certaines écoles,
surtout religieuses, ont intégré depuis longtemps un enseignement
appelé « cours de vie ». Pour les adolescents, ces écoles accueillent
un gynécologue pour mieux initier les élèves et leur donner
la chance de poser les questions qui les préoccupent et ce à
travers des schémas. Magda Gamil, directrice d’une école privée,
pense préparer à son tour un colloque pour les élèves du cycle
préparatoire afin de leur expliquer les changements qui s’opèrent
sur leur corps au moment de la puberté. Le colloque sera guidé
par un expert en sexologie qui prononcera son discours en français,
langue utilisée pour l’enseignement de la biologie dans cette
école. Le tout suivi d’un débat au cours duquel les enfants
poseront leurs questions sans aucune gêne. « Le sexe fait partie
de la vie, pourquoi donc imposer un silence incompréhensible
autour du sujet alors que c’est une fonction vitale comme manger
ou respirer. L’essentiel est d’offrir à nos enfants un enseignement
correct et les éduquer de manière à ce qu’ils respectent les
valeurs sacrées de la religion au lieu de les priver de connaissance
», assure Gamil. Et des écoles à la clinique privée, l’éducation
sexuelle semble être de plus en plus accessible.
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Appel à des gynécologues
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Une première
chez Héba Qotb. Elle organise quatre stages pour enseigner
l’épanouissement sexuel. La première formation concerne les
personnes sur le point de se marier, pour leur donner une
idée générale sur la relation sexuelle. La seconde s’adresse
aux adolescents pour mieux les éclairer. La troisième concerne
les femmes mariées qui souffrent de monotonie au niveau du
couple. Et enfin, la quatrième vise à former des spécialistes
chargés de répondre aux interrogations des gens via des numéros
gratuits. Aujourd’hui, sa clinique dispense 5 cours pour adolescents.
Des classes composées uniquement de filles ou de garçons qui
se connaissent, pour éviter toute gêne. Durant le cours, elle
n’hésite pas à faire appel à des gynécologues pour l’aider
dans sa mission. Elle collabore d’aavec d’autres spécialistes
pour transmettre une éducation sexuelle adéquate et corriger
certaines notions erronées. Elle reçoit chaque jour des centaines
d’appels de détresse.
Ses
articles dans le magazine mensuel Al-Hayat (La Vie) s’adressent
le plus souvent aux jeunes et sont rédigés avec beaucoup de
simplicité pour mieux les éclairer. De plus, elle reçoit leurs
questions à travers le courrier des lecteurs. « Je tente de
me rapprocher de la mentalité des jeunes, car le problème
est que la plupart des réseaux qui présentent cette éducation
varient entre le tout scientifique et le quasiment érotique.
Le défi est de trouver la meilleure manière pour transmettre
ce qu’il faut », confie Qotb. Cette spécialiste entre également
en contact direct avec les jeunes à travers le premier magazine
électronique du genre, Boswtol, afin de corriger les informations.
De plus, elle effectue des déplacements dans un bon nombre
de pays arabes, ce qui a fait sa renommée dans la région.
Ecole, centre
de formation sexuelle et médias ne sont pas les seuls maillons
de cette chaîne, certaines institutions religieuses sont aussi
rentrées dans le jeu. Père Boula, prêtre de l’église Al-Malak
Raphaël, et responsable de l’épiscopat chargé des services
pendant 10 ans, assure que « presque 80 % des problèmes conjugaux
dont on lui fait part lors des confessions sont dus au manque
d’éducation sexuelle. Ce qui exige une formation dès l’adolescence
», estime père Boula, tout en ajoutant que face à cet enseignement
qui fait défaut au sein de l’Eglise, il prépare actuellement
un stage à l’adresse des jeunes. « Je suis en train d’observer
les bases et les méthodes suivies au Canada et aux Etats-Unis
pour enseigner aux adolescents la sexualité à travers des
classes parrainées par l’Eglise », poursuit-il. Un rôle qui
semble encore quasiment absent dans les mosquées, où l’on
se contente d’offrir cette formation sous forme de consultations
privées. « On a l’impression que ce type de questions ne doit
pas se faire devant tout le monde et surtout dans un endroit
aussi sacré », exprime Saïd, 45 ans, résumant ainsi l’avis
de beaucoup de pieux coptes ou musulmans. Pourtant, en se
penchant sur l’histoire de l’islam, on constate un phénomène
contraire. « Lorsque le prophète a émigré à Médine, il discutait
avec beaucoup de liberté avec ses fidèles dans la mosquée
et en présence même d’adolescents de 14 ans », conclut Qotb
qui, à travers ses lectures de la charia, a découvert que
le Coran et les hadiths ont abordé les moindres détails de
la relation entre homme et femme dans le couple. Les propos
du prophète étaient d’ailleurs très explicites à cet égard
... La nouvelle génération serait-elle devenue plus royaliste
que le roi ?
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Dina Darwich |
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Héba Qotb, sexologue,
se bat depuis plusieurs années, en Egypte et dans le monde arabe,
pour une éducation sexuelle correcte et saine. Entretien. |
« L’essentiel est
de donner une chance au dialogue » |
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Al-Ahram Hebdo :
A quel âge peut-on aborder le sujet du sexe avec nos enfants
?
Héba Qotb : L’éducation sexuelle doit commencer
dès le plus jeune âge. A partir de deux ans par exemple, on
peut commencer à transmettre quelques notions et conseils à
ses enfants. Lorsqu’une maman conseille à son fils de prendre
soin de ses organes génitaux et de l’avertir en cas d’attouchements,
c’est un moyen de créer un dialogue. Et plus l’enfant prend
de l’âge et plus il est apte à recevoir des informations plus
claires à ce sujet. L’essentiel est de garder un lien avec nos
enfants et de donner une chance au dialogue.
— Y a-t-il une méthode d’enseignement particulière
à suivre ?
— Il ne faut pas choquer les enfants mais plutôt
leur offrir une dose graduelle d’informations qui correspond
à leur âge, leurs capacités et leurs connaissances. Cela veut
dire ne rentrer dans les détails que lorsque l’enfant est prêt
à les assimiler correctement. Il faut alors recourir à des méthodes
pédagogiques pour s’adresser aux jeunes selon leur âge.
— Doit-on aborder la question du sexe avec
les filles de la même manière qu’avec les garçons ?
— Bien sûr que oui. Par exemple, pour préparer
une fille à l’âge de la puberté, on doit l’avertir qu’elle va
avoir ses règles pour être prête à la procréation. Cette introduction
convient parfaitement à la nature douce et romantique de la
fille car elle s’adresse à son instinct maternel. Par contre,
le garçon doit être préparé autrement à ces changements. Là,
on peut l’avertir que ce ne sont que les prémices pour devenir
un homme fort et adulte. Car les garçons apprécient ce sentiment
de pouvoir. De plus, la famille à son tour doit se rendre compte
que le désir sexuel chez le garçon est plus développé que chez
la fille, surtout après la puberté, alors la famille doit tenir
compte de ces critères pour guider le garçon vers le sport ou
d’autres activités pour absorber son excitation.
— Certaines familles pourraient avoir besoin
de votre assistance, comment accéder à un tel service ?
— Je prépare actuellement deux livres qui seront
exposés sur le marché durant la prochaine Foire du livre concernant
l’éducation sexuelle. De plus, je suis prête à recevoir des
emails à travers le magazine électronique www.boswtol.com et
aussi le site du magazine Al-Hayat : www.hayahonline.com Mon
site privé verra le jour dans un mois .
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Dina Darwich
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