Rien ne change
Mounir Hamza
Chercheur
Tous
les revers que subit la révolution égyptienne depuis
quelques mois sont imputables à un seul différend : celui
qui oppose le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) — qui
souhaite préserver le statu quo d’avant la révolution — au
courant révolutionnaire qui aspire au changement. Seules
quelques avancées ont été accomplies après la chute de
Moubarak grâce à la pression de la rue. Le départ d’Ahmad
Chafiq, l’incarcération de
l’ancien président et de ses deux fils et la mise en examen
de certaines figures de l’ancien régime sont des points
positifs.
Mais le plus dur reste à faire : démanteler l’ancien régime
pour en construire un autre sur de nouvelles bases. Plus la
période transitoire s’allonge, plus un désenchantent de la
révolution se fait sentir. Ce sentiment va même, faute de
sécurité et de retombées économiques, jusqu’à une
perceptioL’imbroglio Place
TahrirL’imbroglio Place
Tahrirn négative de la
révolution.
Les revers qu’a subis la révolution depuis ses débuts sont
de taille. Le manque de sécurité en fait partie. Il est
notamment dû au fait que bon nombre d’officiers de police de
l’ancien régime — dont certains ont du sang sur les mains —
sont toujours en fonction. Ainsi d’ailleurs qu’une bonne
partie de ceux qui faisaient partie de l’appareil de la
Sûreté d’Etat qui a commis maintes atrocités pendant des
décennies. La réforme de la police, annoncée par l’actuel
ministre, semble se heurter à l’influence des anciens
lieutenants de l’ère Moubarak.
Le CSFA, au lieu d’encourager la réforme, a décidé de
laisser traîner le dossier, se contentant de prêter main
forte aux forces policières par le biais de sa police
militaire. La gestion superficielle de dossiers importants
est toujours de mise. Cette gestion s’applique aussi à la
cohésion sociale, au volet économique et juridique, au
tourisme ...
Il a fallu, en plus de cela, que le CSFA, malgré sa
neutralité affichée, favorise les tendances religieuses sur
plusieurs points. Peut-être en raison du fait que les
islamistes ont fait savoir à l’armée qu’ils ne lui
demanderaient pas de compte à rendre s’ils arrivaient au
pouvoir. Ce qui n’est pas le cas des tendances libérales,
socialistes et nationalistes, dont l’armée redoute qu’elles
exigent des explications sur la manière dont l’armée gère le
pays.
Pour ce qui est des élections qui se profilent dans un
climat peu sécuritaire et complaisant à l’égard des méthodes
appliquées islamistes, il va de soi que les nouveaux partis
issus de la révolution et tout juste politisés auront peu de
chance d’accomplir quoi que ce soit.
Contrairement aux Frères musulmans qui, eux, sont des
gourous de la politique ; ainsi, d’ailleurs, que les autres
tendances islamistes bénéficiant des fonds nécessaires pour
monter leur campagne. Sans oublier les anciens membres du
parti politique que présidait Moubarak qui devraient, à leur
tour, se présenter. L’Egypte est en train de recréer les
mêmes clivages politiques de l’avant-25 janvier 2011, avec
de nouveaux interlocuteurs.
Le CSFA
en est-il
conscient
? l