Al-Ahram Hebdo, Opinion | Abdel-Azim Hammad, Des élections pour élaborer la Constitution

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 Semaine du 23 au 29 novembre, numéro 897

 

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Opinion

Des élections pour élaborer la Constitution
Abdel-Azim Hammad
Politologue

Théoriquement parlant, un Parlement issu d’une révolution populaire, à laquelle tout le monde a participé, doit représenter tout le monde. Si ce Parlement doit assumer une tâche primordiale, celle d’établir une nouvelle Constitution, il devient primordial qu’il soit le représentant de tous les courants et forces politiques. Car si le Parlement ne représente pas le peuple dans son ensemble, il n’y aura pas de passage à la démocratie, il n’y aura ni stabilité politique ni progrès économique.

La majorité des Egyptiens sentent que le prochain Parlement ne sera pas équilibré et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, la révolution du 25 janvier n’a pas témoigné de l’émergence d’une force politique capable de se mesurer aux forces déjà présentes sur la scène, avec l’objectif d’instaurer un Etat civil démocratique et moderne. C’est une vérité que tout le monde doit accepter. La réalité sur le terrain est que ce sont les forces qui étaient déjà présentes sur la scène politique avant la révolution qui sont les mieux organisées et qui disposent de tous les outils nécessaires pour mobiliser les électeurs, établir des contacts avec eux et financer la campagne électorale. Nous parlons bien sûr du courant islamiste représenté par la confrérie des Frères musulmans et son parti Liberté et justice, ainsi que par les partis salafistes et celui de la Gamaa islamiya.

Les porte-parole de ce courant ont affirmé plus d’une fois qu’ils visaient seulement entre 30 et 45 % des sièges dans le futur Parlement. Ceci selon les déclarations d’Aboul-Ela Madi, chef du parti islamiste d’Al-Wassat, et celles du candidat à la présidentielle Mohamed Sélim Al-Awwa. Même les porte-parole du parti Justice et liberté (l’aile politique de la confrérie) écartent l’éventualité d’une majorité islamiste au sein du futur Parlement. En réalité, il s’agit de déclarations sans grande crédibilité. Tous les indices semblent indiquer que les islamistes gagneront les élections législatives et obtiendront un grand nombre de sièges au sein du futur Parlement.

C’est dans ce contexte qu’émerge l’idée d’une entité en dehors du Parlement où participent toutes les forces politiques. Cette entité c’est la commission chargée de rédiger la nouvelle Constitution afin de réaliser les objectifs de la révolution du 25 janvier. Cette idée a été posée à la discussion dans les conférences et au sein des coalitions partisanes. Ensuite, nous avons assisté à l’émergence d’une autre idée, celle des principes supraconstitutionnels remplacés par la charte d’honneur et enfin par la charte d’Al-Selmi, vice-premier ministre chargé du développement économique et de la transition démocratique.

Cette charte a provoqué bien des remous. Elle fait toujours l’objet de négociations entre le gouvernement, représenté par Ali Al-Selmi, et les représentants des forces politiques, qui la rejettent. Malgré les différends, il semble que l’esprit qui prévaut soit celui de la recherche d’un accord sur les fondements de la nouvelle Constitution. Un espoir pour le gouvernement qui appelle à un congrès national réunissant les diverses forces politiques afin de signer cette charte et la ratifier.

Il va sans dire que nous espérons, comme tous les Egyptiens, la réussite des efforts dans ce sens. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe un autre front, non moins important, qu’il faut prendre en considération si on veut assurer le succès de ces efforts. Ce front peut être la source de contre-réactions si une seule coalition ou courant politique remporte une majorité écrasante au Parlement. Ce front est bien sûr celui de l’électorat. Ce sont les citoyens qui sont sortis par millions pendant tous les jours de la révolution dans les quatre coins de l’Egypte pour appeler à la chute de l’ancien régime. La réalité qu’il ne faut pas omettre est que ces foules ne seront jamais assujetties à une organisation quelconque. Elles constituent le tissu national qui veut mener l’Egypte au progrès et à la démocratie.

La question qui se pose à présent est : comment peut-on mobiliser ces millions d’Egyptiens qui ont participé à la révolution du 25 janvier pour transformer à travers les urnes l’esprit de cette révolution ?

De prime abord, l’électeur doit savoir que les élections cette fois-ci sont destinées à établir une Constitution et non pas parvenir à une représentation législative traditionnelle. Et puisque la plupart des électeurs appartiennent à des forces politiques, on suppose que spontanément, ils choisiront un Parlement équilibré.

Si nous voulons avoir une idée correcte du comportement électoral des Egyptiens, il nous faut revenir un peu en arrière pour avoir une idée précise et pouvoir anticiper.

L’histoire de la période pré-révolution de 1952 nous révèle que l’Egyptien a toujours voté avec enthousiasme lorsqu’il a senti que les élections se déroulaient dans un climat de liberté et que sa voix était décisive. A contrario, l’Egyptien a toujours boycotté les élections dont les résultats étaient arrangés d’avance. Ce comportement s’est répété lors des élections organisées sous la révolution de Juillet 1952. Plus l’avenir était porteur d’espoir, plus les Egyptiens se rendaient massivement aux urnes. Rappelons que le comportement négatif des citoyens envers le vote a persisté même lorsque l’Egypte a abandonné le système du parti unique pour adopter le pluralisme. En 2005, les élections étaient très disputées car chaque citoyen avait senti que sa voix serait décisive pour l’avenir du pays. Quant aux élections de 2010 qui ont précédé la révolution, elles ont connu un faible taux de participation. Le référendum sur les amendements constitutionnels du 19 mars a également vu une participation en masse des Egyptiens.

Cette lecture de l’Histoire nous amène à penser que les élections législatives prévues la semaine prochaine connaîtront un large taux de participation. Et puisque nous parions que la majorité des électeurs appartient au courant politique du milieu, et qu’elle est parfaitement consciente que ces élections, loin d’être des législatives traditionnelles, visent à établir une nouvelle Constitution, on peut supposer que le résultat serait l’établissement d’un Parlement équilibré réunissant les forces instigatrices de la révolution.

Mais il ne s’agit finalement que de suppositions. Pour les concrétiser, il faut qu’un effort soit déployé par toutes les forces soucieuses d’établir un Etat civil démocratique en instaurant des contacts avec l’électeur à travers le dialogue et la sensibilisation.

Les ONG, les syndicats professionnels et bien sûr les médias ont un rôle à jouer. Il faut également que les autorités étatiques, représentées par la Commission suprême des élections, assurent la transparence des élections. De cette manière, nous pouvons nourrir l’espoir d’avoir un Parlement non soumis au monopole d’une force déterminée qui manipule la Commission constituante chargée de la rédaction de la Constitution. Ainsi, les efforts en vue d’une entente nationale aboutiront et les chartes exprimant la conscience et les espoirs d’une nation ne resteront pas lettre morte. Enfin, la nation ne sera pas prise dans une nouvelle spirale de conflits politiques .

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