Al-Ahram Hebdo,Evénement | Le labyrinthe législatif

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Abdel-Fattah El Gibali
 
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Hicham Mourad

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 Semaine du 23 au 29 novembre, numéro 897

 

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Place tahrir. Système électoral nouveau, informations peu précises ou inaccessibles, plus de 50 partis et un nombre sans précédent de candidats sont au rendez-vous aux prochaines élections législatives. Le citoyen a toutes les raisons pour perdre la boussole. Tour d’horizon.

Le labyrinthe législatif

Des symboles illustrant tous les courants, des slogans différents reflétant toutes les tendances politiques, des noms et visages nouveaux représentant tous les partis et coalitions, Le Caire est devenu un immense lieu de concurrence politique.

Des élections singulières dans l’histoire de l’Egypte. Elles sont non seulement les premières législatives après la révolution, mais elles sont aussi différentes à tout point de vue. Le système instauré cette fois-ci est tout à fait nouveau : il y aura à la fois des candidats libres, ainsi que des listes de candidats de divers partis et coalitions. Et ce n’est pas tout. Le nombre important de partis politiques et de candidats est surprenant. D’autre part, la plupart des candidats sont inconnus des électeurs en comparaison avec ceux qui se sont imposés sur la scène politique pendant des décennies et dont les principales figures sont en prison. Et dans ce contexte politique unique en son genre, le citoyen ne sait plus où donner de la tête. « Je suis perdu. Il y a tellement d’affiches que je ne sais plus qui choisir. Nous sommes un peuple qui fait ses premiers pas dans le monde de la démocratie. Nous ne sommes pas habitués à utiliser notre droit de choisir librement notre candidat au Parlement », commente Hicham, comptable.

D’après lui, les élections précédentes ont toujours manqué de transparence. « On savait d’avance qui allait gagner dans les différentes circonscriptions. Cette fois-ci, rien n’est clair », confie-t-il. C’est d’ailleurs ce flou qui marque les prochaines élections et qui semble inquiéter tout le monde. Quelle serait la structure du prochain Parlement ? Quel est le courant politique qui va remporter le plus grand nombre de sièges ? Est-ce que les feloul (les hommes de l’ancien régime, surtout du PND) réussiront à accéder au Parlement ?

Une vingtaine de partis ont vu le jour en 2011. Libéraux et islamistes ont droit pour la première fois à présenter leurs candidats en tant que tels. Aujourd’hui, tous les courants sont représentés, la gauche, les islamistes et les libéraux. « Cette fois-ci, l’électeur a le choix entre plus de 50 partis. Le nombre de candidats dans certaines circonscriptions peut atteindre les 200. Comment le citoyen peut-il trancher dans ce cas-là ? », ajoute Hicham.

Une confusion qui surgit au quotidien dans toutes les discussions. Personne n’arrive à comprendre le système de déroulement de ces élections.

D’autres éléments viennent embrouiller le citoyen, comme celui de choisir les candidats individuels ou de liste.

Le prochain Parlement sera constitué de deux tiers issus d’un scrutin de liste et d’un tiers uninominal. « J’ai essayé de comprendre à travers la télé comment je dois voter mais en vain. Pareil avec la radio en faisant le ménage. Je ne comprends toujours rien au système que l’on a instauré cette fois-ci pour les élections », commente Mona, professeure de sciences dans une école à Maadi. Chaque jour, en se rendant à son boulot, elle remarque de nouvelles pancartes. « Personne n’est venu nous présenter son programme. J’ai vu ce monsieur à la télé, il semble avoir des idées libérales, je vais peut-être lui donner ma voix », explique Mona, pour qui l’arrivée des Frères musulmans ou des salafistes serait une catastrophe pour le pays.

Mona, de confession chrétienne, craint l’application de la guézya (amende pour les non-musulmans).

Mais malgré sa confusion et son angoisse, elle tente de se rassurer en recherchant plus d’informations sur ces élections. Mais la mission ne semble pas facile. A quelques jours seulement des élections, elle ne sait toujours pas dans quelle circonscription et dans quelle école elle va voter. « J’ai cherché sur le site Internet suivant mon adresse et selon le numéro de ma carte d’identité mais rien n’a été encore précisé. Pire encore, j’ai appris que les membres d’une même famille peuvent ne pas voter dans le même établissement scolaire », note-t-elle.

Arafa est propriétaire d’un magasin de vente de peinture dans un quartier populaire du Caire. Convaincu que sa voix peut changer les choses, il a décidé de se lancer sur Internet, et plus précisément sur le site elections2011 créé par la Commission suprême des élections pour comprendre et mieux choisir son candidat. « Je n’y comprends rien au Net mais il fallait m’y mettre pour choisir l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », confie Arafa qui a décidé de ne plus rester passif.

Mais si Arafa a su trouver sa source d’informations, nombreux sont ceux qui ne savent pas quoi faire. Yasser Abdel-Mawla, propriétaire d’un supermarché à Boulaq, pense toujours qu’il peut voter avec sa carte d’électeur. Il a été très surpris lorsqu’on lui a dit qu’on peut voter avec sa carte d’identité. Abdel-Mawla, qui a toujours boycotté les élections, est déterminé à voter cette fois-ci.

Un autre élément qui accentue la confusion du citoyen, c’est la participation des anciens membres du PND. « Difficile de croire que nous avons fait une révolution alors que des symboles de l’ancien régime sont toujours très présents et ne veulent pas quitter la scène », se plaint Am Hassan, vendeur dans un magasin.

Place Al-Farouq à Maadi, il est 11h, 3 jeunes hommes arrivent, tenant des bâtons dans les mains, et se mettent à déchirer la pancarte de Hassan Amin, avocat et candidat du parti Masr Al-Haditha (l’Egypte moderne) pour les élections législatives. « Difficile de se débarrasser des feloul. Ils sont venus hier et ont déchiqueté la pancarte du cheikh Abdel-Rahmane, un des candidats des Frères musulmans », confie Ahmad, un citoyen de passage à la place Al-Farouq. Ce dernier et son ami regrettent que la révolution soit arrivée à ce stade-là. En faisant une petite enquête sur cet incident, on apprend que ceux qui ont mis en pièces les affiches sont les employés de la municipalité. La raison : certains candidats aux élections ne se sont pas acquittés de la somme de 1 000 L.E. imposée par la Commission suprême des élections.

Am Hassan, fonctionnaire à la retraite, cherche partout les noms des jeunes de la révolution pour savoir dans quelles circonscriptions ils se sont présentés. Son objectif : connaître leur nombre et, par conséquent, leur chance de réussite. Moustapha Al-Sayed, fonctionnaire au ministère du Logement, s’informe sur les élections par l’intermédiaire des journaux. « A Bassatine, les journaliers attendent avec impatience pour avoir un peu d’argent et quelques kilos de viande. Dans de telles conditions, on ne peut pas attendre de ces électeurs beaucoup de choses », confie Moustapha.

Ce fonctionnaire n’a plus confiance dans les médias. « Chaque chaîne de télévision est la propriété d’un homme d’affaires et adopte sa propre position vis-à-vis des candidats », dit-il.

Non loin, et plus précisément dans le bidonville de Ezbet Khairallah, des tas d’immondices jonchent par terre, laissant à peine un passage aux véhicules. Le laisser-aller a atteint son paroxysme dans cette zone d’urbanisme sauvage et les habitants sont toujours marginalisés. « Je suis une femme au foyer. Je ne sais pas distinguer le bon du mauvais. La voix de l’électeur est une grande responsabilité et j’ai peur de me tromper », dit Oum Salma.

Cette femme a appris qu’une amende de 500 L.E. sera imposée à ceux qui s’abstiendront de voter. Mais, elle ne savait pas que les femmes aussi sont concernées.

Les fausses informations circulent et perturbent les gens. « Les rumeurs circulent que les jeunes activistes du mouvement du 6 Avril sont financés par des gouvernements étrangers et qu’ils ont été formés aux Etats-Unis », dit Oum Salma.

Sa voisine Hanane, fonctionnaire, ne cherche même pas à s’informer sur les élections et ne compte pas voter. Pourtant, l’histoire de l’amende lui pose problème. « Pourquoi nous imposer une telle amende ? Il faut laisser les gens agir selon leur conscience ».

Adel, fonctionnaire dans une ONG, est très excité par cette nouvelle expérience démocratique que vit son pays. Il lit 3 journaux par jour et ne rate aucune occasion pour saisir de nouvelles informations. Il a fait une collection de sites Internet qui abordent le sujet des élections égyptiennes. En zappant sur le Net jour et nuit, il a aujourd’hui une idée sur le candidat de son choix. Il s’est servi de la ligne 140, offerte par le ministère des Télécommunications, pour vérifier le nom de l’école dans laquelle il devra voter. « Un service facile, des informations précises et la communication ne coûte que 50 piastres ».

Adel a même participé à un sondage effectué par le site de la Radio hollandaise qui étudie les orientations des Egyptiens lors des prochaines élections.

Adel est prêt à tout tant que ces élections se passeront dans la transparence. « Peu importe le parti qui va remporter le plus grand nombre de sièges. Accepter le choix du peuple. C’est ça la démocratie ». Si Adel, lui, semble bien averti de ce qu’il doit faire, la majorité reste dans le flou .

Dina Bakr

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